Journées Eliot

Le séminaire littéraire tenu ici à Broadstairs au début du mois de mai sur des poèmes et pièces du célèbre poète moderne, T.S.Eliot (1888–1965), a bien réussi. Eliot est un écrivain difficile à entendre, parce qu’il insistait pour comprendre le monde moderne incompréhensible, mais les six conférences (en 36 heures !) du Dr White ont inspiré dans son auditoire de plus de 25 Catholiques un vrai intérêt en Eliot. On a choisi celui-ci comme sujet du séminaire parce qu’il a écrit une partie de son poème le plus célèbre, La Terre Dévastée, à Margate, ville proche d’ici. D’intérêt particulier pour les participants au séminaire a été l’excursion pour visiter le pavillon même au bord de la mer où Eliot a écrit ces 45 vers, et où le Dr White a récité le poème tout entier devant une mer grise, sous un ciel gris – grisaille parfaite pour l’occasion !

De nombreux Catholiques s’opposent aux auteurs qui ne soient pas ouvertement catholiques, pour célèbres qu’ils soient. Mais vers 1925, peu de temps après avoir écrit La Terre Dévastée, Eliot a failli se faire Catholique, et à partir de ce moment-là jusqu’à sa mort la solution qu’il préconisait aux problèmes du monde actuel tournait tout autour de Notre Seigneur Jésus Christ. Cela ne saute pas aux yeux, ou bien parce qu’il écrivait pour des Chrétiens tièdes, ou bien parce qu’il ne cessait de lutter lui-même avec la modernité, mais dans un poème des Quatre Quatuors dont le Dr White a fait l’exégèse, Little Gidding section IV , transparaît la vraie croyance d’Eliot en Notre Seigneur :—

1. La colombe qui descend rompt l’air
2. Avec une flamme de terreur incandescente
3. Dont les langues déclarent
4. L’unique décharge du péché et de l’erreur.
5. L’espoir unique ou le désespoir
6. Gît dans le choix de tel ou tel bûcher,
7. Rachetant du feu par le feu.

8. Et qui a conçu le tourment ? L’amour.
9. L’amour est le nom peu connu
10. Derrière les mains qui ont tissé
11. La chemise à flammes intolérable,
12. Et inamovible de main humaine.
13. Nous ne vivons, nous ne respirons
14. Que pour être consumés par tel ou tel feu.

Pendant la Deuxième Guerre mondiale Eliot habitait Londres où les nuits il patrouillait dans les rues pour aider à minimiser le danger et les dommages des bombardements allemands. La première strophe du poème est comme ces images doubles en plastique qui contiennent deux images dont on fait paraître l’une ou l’autre selon qu’on fait incliner le plastique. La deuxième strophe tire la grande leçon de cette image double.

Ainsi 1) la “colombe qui descend” représente et le Saint Esprit qui descend à la Pentecôte, et les bombardiers ennemis qui descendent sur Londres. 2) La “flamme de terreur” représente et le feu du Saint Esprit, et les bombes incendiaires de l’ennemi. 3) Les “langues” sont et celles du Saint Esprit sur la tête des Apôtres, et celles des bombes, tandis que 4) la “décharge” est et la Rédemption par Notre Seigneur, et les bombes lâchées par les politiciens. 5) La première en est notre unique espoir, l’autre est le désespoir de la guerre. 6) Sur lequel des deux bûchers choisissons-nous d’être brûlés ? 7) Le feu de la Rédemption est là pour nous sauver du feu de l’Enfer.

Seconde strophe : ainsi 8) c’est Dieu qui conçoit les guerres mondiales pour nous sauver du feu éternel. 9) Il n’est pas bien connu, mais c’est 10) son amour qui permet aux politiciens de causer 11) les tourments de la guerre 12) que seul le Christ peut racheter. 13) En conclusion, la vie humaine ne prend fin que 14) dans le feu, ou celui de l’amour divin ou celui de l’Enfer.

La Troisième Guerre mondiale s’approche. Quand elle arrivera, combien de prédicateurs catholiques y a-t-il qui auront le courage de prêcher que ce sera l’amour divin qui aura conçu ses souffrances atroces, rien de moins étant nécessaire pour nous remettre, selon le plan divin, sur le chemin du ciel ? Voilà Eliot, pas Catholique, qui le disait il y a 70 ans.

Kyrie eleison.