La Pensée de Benoît XVI – III
Après avoir étudié les racines de la pensée de Benoît XVI, dans son étude La Foi au Péril de la Raison (CE 209), Mgr Tissier de Mallerais procède à en examiner les fruits. Cette pensée en tant qu’enracinée surtout dans le subjectivisme systématique de Kant (1724–1804), ne peut guère porter de bons fruits. En effet, dans les vérités objectives de la Foi comment peut-on intégrer de quelque façon que ce soit les réactions du croyant subjectif ? L’Évangile, le dogme, l’Église, la société, la Royauté du Christ et les fins dernières en sont frappés à mort.
Commençons par l’Évangile. Désormais sa valeur ne consiste plus en ce qu’il narre les faits historiques de la vie et de la mort de Notre Seigneur, mais plutôt dans le pouvoir qu’a son récit d’évoquer les problèmes existentiels de notre propre époque. Par exemple, que le corps physique même de Notre Seigneur, réuni à son âme humaine, ait jailli du tombeau ce matin de Pâques n’a plus aucun intérêt. Ce qui nous intéresse, c’est la signification moderne derrière le récit, à savoir que l’amour est plus fort que la mort, que le Christ survit par la force de son amour et par là nous garantit que nous aussi nous survivrons par l’amour. La réalité ? Fichtre ! « L’amour suffit » !
De même le dogme a besoin d’être purifié de son passé et enrichi par le présent. Or Heidegger, philosophe des temps présents, enseigne que la personne est un « dépassement de soi ». Donc le Christ fut un homme qui s’est tellement dépassé, qui s’est tellement efforcé d’atteindre l’infini au-delà de lui-même, qu’il s’est épanoui au point de devenir Dieu ! De même la Rédemption ne doit plus signifier que par les affres de sa Passion Jésus a payé à son Père la dette due pour tous les péchés des hommes, mais que par sa Croix il a aimé Dieu à notre place comme il convient de l’aimer, et ainsi il nous incite à faire de même. De fait le péché a cessé d’être une offense mortelle contre Dieu, il n’est plus que de l’égoïsme, un manque d’amour. Aussi la Messe n’a-t-elle plus besoin d’être un sacrifice, et du coup le prêtre ne représente plus que l’animateur de la célébration communautaire. Il n’est pas surprenant que Benoît XVI croie en la Nouvelle Messe.
Quant à l’Église, puisque la personne existante est la valeur suprême (voir l’EC dernier) et que toutes les personnes sont égales quant au fait d’exister, alors à la lanterne l’Église des inégalités hiérarchiques, à la lanterne l’Église qui serait l’unique Arche de Salut, parce que les adeptes de toutes les religions sont égaux dans leur fait d’exister. Que l’œcuménisme remplace tous les efforts missionnaires des catholiques d’autrefois. Faire de la personne la valeur suprême va dissoudre la société aussi, en subordonnant aux droits de l’individu le bien commun de la société, et il va subvertir le mariage, et par là encore la société, en mettant avant le bien des enfants la satisfaction mutuelle des personnes que sont l’homme et la femme. Quant au Christ Roi, il sera détrôné par la nécessité pour l’État de reconnaître à toute personne une telle dignité qu’il doit protéger le droit de cette personne à choisir sa propre religion.
Enfin d’une peine la mort devient le remède à tous nos maux. Le jugement particulier ne signifie qu’une récompense. L’Enfer n’est plus qu’un état d’âme définitivement égoïste. Le ciel sera « Une immersion constamment renouvelée dans l’infinité de l’être » – quel être ? – et ainsi de suite.
Décidément, dit Mgr Tissier, voici une nouvelle religion bien plus commode – au moins ici-bas – que la religion catholique.
Kyrie Eleison.