Vacance Raisonnée – II

Vacance Raisonnée – II on mai 2, 2015

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Concernant la déposition d’un Pape hérétique, les Dominicains Traditionnels d’Avrillé en France nous ont rendu un grand service en republiant non seulement les considérations classiques de Jean de St Thomas (cf. CE 405), mais aussi celles d’autres théologiens insignes. Bref, à propos d’un argument simple et populaire d’aujourd’hui, à savoir qu’un Pape hérétique ne peut être membre de l’Église et donc encore moins son chef, les meilleurs esprits de l’Église enseignent que c’est là aller un peu vite en besogne. Bref, le Pape est plus qu’un simple fidèle catholique qui en tombant dans l’hérésie perd la foi, et cesse du coup d’être membre de l’Église. Pour l’Église, le Pape est beaucoup plus qu’un simple Catholique du rang. Pour être clair, présentons les arguments de ces théologiens en forme de questions et réponses :—

Tout d’abord, est-il possible pour un Pape de tomber dans l’hérésie ?

S’il engage toutes les quatre conditions de son Magistère Extraordinaire, il ne peut pas enseigner l’hérésie, mais en dehors de ces quatre conditions l’opinion plus probable, au moins des théologiens plus anciens, c’est que personnellement il peut tomber dans l’hérésie.

Dans ce cas-là, ne cesse-t-il pas d’être membre de l’Église ?

Comme simple personne catholique, oui, mais en tant que Pape, pas nécessairement, parce que le Pape est beaucoup plus qu’un simple Catholique. Comme a dit St Augustin, le prêtre est Catholique pour lui-même, mais il est prêtre pour les autres. Quant au Pape, il est Pape pour toute l’Église.

Mais à supposer que la grande majorité des Catholiques peuvent constater qu’il est hérétique, parce que c’est évident, son hérésie ne ferait-elle pas qu’il ne pourrait plus être Pape ?

Non, parce que même si son hérésie était évidente, beaucoup de Catholiques pourraient encore le nier, par exemple par « piété » envers le chef de leur Église, et donc pour empêcher que l’Église tout entière ne soit jetée dans la confusion, il faudrait une déclaration officielle de l’hérésie du Pape pour obliger les Catholiques de rester unis. Une telle déclaration devrait venir d’un Concile de l’Église, convoqué exprès pour cela.

Mais si l’hérésie était publique et évidente, ne suffirait-elle pas pour le déposer ?

Non, d’abord parce que tout hérétique doit être averti officiellement avant d’être déposé, au cas où il voudrait rétracter son hérésie. Ensuite tout officiel important dans l’État comme dans l’Église assure le bien commun, et c’est pour le bien commun qu’il doit garder son office jusqu’à ce qu’il soit officiellement déposé. Donc tout comme un évêque garde son office tant que le Pape ne l’a pas déposé, de même le Pape garde son office jusqu’à ce que la déclaration officielle de son hérésie par un Concile de l’Église permet au Christ de le déposer (cf. CE 405).

Mais si un hérétique n’est plus membre de l’Église, comment peut-il en être la tête, le membre le plus important de tous ?

Parce qu’être membre personnel et chef officiel, cela fait deux. En tant que membre personnel, il reçoit de l’Église la sanctification, en tant que son dirigeant officiel il lui donne le gouvernement. Or, recevoir, ce n’est pas donner. Il est vrai qu’en tombant dans l’hérésie il cesse d’être un membre vivant de l’Église, mais ce n’est pas pour autant qu’il cesse d’être capable de la gouverner. Etre membre de l’Église par la foi et la charité est incompatible avec l’hérésie, mais de gouverner l’Église par la juridiction officielle ne requiert ni la foi ni la charité, et donc c’est compatible avec l’hérésie.

Mais par son hérésie un ancien Pape a jeté sa papauté !

Pour la personne privée cela est vrai, mais pour la personne ayant une charge officielle et publique cela n’est pas vrai tant qu’un Concile de l’Église n’a pas rendu son hérésie, outre publique, officielle. Jusque-là il faut traiter le Pape de Pape, parce que pour la tranquillité et le bien commun, le Christ maintient sa juridiction.

Kyrie eleison.