Cardinal Mindszenty

La Politique de Jérémie

La Politique de Jérémie on mars 27, 2010

Tout comme Jérémie est le prophète de l’Ancien Testament pour le temps de la Passion, aussi l’est-il pour notre temps. Jérémie le prophète de la Passion, tant notre Mère l’Eglise dans sa liturgie de la Semaine Sainte, pour exprimer sa douleur sur la Passion et la Mort de Notre-Seigneur, a puisé dans ses Lamentations sur la destruction de Jérusalem en 558 av. J.C. Que Jérémie soit le prophète de notre temps découle notamment des vues du Cardinal Mindszenty sur les péchés de notre époque, qui méritent, bien plus que les péchés de la Judée, les récriminations de Jérémie, et qui conduisent tout aussi sûrement à la destruction de notre style de vie si chargé de péché.

En ce qui concerne les domaines de la politique et de l’économie, plusieurs commentateurs (accessibles sur Internet) nous voient clairement à l’orée de cette destruction, mais sans la relier à la religion parce qu’eux-mêmes, ou alors le gros de leurs lecteurs, partant d’en bas, ne savent s’élever en haut. Au contraire, Jérémie, partant d’en haut dès le moment où Dieu l’appela si puissamment à son service (Chapitre I er), voit la politique, l’économie et tout à la lumière du Seigneur Dieu des Armées. Aussi, après avoir longuement dénoncé l’horrible perfidie de la Judée et ses péchés contre Dieu et après avoir annoncé sa punition générale (Chapitre II-XIX), Jérémie prononce des prophéties particulières comme conséquences politiques : les Judéens seront emmenés captifs à Babylone (Ch. XX), leur Roi Sédécias avec eux (Ch. XXI), et les Rois Joachaz, Joakim et Joachin seront tous punis (Ch. XXII).

Ce genre de prophéties ne rendait pas Jérémie populaire. Les prêtres de Jérusalem l’arrêtèrent (Ch. XXVI), un faux prophète le défia (Ch. XXVII), le Roi Joakim lui-même chercha à faire disparaître les écrits du prophète (Ch. XXXVI), et finalement les princes de Juda le capturèrent et le jetèrent dans un puits boueux duquel seul un Ethiopien le sauva (Ch. XXXVIII). Aussitôt libéré du puits, Jérémie retourne à la politique en suppliant – en vain – le Roi Sédécias d’aller se rendre aux Chaldéens, recours qui aurait évité au roi de bien grandes souffrances.

Evidemment les autorités séculaires et religieuses de la Jérusalem décadente d’alors n’aimaient pas ce que leur disait cet homme de Dieu. Mais il leur restait au moins assez de sens religieux pour le prendre au sérieux. N’est-il pas vrai que de nos jours, et l’Etat et l’Eglise le repousseraient en le traitant de « mystico-dingue », et lui intimeraient de « se tenir à l’écart de la politique ». N’est-il pas vrai que l’Eglise et l’Etat de nos jours ont tellement scindé la politique d’avec la religion qu’ils ne voient plus à quel point leur politique impie est caractérisée et condamnée par leur propre impiété ? En d’autres termes, la relation des hommes avec leur Dieu imprègne et gouverne tout ce qu’ils font, même quand du côté des hommes cette relation consiste en une totale indifférence envers Dieu.

Ainsi, pour ceux d’entre nous qui assisteront à l’Office des Ténèbres cette année, que la douleur de Jérémie pour Jérusalem dévastée évoque non seulement le chagrin de notre Mère l’Eglise sur la Passion et la Mort de Notre Seigneur Dieu, mais aussi la peine immense du Sacré Cœur infligée par tout un monde en train de sombrer dans un océan de péchés qui appellent sa destruction totale, à moins que nous ne tenions compte de la plainte douloureuse des Ténèbres : « Jérusalem, Jérusalem, convertis-toi au Seigneur ton Dieu ».

Kyrie eleison.