Les Dix Commandements

Encadrement Moral

Encadrement Moral on avril 24, 2010

De par leur brièveté compréhensive et leur promulgation divine, les dix Commandements de Dieu (Deut. V, 6–21) présentent de façon insigne le droit naturel connu de tout homme par sa conscience naturelle, et qu’il ne peut ni nier ni braver qu’à son propre péril. Selon le « Commentaire Eleison » de la semaine passée, ce droit naturel rend facile le diagnostic des maux de l’art moderne. De fait, il rend facile le diagnostic d’un tas de problèmes modernes, mais voyons cette fois-ci sa structure, telle que la présentent les dix Commandements, analysés par St. Thomas d’Aquin dans sa Somme Théologique, 1a 2ae, 100, art.6 et 7.

Le droit est l’ordonnance d’une communauté par son chef. Le droit naturel est l’ordonnance par Dieu de la communauté des hommes avec lui-même, de lui-même avec les hommes. De cette communauté Dieu est le centre et la fin suprême, et alors la première « table de la Loi » présente les devoirs de l’homme envers Dieu (C.1, pas d’idoles, C.2 pas de blasphèmes, C.3 observer le Sabbat), tandis que la deuxième table (C.4–10) énumère les devoirs de l’homme envers son semblable.

Les trois premiers Commandements représentent en ordre descendant d’importance les devoirs de loyauté, de respect et de service envers Dieu. En effet, dit St. Thomas, tout comme pour un soldat dans une armée, le manque de loyauté envers son général, ou la trahison, est plus grave que le manque de respect, qui est pire que de manquer à son service, de même l’homme en face de Dieu doit tout d’abord n’avoir aucun autre dieu (C.1), ensuite n’injurier ni lui ni son nom en aucune façon (C.2), enfin lui rendre le service qu’il demande (C.3).

Quant aux devoirs de l’homme envers son semblable (C.4–10), ce qui prime absolument ce sont les rapports de l’homme avec le père et mère qui lui ont donné la vie. D’où en tête de la deuxième table de la Loi se place le devoir d’honorer ses parents (C.4). Cet honneur est d’une telle importance à l’existence de la société que sans lui toute société se désagrège, comme nous le voyons se passer aujourd’hui avec ce qu’on appelle la « civilisation occidentale » mais qu’on ferait mieux d’appeler la « désintégration occidentale ».

Quant aux six derniers Commandements, St. Thomas continue de les analyser selon un ordre descendant d’importance. Léser le voisin par ses actions est pire que simplement par la parole, ce qui est plus grave que de le léser seulement en pensée. Quant aux actions qui le lèsent, le mal que l’on fait à sa personne (C.5, pas de meurtre) est pire que celui fait à sa famille (C.6, pas d’adultère), qui est à son tour plus grave que le mal fait à sa propriété seulement (C.7, pas de vol). Léser le voisin par la parole (C.8, pas de mensonge) est pire que le léser en pensée seulement, et là encore en vouloir à son mariage ou à sa famille (C.9, pas de concupiscence de la chair) est plus grave qu’en vouloir seulement à sa propriété (C.10, pas de concupiscence des yeux).

Mais rompre tous les dix Commandements implique l’orgueil – appelé par les anciens Grecs « l’hubris » – qui fait que je m’élève contre l’ordre de Dieu, contre Dieu lui-même. Pour les Grecs, l’hubris était la clef de la ruine de l’homme. Pour nous autres aujourd’hui, cet orgueil qui se répand partout est la clef des problèmes affreux du monde moderne, problèmes insolubles sans Dieu, ce qui depuis l’Incarnation veut dire, sans Notre Seigneur Jésus Christ. Coeur Sacré de Jésus, sauvez-nous !

Kyrie eleison.

L’Art Moderne – I

L’Art Moderne – I on avril 17, 2010

Pourquoi l’art moderne est-il tellement laid ? Était-il inévitable que les beaux arts devinssent les laids-arts ? Les artistes modernes sont-ils incapables de remplacer la laideur par quelque chose de beau ? Et lorsqu’ils essaient de le faire, pourquoi en sort-il normalement de l’art de deuxième ou troisième classe, sentimental et qui sonne faux ? C’est un précurseur de l’art moderne qu’on a considéré la semaine dernière, le peintre Van Gogh, qui soulève de telles questions, d’ailleurs toujours aptes en tout temps à se poser. Elles trouvent une réponse facile si Dieu et l’âme sont des réalités. Par contre aucune réponse n’est raisonnable si le Dieu spirituel et l’âme spirituelle sont des illusions de l’homme qui veut s’illusionner.

En effet, si Dieu est invisible mais réel, le « Père Tout-puissant, Créateur de toutes choses visibles et invisibles », alors c’est lui qui a créé l’invisible âme humaine, en l’unissant au moment de la conception on ne peut plus intimement à un corps visible, de manière à constituer tout homme qui a jamais existé ou existera. Son but en créant ces créatures douées d’une raison non matérielle, et donc de libre arbitre, est sa propre gloire extrinsèque (pas intrinsèque), que fait augmenter tout être humain qui profite de son libre arbitre pour aimer et servir Dieu ici-bas de telle façon qu’il mérite d’être infiniment heureux avec Dieu quand il mourra, en rendant à Dieu une gloire sans fin dans la vie à venir.

Et comment un homme aime-t-il, sert-il Dieu dans cette vie ici-bas ? En obéissant à ses commandements (Jn. XV, 10) qui constituent un cadre moral du bien et du mal pour tout acte proprement humain, cadre que l’homme peut braver mais auquel il ne peut se dérober. Et si les hommes le bravent, ils se mettront plus ou moins en désharmonie avec Dieu, avec eux-mêmes et le prochain, parce que ce cadre ressort non pas d’un choix arbitraire de Dieu mais d’une harmonie parfaite avec la nature divine et cette nature humaine que Dieu oblige à s’y laisser encadrer.

Or, l’art au sens le plus large pourrait se définir comme toute confection de choses matérielles (par exemple les couleurs, les mots, les notes musicales, etc.) par lesquelles un homme se donne de la peine pour communiquer à ses semblables ce qu’il a dans l’esprit et sur le coeur. Si donc l’esprit et le coeur appartiennent à une âme laquelle à tout moment s’harmonise nécessairement plus ou moins avec ce cadre moral posé par Dieu pour tous ses actes, il s’ensuit que tout produit artistique émanant de cette âme devra refléter l’harmonie objective, ou le manque d’harmonie, qui se trouve en elle. Et maintenant nous pouvons répondre à nos questions du début.

Les arts modernes sont tellement laids parce que toute âme contemporaine appartient à une société globale qui s’enfonce chaque jour plus dans l’apostasie, en sorte que bon nombre de ces âmes, et parmi les plus influentes, font la guerre à Dieu, qu’ils s’en rendent compte ou non. Donc les produits artistiques d’âmes pétries d’une telle ambiance ne peuvent que refléter leur manque d’harmonie avec Dieu, avec elle-même et le voisin, d’où vient leur laideur. Toute beauté vraie ne peut procéder que de ce qu’il y a encore de vraiment harmonieux dans leurs âmes. Et tout cet art contemporain d’une beauté mièvre procède d’un manque d’harmonie qui se veut harmonieux, d’où son effet toujours de quelque façon faux, pas authentique, et en tant qu’art, de deuxième ou troisième classe.

Par contre, si Dieu et l’âme dont il est l’origine et la fin ne sont que des illusions, alors il ne reste plus aucune raison pour distinguer entre la beauté et la laideur. Voilà bien la façon de penser des artistes modernes, mais dès le moment où je reconnais une de leurs oeuvres laides comme étant vraiment laide, je reconnais implicitement qu’il y a un cadre en-dehors d’eux, qu’ils sont en train de braver.

Kyrie eleison.