Les Commentaires Eleison

Les Libéraux Préparent le Chapitre

Les Libéraux Préparent le Chapitre on juin 9, 2018

Pas tout le monde ne dort. Il y a en France quelqu’un qui surveille les préparatifs des libéraux en vue du prochain Chapitre général de la Fraternité Saint-Pie X. La Fraternité y aura encore, probablement pour la dernière fois, la possibilité de se lever, comme Mgr Lefebvre l’a fait, pour la défense de la foi catholique contre le concile Vatican II. Une personne, qu’importe son nom, a écrit sur le site Fidélité catholique francophone un excellent article dénonçant les funestes propos que le Secrétaire Général de la Fraternité, l’abbé Christian Thouvenot, a tenus au début de cette année lors d’une interview parue dans le bulletin de la Fraternité du District d’Allemagne. Ce qui suit doit beaucoup à cet article.

Commençons par les funestes propos en question : « Il est vraisemblable que la question du statut de Prélature personnelle soit posée lors du Chapitre. Mais c’est le Supérieur général seul qui conduit la Fraternité et qui a la responsabilité des relations de la Tradition avec le Saint-Siège. Mgr Lefebvre, en 1988, avait tenu a bien préciser cet aspect ». Ces propos sont funestes parce qu’ils correspondent à la vision de Menzingen, siège de la Fraternité où travaille l’Abbé Thouvenot. Il y prépare les membres et les sociétés amies de la Fraternité au Chapitre Général lors duquel Mgr Fellay voudrait arriver à faire dépendre de lui seul, et en toute légalité apparente, l’acceptation d’une Prélature personnelle offerte par Rome. Par ce stratagème, il mettrait fin, une fois pour toutes, à la capacité de la Fraternité de défendre la Foi en résistant au Novus Ordo et au Concile Vatican II. Propos funestes, en vérité, parce qu’ils sont ou ambigus ou erronés.

En premier lieu, le Supérieur Général n’est pas la seule personne à la tête de la Fraternité. Certes, les Statuts établis par Mgr Lefebvre stipulent que le Supérieur Général, une fois élu, est doté de pouvoirs considérables pour au moins 12 ans. Mgr Lefebvre voulait en effet que le Supérieur Général ait suffisamment de temps pour réaliser quelque chose sans être entravé comme lui-même le fut par les Pères du Saint-Esprit. Mais le Chapitre Général qui se réunit tous les six ou douze ans est au-dessus du Supérieur Général. C’est le Chapitre Général qui édicte les orientations que doit suivre le Supérieur Général. En théorie, le Chapitre Général de 2012 avait prévu que toute « normalisation canonique » nécessiterait un vote majoritaire du Chapitre. Mais, dans les faits, Mgr Fellay a déjà « normalisé » avec Rome les confessions, les ordinations et les mariages. Et voilà maintenant que le Secrétaire Général suggère que Mgr Fellay peut, tout seul, « normaliser » le reste sans que le Chapitre général ait son mot à dire ! Les quarante Capitulants de Juillet prochain ont-ils conscience de l’enjeu que révèle ce discours de Menzingen ? Sont-ils prêts à l’accepter ?

Deuxièmement, l’abbé Thouvenot prétend que seul Mgr Fellay est responsable des relations entre la Tradition catholique et le Saint-Siège. Sans aucun doute, Rome et Mgr Fellay lui-même aimeraient qu’il en fût ainsi. De cette manière, Rome pourrait récupérer d’un seul coup toute la « Tradition » et Mgr Fellay pourrait ainsi étendre à proportion son empire. Mais la « Tradition » est un ensemble composite et hétérogène d’instituts et de communautés religieuses qui, certainement, ne souhaitent pas tous être pris dans la rafle conciliaire, ni tous se retrouver sous la houlette de Mgr Fellay. C’est la raison pour laquelle Mgr Lefebvre répétait qu’il ne voulait pas qu’on dise qu’il était le chef de la Tradition catholique. Mais aujourd’hui, Mgr Fellay et son secrétaire jouent tous les deux le jeu de la Rome conciliaire.

Troisièmement, si Mgr Lefebvre a souligné, au moment des sacres de 1988, que lui seul était responsable des relations de la Fraternité avec Rome, c’était parce qu’il savait que les jeunes collaborateurs qui l’entouraient ne sauraient faire face à la ruse des Romains, comme, hélas, nous avons pu le vérifier depuis sa mort en 1991. Il ne faut donc pas chercher la raison de ses propos dans la confiance qu’il aurait eue dans la structure de la Fraternité pour doter le Supérieur Général d’une grâce spéciale qui le mettrait à l’abri des Romains conciliaires. Si l’on veut se tromper, ce n’est pas par une structure que l’on sera sauvé. Mais Mgr Lefebvre pouvait-il en faire autrement ? Il fallait bien qu’il disparaisse un jour ou l’autre !

Chers Lecteurs, si vous connaissez un capitulant du Chapitre de juillet prochain, demandez-lui s’il est au courant de ce que dit le Secrétaire général !

Kyrie eleison.

Mozart mis en Cause

Mozart mis en Cause on juin 2, 2018

A la suite du numéro 550 de ces “Commentaires” qui a fait l’éloge de Mozart (27 janvier 2018), nous avons reçu d’un lecteur une lettre personnelle dans laquelle il nous confiait que le célèbre compositeur lui posait un problème : Mozart n’était-il pas un franc-maçon passionné ? N’a-t-il pas laissé passer la seconde moitié de sa vie sans composer d’œuvre majeure pour l’Église catholique ? Quant à ses opéras, ne traitent-ils pas des relations hommes-femmes et les questions de moralité de façon très relâchée ?

Assurément, la musique est d’une importance telle pour les âmes que les objections de ce lecteur valent la peine qu’on y réponde publiquement, afin que les personnes qui ne connaissent pas encore Mozart soient encouragées – sans y être obligées, évidemment – à écouter sa musique pour leurs moments de détente. Rappelons donc quelques principes pour répondre à chacune des trois objections de notre lecteur.

Que Mozart ait été franc-maçon soulève un principe très important. Certes, on ne peut pas séparer l’artiste de son art, cependant on doit distinguer l’un de l’autre. Ce qui fait la bonté morale d’un artiste en tant que personne, n’est pas la même chose que ce qui fait la bonté artistique de ses oeuvres (Summa Theologiae, 1a 2ae, Q57, Art.3). Ainsi, Picasso était, en tant que personne, une crapule ; tandis que son art, d’un point de vue purement artistique, est brillant. A l’inverse, d’innombrables peintres victoriens ont bien pu être personnellement d’une haute moralité, alors que leurs peintures sont tristes comme la pluie. Ainsi, l’esprit maçonnique a certainement influencé une partie de la musique composée par Mozart dans sa maturité, notamment la “Flûte Enchantée”, mais la musique en tant que telle ne relève certainement pas de la guerre menée contre Dieu par la Franc-maçonnerie. C’est bien plutôt aux parents catholiques de Mozart et à son éducation d’enfant dans l’environnement d’une Autriche hautement catholique sous l’impératrice Marie-Thérèse. qu’elle doit son innocence et sa beauté.

En seconde lieu, étant donné que la Messe en Do Mineur et le Requiem sont restés inachevés, il est exact de dire que Mozart, dans sa maturité, n’a pas composé d’œuvre majeure pour l’Église. Mais combien de fois ces deux œuvres sont-elles interprétées, et avec quel impact religieux ! Et connaît-on un morceau de musique jouée ou chantée dans les chapelles et les églises catholiques aussi souvent que “l’Ave Verum “ de Mozart ? De plus, si nous savons distinguer la musique implicitement catholique de la musique qui l’est explicitement, qui pourrait nier que Mozart, tout comme Shakespeare, soit un formidable soutien des valeurs catholiques ? Nous voulons parler, dans le cas de Mozart, des valeurs d’harmonie, d’ordre, d’équilibre et de joie qu’éprouvent d’innombrables auditeurs en l’écoutant. Ces grands artistes, implicitement catholiques de par leur héritage, ne sont-ils pas une miséricorde de Dieu permettant aux post-catholiques de jouir de valeurs catholiques sans qu’ils s’en rendent compte ? Car, si les post-catholiques s’en rendaient compte, ne s’empresseraient-ils pas de répudier ces valeurs, à l’instar des libéraux acharnés qui « déconstruisent » actuellement Shakespeare dans leurs prétendues « universités » ? Sans doute Mozart subit-il le même sort dans leurs « conservatoires de musique ». En fait, les acteurs et les musiciens libéraux d’aujourd’hui arrivent-ils même à s’approcher du cœur de Shakespeare ou de Mozart ? Non ! Et que cela nous dit-il de ce cœur ? Qu’il ne plaît point aux libéraux !

Troisièmement, certains opéras de Mozart sont en partie tellement légers que Beethoven les méprisait : « Jamais je n’aurais pu composer d’opéras aussi frivoles » disait-il. Mais cela laisse de côté les passages plus sérieux des mêmes opéras. Il y a, d’un côté, la coquetterie de Zerlina mais, de l’autre, la damnation de Don Juan au milieu des flammes de l’enfer ; d’un côté le badinage du Comte, mais de l’autre ses sincères regrets exprimés à la Comtesse souffrante ; d’un côté le Sérail, mais de l’autre, la mise en valeur du pardon. Dans un monde déchu, la vie réelle se déroule tantôt de façon comique, tantôt de façon sérieuse. Voyez comment, au début de “Don Juan”, Mozart combine musicalement le duel et la mort d’un duelliste avec la panique brouillonne de Leporello, ce lapin au service de Don Juan. Il est certain que Mozart, tout comme Shakespeare, «  a vu la vie de façon équilibrée et dans son entier  », comme a dit Matthew Arnold du grand dramaturge grec, Sophocle.

En conclusion, il est clair que Mozart reste par un côté assez coquin (voir le film “Amadeus”), et qu’il fait partie intégrante de cette chrétienté, déjà décacdente, de la fin du 18ème siècle. Cependant, par rapport à la décadence enregistrée depuis lors, ne dirait-on pas que sa musique s’approche de celle des anges, tout en évitant de paraître inaccessible à nous autres modernes ? Tout homme nuit à son âme en fréquentant une musique de bas étage, sans valeur intrinsèque de mélodie, d’ harmonie ni de rythme. Par contre, en général il ne pas nuira pas à son âme en fréquentant Mozart, bien au contraire.

Kyrie eleison.

Totalitarisme de L’avortement

Totalitarisme de L’avortement on mai 26, 2018

En comparant la vie naturelle à la vie surnaturelle, certains peuvent penser que la lutte contre l’avortement prend trop d’importance. Toutes choses étant égales par ailleurs, le temps passé et les efforts consentis dans ce combat ne seraient-ils pas mieux employés à défendre, par n’importe quel moyen, la vie de la Grâce plutôt que de se limiter à préserver une vie naturelle encore à naître ? En fait, dans la société actuelle, ces choses sont difficilement comparables. Dans notre monde sans Dieu, ce qui domine aujourd’hui, c’est l’extrême faiblesse de la Foi, à tel point que parler de choses surnaturelles reviendrait, pour la plupart des gens, à parler chinois : “Dieu ? Le Ciel ? L’Enfer ? L’éternité ? Mais, de quoi parlez-vous ?” Toutefois, si certains de nos contemporains ont encore ne serait-ce qu’une once de décence, ils peuvent concevoir combien il est criminel de transformer le sanctuaire de la vie, le ventre d’une mère, en une prison mortelle. Dès lors, que Dieu bénisse les catholiques qui s’efforcent d’empêcher l’avortement.

Ce faisant, ils ont pour adversaire l’État totalitaire qui s’établit en Angleterre. Un militant, engagé depuis longtemps dans la lutte anti-avortement écrivait récemment qu’une nouvelle technique de « discussion de rue », touchant plus directement les femmes se rendant dans un centre d’avortement, a provoqué une réaction drastique du système en place. Ce qui donne à penser que cette technique est efficace, au moins à court terme. Dans une Ordonnance de Protection de l’Espace Public, la première du genre dans ce pays, les élus locaux ont voté un texte confinant les anti-avortement sur une pelouse située à 100 mètres de la clinique. Leur nombre ne doit pas dépasser quatre ; ils ne doivent pas se servir d’affiches dépassant la taille d’un A3 ; il est proscrit d’employer des termes tels que : avortement, bébé, maman, fœtus, âme, tuer, enfer ou meurtre. Il leur est interdit d’afficher des images, de diffuser de la musique, de parler dans un haut-parleur, de crier des messages relatifs à l’avortement, et même de prier à haute voix. Ces restrictions sont entrées en vigueur le 23 avril. Il est question d’en élargir le champ d’application ; les contrevenants s’exposent à des amendes pouvant aller jusqu’à £ 1,000.

Que peut-on dire ? L’Angleterre est en train de se suicider. Peut-être les autorités locales ont-elles choisi d’appliquer ces restrictions un 23 avril, juste le jour de la St George, où l’Angleterre célèbre son saint patron ? Comme si protéger l’avortement était un acte de patriotisme, d’amour de la patrie ! Pourtant, quoi de plus antinaturel pour une femme que de détruire le fruit qu’elle porte dans son sein ? Et quoi de plus antisocial pour un homme que de la pousser à commettre un tel acte ? Jusqu’où une femme n’est-elle pas descendue sur le chemin de l’autodestruction pour consentir ainsi à tuer, au sens propre, sa maternité, le but principal de son existence après le salut de son âme ? “ Pourtant, elle sera sauvée en enfantant, si elle persévère avec modestie dans la foi, dans la charité, et dans la sainteté. “, dit l’Ecriture (I Tim II, 15). Ces propos ne sont pas ceux d’un quelconque misogyne ; c’est la parole de Dieu.

Fidèle à son génie, Shakespeare saisit en quelques lignes l’essence même de l’autodestruction de la femme. Il met en effet dans la bouche de Lady Macbeth (acte 1, scène 5) des mots terrifiants. En se fortifiant pour pousser son mari à assassiner Duncan, son roi, cousin et ami, alors même que Duncan doit être invité sous le toit de Macbeth, elle supplie les démons d’arracher de son cœur toute tendresse et toute compassion féminine :

 . . . . Venez, vous les esprits

Qui présidez à nos pensées mortelles ! Défaites-moi de mon sexe !

Du front jusqu’aux orteils, remplissez tout mon être

De pure cruauté. Epaississez mon sang,

Afin que nul passage ne donne accès aux remords,

Que nulle componction, nul penchant naturel

N’ébranle mon projet et vienne parler de paix

Avant qu’on l’exécute ! Prenez mes seins de femme ,

Prenez mon lait pour fiel , Vous ! Instruments meurtriers . . . “

Fortifiée ainsi, elle réussit à étouffer les scrupules de Macbeth, qui assassine Duncan : première victime, suivie de beaucoup d’autres.

Chers lecteurs, s’il vous plaît, priez pour l’Angleterre, autrefois appelée «  dot de la Vierge Marie » et, encore aujourd’hui, objet de ses soins maternels.

Kyrie eleison.

Songes “Pieux” – II

Songes “Pieux” – II on mai 19, 2018

Il est une chose certaine : entre la Tradition catholique et le Concile Vatican II, la réconciliation est impossible. Croire pourtant qu’on puisse les concilier est tentant, car les textes des 16 documents du Concile énoncent bien sûr un certain nombre de vérités catholiques. Mais l’esprit du Concile oriente tout vers une nouvelle religion centrée sur l’homme, et puisque c’est l’esprit qui a inspiré la lettre de ces documents, même les vérités catholiques qu’ils contiennent sont tributaires de ce « renouveau » conciliaire et en font forcément partie. Assurément, les modernistes ont profité des vérités catholiques et de la hiérarchie, mais uniquement comme un cheval de Troie pour dissimuler leurs hérésies et pour faire passer leur poison libéral. Si bien que même les vérités catholiques, contenues dans les documents conciliaires, sont empoisonnées. Déjà Mgr Lefebvre, en 1990, en avait pris conscience : il avait déclaré que Vatican II était infecté à 100% par le subjectivisme. A contrario, Mgr Fellay déclarait en 2001 que les documents de Vatican II étaient acceptables à 95%.

Certes, on est tenté de prétendre que la tradition catholique et Vatican II sont conciliables. Car cette opinion supprime tout tiraillement entre la soumission à l’Autorité Catholique d’une part et la fidélité à la Vérité catholique d’autre part. Comme l’a dit Mgr Lefebvre, depuis le Concile les catholiques sont forcés ou bien d’obéir aux Papes conciliaires et d’abandonner ainsi la Tradition catholique, ou bien de s’accrocher à la Tradition et de “désobéir” aux Papes. D’où la tentation, pour sortir de ce dilemme, de prétendre que de façon ou d’autre la Tradition et le Concile sont conciliables. Mais la réalité est tout autre. Le fait majeur régissant maintenant toute la vie de l’Église, c’est que le Concile et la Tradition sont en fait incompatibles ; et il en sera ainsi jusqu’à ce que l’autorité de l’Église revienne à la vérité catholique de toujours.

Cependant, pour Mgr Fellay, Supérieur Général de la FSSPX, la Tradition Catholique peut se marier avec la Rome conciliaire. Depuis qu’il a approuvé dans les années 1990 les pourparlers du GREC visant à la réconciliation, il s’acharne à réunir la Tradition et le Concile. Son problème ? C’est qu’il n’arrive pas à comprendre que le modernisme conserve certaines apparences catholiques, comme un cheval de Troie destiné à tromper les âmes catholiques. Or, sous le faux-semblant catholique, il n’existe plus aucun cheval catholique. Mais Mgr Fellay croit que le faux cheval possède toutes les qualités d’un vrai cheval, si bien que, selon lui, si seulement la FSSPX s’y dévoue, il peut devenir un authentique cheval catholique. Hélas, il n’y a que trop de Traditionalistes qui ont cru bon suivre ce feu follet de rallier la Rome conciliaire. Les Romains, quant à eux, ne se sont jamais laissés tromper – ils se sont finement accommodés à cette politique, en faisant des concessions apparentes à la Fraternité et à la Tradition, en autorisant par exemple les confessions, les ordinations et les mariages, et en faisant croire à Mgr Fellay, à plusieurs reprises, qu’une reconnaissance canonique était imminente. Mgr Fellay n’a-t-il pas déclaré une fois qu’il ne manquait plus à l’accord que « le coup de tampon » ? Par contre les autorités vaticanes ne s’y méprennent pas : la Tradition catholique est inconciliable avec leur Concile, donc chaque fois qu’elles ont conduit Mgr Fellay au bord de l’accord, elles ont insisté pour que la Fraternité se soumette au Concile.

Ce faisant, après chaque « concession » acceptée par Mgr Fellay au nom de la Fraternité, les Romains l’ont enfoncé dans leur piège, en sorte qu’il lui est devenu toujours plus difficile de faire marche arrière. Car avec chaque « concession », l’accord avec Rome est devenu davantage une réalité dans la pratique, même sans le « coup de tampon », et en retenant celui-ci les Romains se sont joués de Mgr Fellay comme un pêcheur se joue d’un poisson : comment pourrait-il maintenant se défaire des « concessions » accordées, et admettre que sa politique de 20 ans n’a été qu’une erreur ? Et pourtant ! C’est depuis le début qu’il fait fausse route. N’ayant pas la foi de Mgr Lefebvre, il a pris le problème de l’Église pour un problème de la Fraternité, et pour en sortir il a préféré mettre sa confiance dans une politique purement humaine. Mais bien sûr, avec leurs 2000 ans d’expérience politique, ce sont les Romains qui ont été les plus habiles en politique. Voici comment ils peuvent lui parler maintenant – “Excellence, cessez de jouer avec nous. Voilà des années que nous vous faisons toutes sortes de concessions, pendant que vous n’en faites aucune” (ce serait un gros mensonge, puisque toute “concession” conciliaire acceptée est de fait une concession faite à Rome). “Donc avant juillet, ou bien vous acceptez le Concile, ou bien nous vous excommunions, et vos 20 ans de Supériorat sont en ruines. Au choix !”

Sans doute les Romains s’exprimeraient-ils de manière moins grossière pour mettre le Supérieur Général au pied du mur, mais à qui la faute ? C’est lui qui n’aurait jamais dû se mettre à genoux devant une autorité sans foi ni loi. Dans le cas de l’Église catholique, l’Autorité sans la Foi, c’est une Autorité sans autorité.

Kyrie eleison.

Voeux « Pieux » – I

Voeux « Pieux » – I on mai 12, 2018

Un collègue français a rédigé en juin dernier un bon article sur la question de savoir s’il était opportun ou non pour la Fraternité Saint-Pie X d’obtenir des autorités romaines un statut canonique qui protégerait supposément ses intérêts. Il est bien évident que Menzingen, Quartier Général de la Fraternité en Suisse, croit fermement qu’on obtiendra un tel statut et, si le Supérieur Général actuel est réélu en juillet pour un troisième mandat, la Fraternité continuera de poursuivre ce but. Toutefois, d’après Ocampo (n° 127 de juin 2017), il est tout autre que clair qu’un tel objectif doive être poursuivi. Pour quelles raisons ? Nous résumons ci-dessous l’article original qui occupe huit pages entières.

L’auteur y soutient qu’en aucun cas la FSSPX ne doit se soumettre à des autorités ecclésiastiques omnipotentes et imbues des principes de la Révolution française qu’incarne Vatican II, car ce sont les Supérieurs qui font les inférieurs, et non les inférieurs qui font les Supérieurs. Mgr Lefebvre a fondé la Fraternité pour résister à Vatican II parce que celui-ci a trahi la Foi catholique. En se soumettant aux autorités conciliaires, la Fraternité rejoindrait les prévaricateurs qui abandonnent la Foi.

Car ces autorités sont ou les évêques diocésains ou le Pape. Or, en ce qui concerne les évêques, ceux qui sont carrément hostiles à la Fraternité pourraient s’avérer moins dangereux que ceux qui peuvent se montrer amicaux, mais qui ne comprennent pas les exigences absolues de la Tradition catholique, car ces exigences ne sont pas seulement du fait de la Fraternité Saint-Pie X. Ensuite, en ce qui concerne le Pape, lorsque ses paroles et ses actes montrent qu’il agit contre cette Tradition catholique qu’il a précisément la charge de défendre, les catholiques ont le droit et le devoir non seulement de se protéger contre la manière dont il abuse de son autorité, mais aussi de lutter contre leur propre besoin inné de suivre dans l’obéissance l’autorité catholique. Certes, en théorie, un pape conciliaire peut promettre à la FSSPX une protection spéciale mais, dans la pratique, ne sera-t-il pas porté par ses propres convictions à tout faire pour que la Fraternité reconnaisse le Concile et abandonne la Tradition ? Compte tenu de la grande autorité dont il jouit, en tant que Pape, pour imposer sa volonté, les responsables de la Fraternité n’ont-ils pas le devoir d’éviter de se trouver sur son chemin ?

L’expérience montre que les Traditionnalistes qui rejoignent la Rome conciliaire, commencent par se taire quant aux erreurs du Concile, pour finir, généralement, par les approuver. En acceptant de se taire dans un premier temps ils se rendent plus ou moins incapables de transmettre la Foi, et par une pente naturelle, de compromis en compromis, ils risquent même de finir par perdre la Foi. C’est la Foi qui a fait insister à Mgr Lefebvre que si les Romains ne veulent pas renouer avec la doctrine des Papes dans les grandes Encycliques anti-libérales – ce qu’ils n’ont pas encore fait, et ce qu’ils ne sont certes pas sur le point de faire – un dialogue entre Romains et les Traditionnalistes est totalement inutile, et – il aurait pu ajouter – positivement dangereux pour la Foi.

L’article énumère également huit objections à cette position, données ici en italique, suivies d’une courte réponse :—

1 Avec la Prélature Personnelle Rome offre à la Fraternité une protection spéciale. – Protection des évêques diocésains, peut-être, mais pas de l’autorité suprême du Pape dans l’Église. 2 Les demandes de Rome ont diminué. – Uniquement parce que les « concessions » visent à une coopération pratique plus efficace pour obtenir la soumission des catholiques. Les communistes connaissent bien cette tactique. 3 La FSSPX insiste pour être acceptée par Rome « telle qu’elle est », c’est-à-dire Traditionnell e. – Pour les Romains, cela signifie : « tels que vous serez devenus, une fois que la coopération pratique vous aura fait voir combien nous sommes gentils. » 4. La Fraternité pourra donc continuer d’attaquer les erreurs du Concile. Il n’y aura pas de changement sur ce point. – Rome a tout son temps pour demander avec insistance des changements toujours plus importants. 5 Mais le pape François aime la Fraternité ! – Tout comme le « Grand Loup » méchant aimait la petite « Chaperon Rouge » ! 6 La Fraternité a trop de vertu pour être trompée par Rome. – Vaine illusion ! Mgr Lefebvre lui-même a d’abord été trompé par le Protocole du 5 mai 1988. 7 Plusieurs communautés Traditionnelles ont rejoint Rome sans perdre la vraie Messe. – Mais plusieurs d’entre elles se sont mises à défendre plusieurs erreurs majeures du Concile. 8 Le pape François, en tant que personne , est dans l’erreur, mais sa fonction est sacrée. – Reconnaître le caractère sacré de sa fonction ne peut pas m’obliger à suivre ses erreurs personnelles, c’est-à-dire la mauvaise utilisation de sa fonction. La vraie Foi est au-dessus du pape.

Kyrie eleison.

La Saignée de l’Eglise

La Saignée de l’Eglise on mai 5, 2018

Voici quelques réflexions intéressantes émanant d’un collègue qui s’efforce de résister à la mutation de la Fraternité Saint-Pie X, créée par Mgr Lefebvre, en cette Néo-fraternité voulue par Menzingen ; tout comme il reste opposé à la métamorphose de l’Église catholique traditionnelle en cette Néo-église conciliaire. Ces considérations, à l’origine privées, semblent trop précieuses pour ne pas être publiées. L’occasion en était qu’un confrère lui avait écrit en espérant que pour Pâques « l’Église (et la FSSPX) pourraient bientôt ressusciter des morts ». Voici ce qu’il a répondu :

« Un homme de 60 ans, que je tiens pour sage, m’a confié le jour du Samedi Saint : “L’Eglise doit être crucifiée comme l’a été son divin Maître le Vendredi Saint . . . nous vivons actuellement ce Vendredi Saint de l’Église . . . . Le Samedi Saint de l’Église est encore à venir, et il faudra encore un certain temps avant qu’il n’advienne. “

A quoi je voudrais ajouter ces quelques réflexions.

L’Église est encore très loin de la résurrection. Elle doit d’abord saigner, jusqu’à en mourir de la manière la plus douloureuse. Elle semblera même disparaître. La FSSPX et ses prêtres voudront-ils participer à la gloire de cette mort par la saignée ? Dieu seul le sait. En tout état de cause, c’est la mort par effusion de sang qui est la semence de la résurrection.

Il est possible que la FSSPX refuse de prendre part à cette saignée de l’Église, préférant continuer de s’introduire doucement dans cette communauté multiconfessionnelle que préside le Pape ( ?) François. En effet, Menzingen et l’abbé Schmidberger ne font-ils pas depuis des années tout ce qu’ils peuvent pour transformer la Fraternité Saint Pie X en une espèce de Fraternité Saint-Pierre ? N’empêche, la FSSPX devra tout de même répandre son sang, car il est probable que, d’une manière ou d’une autre, la persécution à venir touchera tout le monde, particulièrement les gens portant la soutane. Seulement, dans ce cas-là la souffrance de la Fraternité ne sera pas comme celle des glorieux apôtres de la fin des temps ; elle sera, hélas, plutôt comme une punition réservée à ceux qui ont failli, à cause de leur confort matériel, de leur tiédeur et de leur infidélité à Mgr Lefebvre, fondateur de la Fraternité . . .

(S’il y a ci-dessus un point d’interrogation concernant le “Pape François”, c’est que, pour des raisons objectives il y a au moins une certaine incertitude, un doute, quant à savoir s’il est pape ou non. C’est précisément la raison pour laquelle, en 1988, de la manière la plus douce qui soit, le Ciel a séparé la Fraternité d’une Rome devenue quelque peu schismatique . . . . En effet, nous n’avons plus la même Foi que les autorités actuelles du Vatican, nous sommes vraiment en dehors de leur communion, ou excommuniés – ce qui fait notre bonheur et notre honneur – tout comme lors de l’après-midi du premier Vendredi Saint, où l’Église, fortement réduite en nombre, ne se trouvait qu’à l’extérieur de Jérusalem, au Calvaire . . . ) – fin des réflexions du confrère.

En vérité, rien n’éclaire mieux l’état actuel de l’Église que le récit évangélique de la Passion du Christ et, inversement, on peut dire que rien ne jette autant de lumière sur le récit évangélique que la désolation actuelle de l’Église. En effet, bien que prévenus à maintes reprises par Notre Seigneur, les apôtres ne voulaient pas croire à la réalité de l’heure de la Passion (Mt. XVI, 21 ; XVII, 21 ; XX, 17–19). De même aujourd’hui, au milieu de tels tourments de l’Église sous des papes si inadéquats, trop de bons catholiques n’arrivent pas à croire qu’il puisse s’agir encore de l’Église du Christ.

Mais le dessein de Dieu, lorsqu’Il créa l’univers, était de partager son bonheur divin en peuplant Son Ciel de créatures rationnelles, angéliques ou humaines, qui choisiraient – librement – de le rejoindre dans Sa demeure céleste. Le mot clé est ici “librement”. Avec la faculté de raison, Dieu donne à tout être humain, dès qu’il en fait usage, le libre arbitre. Dès ce moment-là pour chacun d’entre nous, Il agence les circonstances de telle manière que le choix pour nous est réel entre le Ciel et l’enfer. Et il va jusqu’à accorder aux êtres humains autant de liberté qu’il en faut pour tuer Son propre Fils et pour abattre l’Église de Son Fils ; mais jamais Dieu n’ira jusqu’à en accorder assez pour anéantir Son Fils ou Son Église. Par conséquent, il permet des tribulations impensables pour Son Église, et entre aujourd’hui et la fin du monde seul le temps nous dira jusqu’où peut aller cette permission qui nous dépasse. Mais c’est la sagesse de Dieu qui dépasse de loin nos faibles pensées (Isaïe, 8,9).

Kyrie eleison.