Les Commentaires Eleison

Désintégration

Désintégration on octobre 29, 2016

Tout se disloque. Le centre ne peut tenir.
L’anarchie se déchaîne sur le monde
Comme une mer noircie de sang : partout
On noie les saints élans de l’innocence.
Les meilleurs ne croient plus à rien, les pires
Se gonflent de l’ardeur des passions mauvaises.

Ces vers célèbres du Second Coming ( La Seconde Venue ) , poème écrit en 1919 suite à la Première Guerre mondiale par le poète anglo-irlandais, W.B.Yeats (1865–1939), viennent à l’esprit pour essayer d’expliquer comment le mouvement de résistance à la trahison en 2012 de la Fraternité St Pie X de Mgr Lefebvre puisse être si fort en vérité et pourtant si faible en unité et nombre. Voilà presque cent ans depuis 1919, et Yeats n’était ni Catholique ni particulièrement concerné par la condition de l’Église catholique, qui de fait semblait fleurir à ce moment-là. Mais les poètes sont parfois des visionnaires, et Yeats a saisi dans ces lignes une vérité essentielle sur la civilisation européenne telle qu’elle sortait de cette Guerre qui « éteignait les lumières dans toute l’Europe », comme l’a dit le comte Grey : les nations européennes se disloquaient spirituellement dans une chute que rien n’a interrompue depuis.

Néanmoins beaucoup des Catholiques qui veulent aujourd’hui que la Foi survive sont désemparés par la faiblesse apparente de tant de prêtres formés en particulier par Mgr. Lefebvre pour résister à la trahison évidente de ses principes par ceux qui lui ont succédé, et ils cherchent une explication. Certains pensent que les prêtres de la FSSPX ne se dressent pas en public contre la fausse conciliation de la Tradition avec Vatican II parce qu’ils ont peur d’être éjectés de la Fraternité sans gîte ni couvert. Mais les prêtres doivent savoir qu’il y a des laïcs qui seraient enchantés de les recevoir. Une explication plus profonde suggérerait que les prêtres ont peur de se couper de cette Fraternité qui leur fournit et leur famille humaine et leur structure ecclésiale. Mais de même, s’ils avaient une foi assez forte ils sauraient que la Providence peut suppléer pour la famille comme pour la structure.

Par contre, si nous remettons la trahison dans le contexte de la double désintégration occasionnée par les deux Guerres mondiales, suivie à leur tour par la troisième désintégration autrement plus terrible de l’Église catholique à Vatican II (1962–1965), alors d’une part nous devons admirer l’exploit héroïque de Mgr. Lefebvre qui a réussi à rassembler tant de fragments dispersés par cette explosion-là sans précédent, mais d’autre part nous ne pouvons guère être surpris si la Fraternité explose à son tour du dedans, ou si les réfugiés de son explosion éprouvent tant de difficulté à se recomposer dehors. Tout s’est disloqué, y compris les esprits et les cœurs. A mon avis il ne survit plus assez d’intégrité et d’intégration dans les cœurs et les esprits pour que nous puissions penser à renouveler l’exploit de Mgr Lefebvre. Le monde est en chute libre de presque un demi-siècle depuis l’année 1970 où il a fondé la Fraternité.

D’où il s’ensuit non pas qu’il n’y a rien à faire, mais qu’il faut concevoir ce qu’il y a à faire moins du point de vue de l’homme et plus dans la perspective de Dieu. A la fin du monde Dieu permettra à la Foi de disparaître (Lc. XVIII, 8), mais il y aura encore quelques âmes pour croire, espérer et aimer. En 2016 il nous donne un avant-goût de cette disparition, mais les âmes devraient être à même de reconnaître qu’elles ne manquent pas encore de liberté pour croire, espérer et aimer. Et pour ce faire, elles devraient être à même de prévoir que même le plus puissant des États policiers ne peut les en empêcher. Par ailleurs, plus on fera peser les circonstances sur cette liberté, et plus sera glorieuse au Ciel la dévotion persévérante de toute âme à Dieu, à son divin Fils et à sa Très Sainte Mère, et plus seront grands les mérites de cette âme. Et surtout plus sera grande sa contribution irrésistible au bien de l’Église. Là, tout est encore loin d’être perdu, et jamais tout ne pourra se perdre. L’Église de Dieu n’est point chose purement humaine.

Kyrie eleison.

Vivres de Survie.

Vivres de Survie. on octobre 22, 2016

Dans les affaires militaires, il est normal pour les généraux et les soldats de mener le combat plutôt de la dernière guerre que de la guerre présente. Qui eût pu imaginer les tranchées avant la Première Guerre ? Pourtant au moment de la Deuxième Guerre, le développement des chars blindés entre les deux grandes Guerres avait rendu obsolètes les tranchées. De même dans les affaires religieuses. Le XXIe siècle n’est plus le XXe. Les Catholiques qui résistent depuis 2012 sont imprudents s’ils espèrent rétablir aujourd’hui ou voir s’étendre quelque chose comme la Fraternité Saint Pie X du siècle passé. Par exemple, de deux actuels « Résistants » de pointe nous viennent une lamentation générale et une particulière, dont l’une et l’autre manque peut-être de sagesse . . .

La lamentation générale est que la « Résistance » s’écroule plutôt qu’elle n’avance. Ces Commentaires entourent souvent le mot « résistance » de guillemets, précisément pour suggérer que la résistance catholique à la Conciliarisation de la Fraternité n’a encore que peu d’une organisation et reste plutôt un mouvement vague, quoiqu’avec un but précis, à savoir, préserver la Foi catholique, mais elle manque encore de structure pour l’y aider. Pourtant que les « Résistants » prennent courage, car l’homme propose, mais c’est Dieu qui dispose, en sorte que ce qui semble une faillite humaine n’en est pas nécessairement une du point de vue du Bon Dieu.

Aussi dans les années 1970, Mgr Lefebvre se proposait-il de rassembler une demi-douzaine d’Évêques catholiques pour faire barrage aux Conciliaristes qui étaient en train de détruire l’Église, mais Dieu en disposa différemment. Dans ce qu’il s’était proposé, l’Archevêque devait échouer, mais en essayant il allait réussir à bâtir un corps de garde mondial pour sauvegarder les richesses infinies de la doctrine de l’Église, de sa Messe et de sa prêtrise pour des temps meilleurs. De même, il y a maintenant des « Résistants » qui se proposent d’établir un remplacement pour la Fraternité en danger, et leur faiblesse apparente (au moins jusqu’ici) peut suggérer qu’un remplacement fort n’est pas encore dans les plans ou les dispositions du Bon Dieu. Mais en essayant, les « Résistants » aident certainement à assurer la survie de la Foi catholique, ce qui est certainement une disposition de la Providence.

La lamentation particulière est que si seulement la « Résistance » avait des écoles, bon nombre de parents de la Fraternité afflueraient dans ses rangs alors qu’ils ne peuvent le faire pour l’instant, car leurs enfants seraient immédiatement renvoyés des écoles de la Fraternité auxquelles il n’y a pour le moment aucune alternative convenable. Mais encore, c’est au XXIe siècle que nous combattons pour la Foi, et pas au XXe. Dans les années 1980, il y avait assez de parents, de professeurs et de prêtres catholiques partageant les mêmes valeurs pour former ce cadre triangulaire au sein duquel les enfants sont presque obligés à grandir dans le droit chemin. Mais aujourd’hui ? Dans une école de garçons de la Fraternité on apprend qu’une épidémie dans ses murs de ce péché contre nature qui crie vengeance au Ciel a causé de sérieuses difficultés. Mais quels murs peuvent empêcher des adolescents de connaître la glorification de ce péché parmi la masse des adultes mâles de leur pays, avec cette fabrication d’un mot tout nouveau pour condamner le nouveau « vice » de sa condamnation – l’« homophobie » ? Et depuis quand les adolescents n’imitent-ils pas les adultes ? En réalité, comment n’importe qui peut-il faire marcher un collège de garçons depuis l’invention de l’Internet, accessible depuis sa poche ? On en vient à se poser la question : des institutions catholiques sont-elles encore possibles de nos temps ?

Dans la guerre de religion actuelle, l’ordre du jour est sûrement celui des vivres essentiels, c’est-à-dire le strict nécessaire pour la survie du soldat, ici pour la survie de la Foi. Cette guerre doit être gagnée à la maison, ou elle sera perdue. Dieu donne aux parents un pouvoir naturel pour former leurs enfants qui dépasse, disons par cinq contre deux, le pouvoir de toute institution pour les déformer, mais à condition que les parents prennent en main leur pouvoir. Un petit gouvernail peut conduire un grand bateau mais pas si le timonier le laisse aller. Si les parents ne prennent pas en main leurs enfants, ils ne peuvent blâmer le monde s’il les conduit en Enfer. Et si les parents dans les écoles de la Fraternité ont voulu que leurs enfants soient formés plutôt pour le monde que pour le Ciel, cela n’explique-t-il pas en partie la glissade dangereuse de la Fraternité ?

Kyrie eleison.

La Détresse des Catholiques.

La Détresse des Catholiques. on octobre 15, 2016

Un monde qui veut de moins en moins de Dieu éreinte les Catholiques. Voici le cri du cœur d’encore un lecteur :

Je me demande comment il est possible de garder la foi dans la situation générale de l’Église d’aujourd’hui, où il manque absolument de bergers. Pendant quelques mois, nous avons pratiqué à la Fraternité Saint Pie X, ce qui nous a fait comprendre la valeur de la Tradition. En y étudiant l’histoire des difficultés de Mgr Lefebvre nous avons compris à quel point il est trahi. Nous avons suivi la « Résistance » à travers le site web Non Possumus. Mais l’abbé C. l’appelle la « Désistance », et durant quelques mois il nous a trompés. Détrompés, nous avons quitté son groupe. Maintenant, on ne peut plus aller à la Fraternité car ils insistent pour qu’on se joigne à certaines activités, à des réunions d’enfants de chœur, etcetera. Ils veulent des renseignements sur nous et pour les obtenir nous envoient des couples mariés engagés à plein dans la Fraternité. Devant eux nous devons nous efforcer de ne rien dire qui nous empêcherait de recevoir la sainte Communion, comme cela arrive à certaines personnes, accusées d’être « contre le Pape François » ou « pour la Résistance ». Actuellement nous allons à l’Église catholique Maronite, car là au moins la Consécration est valide. Mais on est déçu de constater qu’ils acceptent Vatican II en général, et ils m’ont demandé de permettre à mes filles de servir à l’autel. Lorsque j’ai refusé, ils m’ont dit : « Nous sommes tous des enfants de Dieu » avec d’autres arguments pareils, pour empêcher que nous discriminions contre les femmes servant à l’autel.

Je n’ai personne à qui aller pour la Confession. J’ai des luttes continuelles au travail où je ne cesse de parler de Dieu et des événements actuels, en dépit du fait que l’école étant séculière et séculariste, le personnel est employé de l’État. Suivant votre conseil de nous retirer dans l’ombre pour nous préparer à la descente dans les catacombes, je me méfie des contacts sociaux, mais il est difficile de se battre tout seul. Nous sommes maintenant en contact avec les gens du T.F.P. (Tradition, Famille, Propriété). Je ne suis pas sûr de leur doctrine. Mais que pouvons-nous faire ? La lutte pèse lourdement sur mes épaules. Dans cette école où je travaille il y a un professeur franc-maçon, que je sache. Bien qu’elle soit une école d’État, toute son orientation est religieuse, mais d’une façon seulement déiste, c’est-à-dire sans le Christ. Que puis-je faire ? Dans ce pays il ne reste plus rien, et on ne sait où donner de la tête.

Entre autres choses, je lui ai répondu que lorsque l’Église est entraînée sur le Chemin de la Croix pour y être crucifiée, comme cela arrive aujourd’hui, la seule façon de ne pas avoir à porter ne serait-ce qu’une écharde de cette Croix est de ne plus être Catholique. De toute évidence, ce lecteur veut rester Catholique pour aller au Ciel avec sa famille. Dès lors il ne devrait pas être surpris de se voir souffrir des échardes de la Croix de Notre-Seigneur. Le moment pour s’inquiéter pour de vrai, ce sera quand il se trouvera à l’aise dans ce monde qui nous entoure.

Quant à son lieu de travail, il n’y a pas grand-chose qu’il puisse y faire. Les contacts sociaux doivent être maintenus par la prière, la charité et l’exemple, car nous autres êtres humains nous sommes des animaux sociaux. En même temps n’épuisons pas notre énergie et ressources limitées en jetant des perles aux pourceaux. Notre Seigneur nous dit de ne pas condamner si nous ne voulons pas être condamnés, mais Il nous dit aussi de savoir discerner entre les loups et les véritables bergers (S. Mat VII, 15). Juger-condamner, non. Juger-discerner, oui. Aussi, le Catholique se doit-il d’exercer son meilleur jugement sur la variété de prêtres et de laïcs qu’il rencontre dans le chaos de l’Église d’aujourd’hui. Et dans tous les cas, un père de famille doit aujourd’hui mener sa propre famille dans la prière des cinq Mystères du Rosaire en famille chaque soir (ou mieux, chaque matin). De cette façon-là il aura la garantie que Notre-Dame protégera sa famille, comme elle seule le peut, à travers n’importe quels graves événements qui nous sont réservés.

Kyrie eleison.

Sédévacantisme Encore – II

Sédévacantisme Encore – II on octobre 8, 2016

Pour toute âme catholique qui se rend compte de la gravité de la crise actuelle de l’Église et en est catastrophée, la simplicité du sédévacantisme qui renvoie carrément comme invalides l’Église et les Papes de Vatican II peut devenir une tentation sérieuse. Pire, la logique apparente des arguments des ecclésiavacantistes, comme des sédévacantistes, peut faire de cette tentation un piège mental, lequel tout au pire peut faire qu’un Catholique perd complètement la foi. Voilà pourquoi ce « Commentaire » revient plus en détail à l’argument au centre de la variété d’arguments exposés dans l’article de BpS de 1991, et dont on a fait mention ici la semaine dernière. Voici de nouveau cet argument :—

Majeure : l’Église catholique est absolument indéfectible (Dieu lui-même a promis qu’elle durera jusqu’à la fin du monde – Mt. XXVIII, 20). Mineure : Or, l’Église Conciliaire ou l’Église du Novus Ordo qui s’est livrée au néo-modernisme et au libéralisme, représente une défection absolue. Conclusion : l’Église du Novus Ordo n’est absolument pas catholique et ses Papes ne sont absolument pas de vrais Papes. Autrement dit, l’Église catholique est absolument blanche tandis que la Néo-Église est absolument noire, donc les deux Églises sont absolument différentes. Aux esprits qui conçoivent tout en noir et en blanc, sans rien entre les deux, cet argument plaît beaucoup. Mais pour les esprits qui reconnaissent que dans la vie réelle les choses sont souvent grises, c’est-à-dire se mêlent de blanc et de noir sans que le blanc ne cesse d’être blanc ni le noir ne cesse d’être noir, cet argument est trop absolu pour correspondre à la réalité. Aussi la Majeure exagère-t-elle l’indéfectibilité de l’Église tandis que la Mineure exagère la défection du Novus Ordo. La théorie peut être absolue, mais la réalité ne l’est que rarement. Voyons cette indéfectibilité et cette défection comme elles sont dans la réalité.

Quant à la Majeure, les sédévacantistes exagèrent souvent l’ indéfectibilité de l’Église, tout comme ils exagèrent l’infaillibilité des Papes, parce qu’ils ont besoin de ces exagérations pour justifier l’horreur émotionnelle que leur inspire ce qu’est devenue l’Église catholique depuis le Concile. Mais en réalité tout comme cette infaillibilité n’exclut pas de grandes erreurs commises par quelques Papes dans l’histoire de l’Église, et ne s’applique qu’aux cas où le Pape, Ordinairement, dit ce qu’a toujours dit l’Église, ou, Extraordinairement, engage toutes les quatre conditions de la Définition de 1870 ; de même l’indéfectibilité de l’Église n’exclut absolument pas de grandes défections à tel ou tel moment de l’histoire de l’Église, comme par exemple les triomphes de l’Islam ou du Protestantisme, ou de l’Antéchrist (Lc. XVIII, 8). L’indéfectibilité n’exclut que la défection ou faillite totale de l’Église (Mt. XXVIII, 20). Donc l’indéfectibilité est loin d’être aussi absolue que BpS le prétend.

Quant à la Mineure, il est vrai que la défection du Conciliarisme est bien plus grave que celle de l’Islam ou du Protestantisme pour autant que ceux-ci n’ont point frappé à la tête ni au cœur de Rome comme celui-là. Néanmoins même un demi-siècle de Conciliarisme (1965–2016) n’a pas fait encore totalement faillir ou défaillir l’Église. Par exemple de 1970 à 1991 Mgr. Lefebvre – et il n’était pas seul – a maintenu la Foi, et de 1991 à 2012 ses successeurs ont fait plus ou moins de même, et la « Résistance » éprouvée tient encore à sa ligne de conduite pour défendre la Foi. Et juste avant la totale destruction humaine de l’Église dans un avenir proche, incontestablement Dieu interviendra pour sauver son indéfectibilité, comme à la fin du monde (Mt. XXIV, 21–22). Donc la défection Conciliaire non plus n’est aussi absolue que BpS le prétend.

Et alors il faut refondre son syllogisme – Majeure : l’indéfectibilité de l’Église n’exclut pas d’énormes défections, mais seulement une défection totale. Mineure : la défection Conciliaire de l’Église a été énorme, mais pas encore totale (même si les Catholiques conscients doivent totalement la fuir de peur de se laisser contaminer). Conclusion : l’indéfectibilité de l’Église n’exclut pas Vatican II. Bref, l’Église de Dieu lui-même est plus grande que toute la méchanceté du Diable ou des hommes, même Vatican II, et la défection Conciliaire a beau être d’une gravité sans précédent dans toute l’histoire de l’Église, elle ne peut entamer ni son indéfectibilité ni l’infaillibilité des Papes, lesquelles viennent de Dieu et pas des hommes. Tout comme les libéraux, les sédévacantistes pensent en des termes humains, trop humains.

Kyrie eleison.

Sédévacantisme Encore – I

Sédévacantisme Encore – I on octobre 1, 2016

Quelques lecteurs de ces « Commentaires » risquent de se vexer si on revient au thème des Papes récents qui ne seraient pas de vrais Papes, mais la traduction récente en français d’un article à ce sujet qui remonte à 1991 montre qu’il faut constamment démontrer que les arguments en faveur du « sédévacantisme » ne sont pas si forts qu’ils paraissent. Les libéraux n’ont pas besoin d’une telle démonstration, parce que le sédévacantisme ne les tente pas du tout. Par contre, pour une élite d’âmes que la grâce de Dieu fait sortir du libéralisme pour les attirer vers la Tradition, le sédévacantisme peut devenir positivement dangereux. Que nous perdions notre équilibre à droite ou à gauche, le Diable n’en a cure, pourvu seulement que nous tombions.

Car l’erreur du sédévacantisme peut bien être en théorie une erreur ni aussi grave ni aussi profonde que cette pourriture universelle de l’esprit qu’est le libéralisme, mais en pratique avec quelle fréquence n’observe-t-on pas comment le sédévacantisme ferme les esprits comme à clef, en sorte que ce qui a commencé comme une opinion acceptable (quel Catholique peut dire que les paroles et les actes du Pape François sont catholiques ?), a tendance à devenir une certitude dogmatique inacceptable (quel Catholique peut juger avec certitude d’une telle question ?), pour finir par s’imposer comme le dogme le plus important de tous, comme s’il faut juger si quelqu’un est catholique ou non selon qu’il estime ou non qu’on n’a eu aucun vrai Pape depuis, disons, Pie XII.

Comment expliquer cette dynamique interne du sédévacantisme que l’on observe si souvent ? Quelques « Commentaires » antécédents ont suggéré que c’est parce qu’il découpe aussi simplement que si c’était le Nœud Gordien le problème angoissant pour tout croyant des Papes Conciliaires. Par exemple : « Comment ces destructeurs de l’Église peuvent-ils être de vrais Papes ? » Réponse, ils n’ont pas été Papes du tout. « Oh merci, quel soulagement, vous mettez fin à mon agonie ! ». L’esprit se ferme sur cette solution si simple, le sédévacantisme remplace l’Évangile, et il sera prêché à temps et à contre-temps à qui veut écouter (et à qui ne le veut pas). Au pire, il peut s’étendre des Papes aux cardinaux, aux évêques et jusqu’aux prêtres en sorte qu’un Catholique autrefois croyant reste désormais à la maison et n’assiste plus à la Messe. Réussira-t-il à garder la foi ? Et ses enfants ? Voilà le danger.

Donc pour maintenir en équilibre notre Foi et pour éviter les pièges qui nous sont tendus à droite et à gauche, examinons les arguments de BpS dans l’article de 15 pages mentionné ci-dessus. (BpS est un acronyme facile à déchiffrer pour maint lecteur, mais pour identifier l’auteur qu’il suffise ici, parce que nous nous intéressons à ses arguments et pas à la personne.) Dans cet article il réfléchit, et il croit en la Papauté, sinon les Papes Conciliaires ne lui présenteraient aucun problème. Sa logique et sa foi sont ce qu’il y a de mieux chez les sédévacantistes en général, mais ni lui ni eux n’ont une vue suffisante de ce qui est en jeu. Le Bon Dieu ne peut pas lâcher son Église, mais il peut bien lâcher tel ou tel homme d’Église.

Voici en deux mots le grand argument – Majeure : L’Église est indéfectible. Mineure : A Vatican II l’Église s’est livrée au libéralisme, grande défection. Conclusion : l’Église Conciliaire n’est pas la vraie Église, et alors les Papes Conciliaires qui ont mené ou suivi Vatican II ne sont pas, n’ont jamais été, de vrais Papes.

L’argument paraît bon. Mais attention – des mêmes Prémisses exactement on peut tirer une Conclusion libérale ! – L’Église est indéfectible. L’Église est devenue libérale. Donc moi aussi, en Catholique fidèle, je dois me faire libéral. Que le sédévacantisme partage ainsi ses racines avec le libéralisme devrait faire réfléchir tout sédévacantiste. BpS remarque les racines communes des deux, et cette similitude il l’appelle « ironique », mais elle est beaucoup plus que cela. Elle indique que les sédévacantistes et les libéraux font la même erreur, qui doit se trouver dans la Majeure. En effet les uns comme les autres ils méprennent l’indéfectibilité de l’Église comme ils exagèrent l’infaillibilité des Papes. Voir ici la semaine prochaine une analyse plus en détail de l’argument de BpS.

Kyrie eleison.

Le Beau Fromage.

Le Beau Fromage. on septembre 24, 2016

En Australie, il y a un mois, le Supérieur Général de la Fraternité Saint Pie X a brossé un portrait alléchant de sa subjection imminente – comme il l’espère – de la Fraternité aux officiels de la Rome conciliaire. Tirées d’un long discours, voici quelques remarques significatives qu’il fit, résumées ou citées en entier (en italique) :

[ . . . ] Rome nous offre une nouvelle structure . À sa tête sera un Évêque choisi par le Pape dans une liste de trois membres de la Fraternité, nommés par la Fraternité. Il aura autorité sur les prêtres, sur tout religieux désireux de joindre la nouvelle structure et sur les Catholiques appartenant à cette nouvelle structure. Ceux-ci auront un droit absolu de recevoir des mains des prêtres de la Fraternité tous les Sacrements, y compris le mariage. Cet Évêque sera capable d’ouvrir des écoles et des séminaires, d’ordonner ( des prêtres ), d’établir de nouvelles congrégations religieuses. La structure sera comme un super-diocèse, indépendant de tous les Évêques locaux. En d’autres mots, pour vous autres fidèles, il n’y aura pas de changement de ce dont vous profitez déjà avec la Fraternité. La seule différence sera que vous serez officiellement reconnus comme Catholiques.

Vous pouvez facilement imaginer qu’il y aura des conflits avec les Évêques locaux. Nous devons donc être prudents, mais au point où les choses en sont, vous ne pouvez imaginer rien de mieux que cette offre. Elle est telle qu’on ne peut penser qu’elle soit un piège. Ce n’est pas un piège, et si quelqu’un nous fait une telle offre, c’est qu’il ne peut que nous souhaiter du bien . Il veut que la Tradition prospère et qu’elle fleurisse au sein de l’Église. Il est impossible qu’une telle offre provienne de nos ennemis. Ils ont bien d’autres moyens possibles pour nous écraser, mais pas ce moyen-là [ . . . ].

Les remarques en gras appellent un commentaire –

* Une « nouvelle structure » signifie vraisemblablement que la structure de Monseigneur Lefebvre pour la Fraternité sera essentiellement abandonnée. Rome crée une entité entièrement nouvelle. Adieu, chère Fraternité.

* Un « Évêque choisi par le Pape » est extrêmement important. Et la tête de la « nouvelle structure » continuera vraisemblablement d’être choisie par le Pape. Demandez à la Fraternité Saint-Pierre ce que cela signifie. Cela a voulu dire dans les années 1990 que leur propre choix de Supérieur Général a été ignoré par Rome et que le candidat de Rome (l’abbé A.D.) a été imposé par l’obéissance, pour que Rome s’assurât le contrôle de la Fraternité Saint-Pierre.

* Notez également comment cet Évêque sera capable « d’ordonner des (prêtres) » mais pas des Évêques. Rome gardera ainsi la main haute sur la nouvelle entité.

* « Il n’y aura pas de changement » ? Mais bien sûr qu’il y en aura ! Rome aura désormais le contrôle.

* « Vous serez officiellement reconnus » – mais quel besoin les Catholiques ont-ils d’une reconnaissance par des destructeurs de l’Église tels que sont ses officiels néo-modernistes actuels ? Être reconnus par eux ne peut guère être qu’un mauvais signe.

* « Pas un piège . . . » ? Tout ce paragraphe est vraiment étonnant. L’auteur de ces Commentaires se sent obligé de recourir à la souris Mickey et à sa partenaire bien-aimée, Minnie, pour un commentaire :

Mickey : Très chère, peux-tu sentir le délicieux fromage que je sens ? Oh ! regarde, le voici !

Minnie : Mais Mickey, c’est une souricière que le propriétaire de la maison a placée là pour se débarrasser de nous. Tu ne vois pas ça ?

Mickey : Cela ne peut pas être un piège. Je te le dis, si quelqu’un nous offre un si beau fromage, ça ne peut être que parce qu’il nous veut du bien. Évidemment il veut que nous autres souris, nous prospérions et fleurissions dans sa maison.

Minnie (le suppliant) : Oh ! Mickey, tu ne te rappelles pas combien de nos cousins sont morts de cette façon-là ?

Mickey : Mais enfin je t’assure – et je ne me trompe jamais – il est impossible qu’un fromage si délicieux provienne de nos ennemis ! Ils ne pourraient jamais nous écraser de cette façon-là.

Minnie (avec un profond soupir) : Mais on ne peut mieux faire pour nous écraser ! Et combien encore de nos amis et de nos parents vont suivre ta direction ? Quel malheur que cet orgueil masculin !

Que l’on veuille pardonner la frivolité, mais c’est désormais à un vrai Disneyland que nous avons affaire.

Kyrie eleison.