monde moderne

Non Seulement… Mais Aussi…

Non Seulement… Mais Aussi… on novembre 30, 2019

Les numéros de ces « Commentaires » peuvent aisément se classer en deux catégories : il y a ceux qui traitent du problème de la société moderne et ceux qui traitent de la solution catholique. Il serait regrettable qu’un certain nombre de lecteurs ne s’intéressent qu’au problème et non à la solution, ou bien à la solution en oubliant le problème. Car, si je connais le problème sans en avoir la solution, je risque sérieusement de tomber dans le désespoir, spécialement aujourd’hui, quand on voit Dieu donner à Ses ennemis la permission de détruire Son Église, ou presque. Mais d’un autre côté, si le fait de connaître la solution m’incite à vivre dans l’illusion en minimisant le problème, alors mon système de défense est vulnérable, et je risque de me faire rattraper par le problème quand je m’y attendrai le moins.

Saint Paul est l’exemple type de celui qui connaissait et le problème et la solution. Car il comprenait d’autant mieux la solution du Nouveau Testament, à savoir : Jésus-Christ (Rom. VII, 24–25), que lui-même avait été un pharisien fervent selon ce pharisaïsme qui avait détourné l’Ancien Testament (I Cor XV, 8–10). C’est parce que Saint Paul avait personnellement fait l’expérience de l’impuissance de l’Ancien Testament à pardonner les péchés qu’il a si bien compris ce que le Christ par le Nouveau Testament avait apporté comme salut aux hommes. Un autre grand converti qui profita des nombreuses années qu’il passa dans l’hérésie fut saint Augustin, qui en devint l’un des plus grands serviteurs de la vérité catholique. Voilà pourquoi certains Français disent : «  Un converti vaut deux apôtres. »

Et voilà pourquoi les catholiques d’aujourd’hui devraient se garder de mépriser la connaissance des ennemis de Dieu et de la façon dont ils Le combattent, aussi répugnant que soit ce combat. Et quant aux non-catholiques, ils seraient mieux avisés de ne pas mépriser l’Église catholique car, aussi déconfite qu’elle puisse paraître aujourd’hui, elle est toujours la seule institution à détenir les vraies solutions à tous les vrais problèmes du monde, c’est-à-dire aux problèmes humains. Car tous les problèmes proprement humains ne sont que le fruit pestiféré des péchés dans les âmes humaines par lesquels l’homme s’élève contre Dieu. Or Dieu seul, et non les psychiatres, peut pénétrer dans ces âmes pour accorder Son pardon, ce qu’Il choisit de faire uniquement par son divin Fils, et par l’Église achetée au prix de Son sang.

Alors, suggérons aux lecteurs non-catholiques de ces « Commentaires » de s’intéresser non seulement aux analyses que l’on y trouve sur les arts modernes ou la politique, mais aussi aux arguments qui peuvent à prime abord sembler n’être que de vaines chamailleries entre catholiques, tels les erreurs de Vatican II ou la glissade de la Fraternité Saint Pie X vers Vatican II. Car s’il est vrai que l’Église catholique est toujours la seule à détenir la vraie solution aux vrais problèmes de tous les lecteurs, néanmoins cette solution est vulnérable, pouvant constamment être falsifiée par les hommes pécheurs. Or, une fois falsifiée, la solution devient une partie du problème. De fait, Vatican II fut le point d’aboutissement logique de plusieurs siècles d’efforts déployés par ceux qui voulaient mettre l’Homme à la place de Dieu. Et quant à La Fraternité Saint Pie X, bien qu’elle ait été conçue et fondée en 1970 pour résister aux erreurs du Concile, elle est tombée, notamment depuis 2012, sous le charme maléfique de ces mêmes erreurs. Par conséquent, les non-catholiques qui cherchent de vraies solutions aux problèmes modernes (qu’ils ne connaissent que trop bien !), devraient examiner les arguments exposés ici à propos de Vatican II et de la FSSPX.

De même, aux lecteurs catholiques de ces « Commentaires » nous suggérons de ne pas suivre uniquement les propos concernant Vatican II et la dangereuse dérive de la Fraternité s’alignant sur le monde moderne, mais aussi les analyses qui fouillent en profondeur ce qui ne va pas dans ce monde. Car, si les dirigeants de la Fraternité vont à la dérive comme ils le font actuellement, n’est-ce pas dû au fait qu’ils sous-estiment le problème de ce monde ? Ne vont-ils pas tout droit à la défaite en menant une guerre sans connaître l’ennemi ? Pourtant, Mgr Lefebvre n’a-t-il pas dit que Vatican II était infesté par le subjectivisme ? Ce qui n’a pas empêché Mgr Fellay d’affirmer un jour que 95% des textes du Concile étaient acceptables ! Et maintenant, alors que Mgr Lefebvre répétait souvent qu’il fallait une longue cuillère pour souper avec les conciliaires romains, ne voit-on pas le successeur de Mgr Fellay, prenant exemple sur ce dernier, se comporter comme s’il se prend pour plus malin que les démons romains ? La vraie force de Mgr Lefebvre n’a pas tellement été son astuce, mais plutôt sa foi et sa fidélité à la vérité catholique. Il en va de même pour la Fraternité qu’il a fondée. Alors, en conclusion, enjoignons nos lecteurs catholiques de ne pas croire qu’ils puissent se passer des analyses de ces Commentaires sur la corruption moderne, même s’il n’est pas toujours agréable de la considérer. Cacher sa tête dans le sable se fait payer cher.

Kyrie eleison.

La Dérive du Monde

La Dérive du Monde on novembre 23, 2019

Ce n’est pas seulement la Fraternité Saint Pie X qui part à la dérive, c’est le monde entier qui, dans l’âme de l’homme moderne, part à la dérive, On ne peut ni « faire d’une buse un épervier », ni « d’un sac de son, tirer de la farine ». De même il ne sert à rien de croire que les institutions d’hier ne seront pas vidées de leur substance par les hommes d’aujourd’hui, car des baudruches percées peuvent-elles rester bien gonflées ? Nous reproduisons ci-après l’intéressante réponse d’une personne réfléchie, à qui l’on demandait ce qu’elle prévoyait comme avenir pour la « Résistance », pour la FSSPX, pour l’Eglise et pour le monde :

Quant à la «  Résistance » , ses effectifs n’augmenteront pas beaucoup. Faute du matériau approprié, il n’y aura pas de grandes moissons d’âmes. Comment pourrait-on construire quoi que ce soit de catholique avec des gens qui n’ont plus, ou peu, l’idée du vrai et du faux, du bien et du mal, de ce à quoi il convient résister ? La vérité et le droit ont été minés ; de plus en plus de gens renoncent à croire qu’ils sont d’une importance quelconque. Et pourquoi cela ? La première raison en est que l’homme est un animal social qui prend sa couleur de ceux qui l’entourent. Or aujourd’hui les hommes ont abandoné en masse la vérité et le droit. La deuxième raison vient de ce que la vie est beaucoup moins exigeante lorsque la vérité et le droit ne représentent plus rien. Chacun peut alors se laisser aller au fil du courant ; il n’y a plus rien qui vaille la peine qu’on résiste au tendances dominantes.

Quant à la FSSPX, si Mgr Fellay est un pleutre, sa couardise contaminera toute la Fraternité et s’étendra bientôt à toute l’Église, dans la mesure où la Fraternité de Mgr Lefebvre représentait, à son apogée, l’épine dorsale de l’Église. Cette force une fois enlevée, on verra prévaloir un conciliarisme mitigé, avec un Missel hybride mêlant la Messe tridentine à la Nouvelle Messe, avec la fameuse «  herméneutique de la continuité » mêlant la doctrine catholique à Vatican II, avec des prêtres et des rites douteux, offrant un renouveau des illusions déjà expérimentées dans les années 50. Pour finir, l’Église n’aura plus personne pour dire la Vérité ; la «  lumière du monde » ne donnera plus qu’une lueur blafarde et facultative, et le «  sel de la terre » ne pourra plus empêcher la corruption universelle.

Le monde sera toujours plus frappé de dégénérescence. Il deviendra de plus en plus artificiel de par sa propre volonté. L’Église était notre protectrice surnaturelle. Par l’infusion de la grâce dans l’âme des hommes, elle veillait sur tout ce qui est naturel dans la création de Dieu. Dans le Nouvel Ordre Mondial, même les restes de la véritable Église continueront d’être persécutés par l’intimidation actuelle à la fois passive et agressive. Car, sous une apparence tolérante et passive, se dissimule en réalité une pression incessante, poussant au conformisme mondain : « Vous feriez mieux d’être ‹ politiquement correct ›, comme tout le monde, sinon nous ferons de vous un déclassé, un paria » . Or, cette pression extérieure provient d’une mystérieuse faiblesse de l’esprit moderne, incapable de s’accrocher à une vérité. C’est pourquoi, sur un plan naturel, le diable pénètre tout ; il fait basculer les esprits toujours vers la gauche : plus loin de Dieu ; il parvient à faire douter les catholiques eux-mêmes : «  Qui suis-je pour dire que Mgr Lefebvre avait raison ? Ses ennemis étaient-ils si méchants ? Qui suis-je pour en juger ? Dans cet état d’esprit, il est facile de trahir . . .

C’est le Concile des années 1960 qui a déchaîné cet esprit de confusion des années 1970. Depuis lors, cette mentalité a eu un bon demi-siècle pour se répandre, la FSSPX travaillant secrètement pour l’ennemi depuis les 20 dernières années . . . .

Voilà une vision de l’avenir bien sombre. Mais, sur un plan purement humain, cette prévision a tout de réaliste. Heureusement, Dieu est Dieu. Il existe véritablement et ses pensées ne sont pas nos pensées ; ses voies ne sont pas nos voies, «  car de même que les cieux sont plus hauts que la terre, de même mes voies sont plus hautes que vos voies et mes pensées que vos pensées » (Isaïe LV, 8–9). Les machinations des hommes ne parviendront pas non plus à mettre Dieu en échec : «  Ainsi en est-il de la parole qui sort de ma bouche, elle ne reviendra pas vers moi sans effet, sans avoir accompli ce que j’ai voulu, et réalisé l’objet de sa mission. Oui, vous partirez dans la joie et vous serez ramenés dans la paix ; les montagnes et les collines pousseront devant vous des cris de joie, et tous les arbres des champs battront des mains. Au lieu de l’épine croîtra le cyprès, au lieu l’ortie croîtra le myrte, Et ce sera pour l’Éternel un mémorial, un signe éternel qui ne sera point retranché. » (Is. LV, 11–13).

Kyrie eleison.

Rosmersholm de Henrik Ibsen

<i>Rosmersholm</i> de Henrik Ibsen on septembre 28, 2019

Henrik Ibsen (1828–1906) est un célèbre auteur de théâtre norvégien. Beaucoup le considèrent comme le père de la dramaturgie moderne. Il n’était pas catholique. Néanmoins, ses pièces expriment une grande vérité. Or saint Augustin n’affirmait-il pas que toute vérité appartient aux catholiques ? (Parce que le Christ est « le Chemin, la Vérité et la Vie »). N’est-ce pas pour cette raison que les catholiques se trouvent parfois mieux placés que les non-catholiques pour apprécier les vérités que peuvent dire ces derniers ? La grande vérité d’Ibsen c’est de montrer que, même dans la Norvège de la fin du XIXe siècle, engoncée dans l’hypocrisie qui étouffait la vie et la joie sous le poids de traditions moribondes, l’esprit humain est encore capable d’élever une protestation ; il préfère même la mort à une existence prisonnière, dépourvue de liberté et de toute signification.

En quoi consiste cette protestation ? Prenons trois pièces dans lesquelles Ibsen passe du drame de la société moderne à l’analyse psychologique des personnages. Rosmersholm (1886) se termine par le double suicide du héros et de sa bien-aimée ; Solness, le constructeur (1892) se termine par la chute du héros du haut d’une tour qu’il était suicidaire d’avoir voulu escalader ; dans John Gabriel Borkman (1896) le héros meurt de froid lors d’une ascension quasi-suicidaire parmi les bois d’une montagne glacée. Dans chaque cas, le héros est toujours en lutte pour la liberté de l’esprit humain, toujours en butte à un monde qui s’acharne à étouffer cet esprit. Concentrons-nous sur Rosmersholm, dont une adaptation, récemment mise en scène à Londres, vient de remporter un grand succès. Ibsen n’est pas mort !

La trame d’un drame a toujours besoin d’un conflit. Dans Rosmersholm, ce conflit oppose, d’un côté, le vieux monde de la famille Rosmer et de son domaine : depuis 200 ans, cette lignée se distingue par ses officiers et ses pasteurs qui en étant de beaux exemples surent élever toute la région ; et de l’autre côté, on trouve un monde nouveau qui prône l’émancipation de toutes ces anciennes valeurs. Le personnage central de la pièce est le dernier rejeton de cette noble famille, John Rosmer, ancien pasteur. Mais il a perdu la foi et se trouve maintenant déchiré entre ces deux mondes. Il y a d’un côté le Dr Kroll, conservateur au cœur sec, qui tente de sauver la Norvège du libéralisme envahissant, mais dont la propre femme et les enfants versent dans ce libéralisme. On trouve de l’autre côté le rédacteur en chef du journal radical local, Mortensgaard. Ce personnage est au moins aussi désobligeant que Kroll dans ses tentatives pour attirer Rosmer de son côté. En théorie, ce nouveau monde, fait de joie et de liberté, a conquis Rosmer lui-même, grâce à l’influence de Rebekka West, jeune femme charmante, qui est sa compagne platonique depuis plusieurs années.

Le drame atteint son paroxysme lorsque Rosmer avoue à Kroll qu’il a perdu la foi et qu’il projette maintenant de soutenir publiquement les libéraux. Kroll passe alors à l’action, en employant des moyens plus ou moins équitables, voire déloyaux, pour dissuader Rosmer de faire don de sa personne et de son prestige à la pourriture du pays. Sous la pression de Kroll, Rebekka se rend compte qu’en croyant lutter pour libérer Rosmer de son milieu – noble, certes, mais étouffant – c’est en fait ce milieu de Rosmersholm qui l’a conquise. Finalement, la seule façon pour John et Rebekka d’atteindre cette liberté nouvelle tout en gardant l’ancienne noblesse, c’est de se jeter ensemble dans le moulin à eau de Rosmersholm. En d’autres termes, selon Ibsen, l’ancienne noblesse est sans joie, le nouveau conservatisme est sans cœur et la nouvelle émancipation ne vaut guère mieux. La mort reste la seule issue, la seule voie de recours encore possible aux yeux de ce couple pris au piège de ses contradictions.

Tout cela n’est-il qu’une sombre absurdité, sujet impropre pour les catholiques d’aujourd’hui ? Eh bien, non, au contraire. Ce drame présente en fait un portrait réaliste de notre monde actuel. Quand la foi se meurt, comme chez Rosmer et chez d’autres âmes qui se comptent aujourd’hui en milliards, alors le conservatisme déshonnête d’un Kroll finit par ne rien conserver ; la gauche d’un Mortensgaard est tout juste bonne à jeter l’huile de l’impiété sur l’incendie d’une société sans Dieu ; l’émancipation d’une Rebekka reste exsangue, si bien que l’instinct suicidaire du libéralisme prend le dessus. Pour avoir la vie en soi, et l’avoir en abondance (Jean X, 10), Rosmer doit d’abord recouvrer la foi de ses ancêtres ; c’est-à-dire qu’il doit, au-delà même de ses meilleurs ancêtres protestants, remonter jusqu’à ces ancêtres catholiques vraiment nobles qui firent la Norvège chrétienne. Alors que Rosmer devienne un vrai catholique, et tous les Kroll, les Mortensgaard et les Rebekka pourront voir la vraie solution, et la lumière du Christ pourra se rallumer dans toute la région.

Kyrie eleison.

« Post-Modernité » – II

« Post-Modernité » – II on août 31, 2019

Au risque de fatiguer les lecteurs en proposant encore des variations sur le thème de la Vérité, ces « Commentaires » vont ajouter quelques considérations au résumé donné ici la semaine dernière sur le livre La Culture comme religion de Wojcieck Niemczewski. Rappelons qu’il s’agit de l’interprétation post-moderne du rapport de la culture avec la religion. Notre grand but est toujours de sauver notre âme. Or l’un des plus grands dangers nous empêchant d’assurer notre salut, réside dans l’aveuglement de notre faculté la plus haute, c’est-à-dire notre intelligence, entraînant immédiatement la corruption de notre volonté. Et le danger le plus grave menaçant notre esprit aujourd’hui est l’attitude universelle selon laquelle les idées sont indifférentes, car la vérité est sans importance. Voyez par exemple comment Vatican II a préféré la modernité au catholicisme fidèle, notamment dans le document conciliaire Gaudium et Spes, et comment la Fraternité Saint Pie X a préféré les Romains conciliaires à son fidèle Fondateur ; et voyez, dans chaque cas, comment la grande majorité des prêtres et des laïcs ont suivi.

Commençons par mettre de l’ordre dans les pensées de Niemczewski, afin de voir d’où il part et où il va : 1 – Il n’existe pas de Dieu objectif. « Dieu » n’est qu’une fabrication subjective en chacun de nous. 2 – C’est pourquoi les vieilles « vérités » de la religion et de la philosophie d’hier n’ont plus de fondement aujourd’hui. 3 – De plus, ces vérités sont déphasées par rapport à la réalité d’aujourd’hui, car le monde évolue de plus en plus vite dans tous les domaines. 4 – Pire encore : ces vielles idées bloquent le progrès moderne ou la « culture du choix », qui permet de nous adapter au changement et qui garantit à chacun la liberté de construire son propre mode de vie. 5Pour rester compatible avec la modernité, l’homme post-moderne doit accepter cette « culture du choix » qui n’a rien d’universel ni d’obligatoire, qui n’impose ni normes ni aucun être supérieur à l’homme. 6 – En conclusion, la vérité doit céder le pas à la liberté, la religion à la culture et la finalité à la dérive. 7 – C`est pourquoi : A bas la vérité ! et Vive la « culture du choix » !

Hélas pour l’homme post-moderne ! Il existe bel et bien une réalité en dehors de son esprit ; elle est toute proche de lui, comme le sont ses bras et ses jambes ; et cette réalité extra-mentale possède ses propres lois qui ne dépendent en rien de son esprit. Par exemple, s’il a mal aux dents, il devra aller chez le dentiste et non chez le poissonnier. Et ces lois ne sont pas seulement physiques : elles sont aussi morales. Par exemple, si une pauvre fille se fait avorter, elle ne pourra pas faire taire ses remords, quoi qu’elle en ait envie. Le libre arbitre de chaque individu est incontestablement libre – d’où la possibilité de cette « culture du choix » de Niemczewski. Mais cette culture du choix ne peut fonctionner qu’au-dedans du cadre structuré des lois de la réalité extra-mentale, qu’elle soit physique ou morale, et pas en-dehors. Ainsi je suis libre de choisir pour mon éternité le Ciel ou l’Enfer, mais je ne suis pas libre d’ enfreindre sérieusement la loi morale et en même temps d’ aller au Ciel.

Les philosophes grecs de l’Antiquité ont vécu plusieurs siècles avant l’Incarnation de Notre Seigneur, en sorte qu’ils n’ont bénéficié ni de la grâce ni de la Révélation surnaturelles. Mais rien qu’avec les moyens naturels ils ont observé, sans inventer quoi que ce soit, les conséquences graves et inévitables lorsque l’homme prétend s’élèver contre la structure morale de la vie humaine, et à cette prétention ils ont donné un nom : «  hubris ». Aujourd’hui nous parlerions d’ « orgueil ». Ainsi, la présentation que fait Niemczewski de la « culture du choix » commence en niant Dieu et s’achève en le bravant. Mais si Niemczewski peut ainsi faire pencher l’esprit des hommes en faveur de cette « culture », il ne peut absolument pas faire plier l’éternelle et ineffable Existence de Dieu, ni l’éternelle et absolue nécessité de la Vérité. Par exemple, affirmer qu’il n’y a pas de vérité, c’est encore prétendre que cette opinion est vraie. Par conséquent, en niant tous les dogmes ou seulement certains d’entre eux, c’est encore être dogmatique : et personne n’est aussi dogmatique que les francs-maçons. De même, dans leur travail de sape subjectif de toute doctrine, personne n’est aussi doctrinaire que les modernistes ou néo-modernistes.

En bref, un homme comme Niemczewski refuse de reconnaître qu’ autour de l’aire où l’humanité opère ses choix, se trouve un anneau de réalité qui échappe à notre pouvoir de choisir. Les ecclésiastiques de Vatican II refusent de reconnaître que le Dépôt de la Foi ne peut être modernisé, et les dirigeants de la Néo-fraternité Saint Pie X refusent de reconnaître que les Romains conciliaires sont des bonimenteurs. La « culture du choix » risque de finir par leur coûter cher à tous. Cela peut aller jusqu’à leur coûter leur éternité, s’ils ne veulent pas revenir au bon sens catholique.

Kyrie eleison.

« Post-Modernité » – II

« Post-Modernité » – II on août 24, 2019

On rencontre parfois l’expression « post-moderne » ou « post-modernité ». On peut se demander ce que signifient ces mots, à quoi ils font référence. Qu’est-ce que la « modernité »  ? Il est raisonnable de supposer que le terme a d’abord renvoyé à l’époque suivant la seconde guerre mondiale, à partir de 1945. C’était la période où la civilisation devait s’extraire des amas de ruines pour s’engager sur une voie nouvelle. Mais 1945, c’est maintenant il y a près de trois quarts de siècle. Or 74 ans, c’est trop long pour que le temps ait passé sans donner quelque chose de différent. Ne voit-on pas qu’à tout instant le monde tourne ? – « Volvitur orbis ». Or, jamais le monde n’a tourné aussi vite qu’au XXIe siècle. Pour cette raison, quelle que soit la forme que prenne aujourd’hui le monde, on va l’appeler « post-moderne ».

Mais alors quelle forme le monde prend-il aujourd’hui ? Il arrive que le cœur même de la « post-modernité » a pu être exprimé dans un livre intitulé La Culture comme religion ; l’interprétation post-moderne de la relation entre la culture et la religion, de Wojcieck Niemczewski. Résumons en deux paragraphes sa thèse :

Nous vivons une époque où surviennent des changements de toutes sortes. Mais les vieux principes religieux et philosophiques freinent cette avancée. Ils ne correspondent plus à la réalité d’aujourd’hui qui évolue plus vite que jamais. Désormais, nous faisons l’expérience de la « culture du choix », y intégrant tous les éléments culturels que nous voulons, pour construire le monde à notre guise, selon notre vision. Cette possibilité de choisir devient alors l’étendard de la liberté, qui nous permet de nous mettre toujours au diapason de la vie moderne, mais qui remplace l’ancien étendard, celui de la vérité.

Finalement, cette culture post-moderne n’impose rien  : aucune norme, aucune obligation, aucune exigence. Elle n’atteint pas non plus une quelconque transcendance dans cette vie, car si Dieu peut exister, c’est uniquement en nous-mêmes. Or, dans notre subjectivité, à l’intérieur de nous-même, Il dépend de nous ! L’homme post-moderne veut toujours être au diapason de son temps, c’est-à-dire avec le mouvement et le changement. Mais, pour cet homme, à quoi rime ce mouvement sans fin  ? A quoi ce changement est-il ordonné ? L’homme n’en a aucune idée, parce qu’il s’est rendu incapable de définir vers où il va. Ainsi, même si les hommes s’en tiennent à la Tradition, celle-ci est susceptible d’être absorbée dans cette nouvelle culture.

Au temps de Noé (cf. Genèse, VI-IX, surtout VI, 1–13) l’humanité avait atteint un tel degré de corruption que si le Bon Dieu voulait encore sauver un nombre important d’âmes, Il fut obligé d’avoir recours à un châtiment embrassant le monde entier. Ce n’est qu’ainsi qu’il pouvait donner, au moins à quelques âmes, le désir et le temps de faire un bon acte de contrition. Et depuis, en raison du péché originel, il n’y a que les interventions divines qui restent en mesure de ralentir ou d’inverser l’inclination de l’humanité vers sa chute finale. Bien sûr, la plus grande de ces interventions fut l’Incarnation de Jésus-Christ. Mais « Plus on est élevé, plus dure sera la chute ». Donc après encore 2000 ans, il était prévisible que si Dieu voulait le permettre, la condition humaine deviendrait pire que jamais. Or, de toute évidence (Lc XVIII, 8), Dieu a voulu permettre qu’avant la fin du monde, l’Église de son Fils disparaisse presque entièrement. Quelle forme cette disparition prendra-t-elle ? Nous l’entrevoyons dans la description que donne Niemczewski de la « nouvelle culture ».

Et cette description nous invite à distinguer de la manière suivante entre « moderne » et « post-moderne ». La culture « moderne » serait cette culture globale du nihilisme, typique de la période suivant la Seconde Guerre mondiale  : les cœurs et les esprits étaient vidés de toute conviction, de toute croyance, d’espoir ou de confiance. Mais les cœurs et les esprits n’étaient pas encore totalement désintégrés. On gardait encore le souvenir de ce qu’on avait perdu, et ce souvenir était douloureux dans les âmes. Par contre la « post-modernité » serait la suite logique de cette douleur, à savoir l’auto-destruction des restes du cœur et de l’intelligence par la volonté, afin que la douleur disparaisse avec. Donc je renonce délibérément à la vérité pour que mon esprit puisse planer dans un pays de fleurs et de mensonges merveilleux dont je m’efforce d’oublier que ce sont des mensonges. Mon cœur, libéré de la réalité et bercé d’illusions, vagabonde à son tour dans un pays de rêves, rempli de senteurs douces et sucrées où tout demeure ainsi à tout jamais.

Mais, dit le proverbe, « Les faits sont têtus ». Certes, un grand nombre d’intelligences et de cœurs modernes ont rompu les amarres et refusent tout repère. mais vent et marée demeurent vent et marée. Or, les ennemis acharnés du Bon Dieu, eux, ne perdent point le sens du réel  : ils veulent faire descendre toute âme réelle dans l’Enfer réel. Ah  ! si seulement les amis de Dieu respectaient comme Ses ennemis l’étendard de la vérité !

Kyrie eleison.

La Vérité Minée Encore

La Vérité Minée Encore on juillet 13, 2019

Nous avons plus d’une fois recommandé dans ces « Commentaires » le site internet du Dr Paul Craig Roberts, analyste américain, dont les écrits portent sur les développements politiques et économiques mondiaux. Peut-être lui manque-t-il la largeur de vue que seule la vraie religion lui fournirait, mais il rapporte sur son site – paulcraigroberts.org – beaucoup de vérités qu’il observe de par le monde, et il le fait de manière telle qu’on peut se demander s’il ne va pas être un jour assassiné . . . . Mais un meurtre fait toujours désordre et, de plus, tuer un analyste risque, au contraire, d’accréditer le message qu’on voulait étouffer. Toujours est-il que les écrits du Dr Roberts sont largement répandus et lus dans le monde entier. Sur un plan très pratique, un de ses récents articles vient corroborer la priorité donnée par l’abbé Calderón dans son analyse du « nouvel homme » de Vatican II à ce subjectivisme (voir ces « Commentaires » du 22 juin) qui fait perdre la vérité objective. Lisez ci-dessous l’article du Dr Roberts, légèrement résumé, pour comprendre cette coupure supplémentaire du réel.

Il commence par citer un site normalement véridique, Zero Hedge, qui rapporte que « la capacité à falsifier la réalité augmente de façon exponentielle. Des “geeks” écervelés (ces fous de technologie moderne) ont maintenant développé des techniques qui empêchent de distinguer la fausse réalité de la vraie. » Parlant récemment des progrès foudroyants de la technologie de synthèse, le Président de la Commission de Renseignement du Congrès des États-Unis (House Intelligence Committee), déclarait : « Je ne pense pas que nous soyons suffisamment préparés. Et je ne pense pas que le public soit au courant de ce qui va nous arriver ». Cette nouvelle capacité de l’intelligence artificielle permet à tout programmeur compétent de diffuser des trucages audio ou vidéo sur n’importe qui, lui faisant dire n’importe quoi.

Ces créations sont appelées « deepfakes » (hyper trucages), et aussi choquantes soient-elles, il est pratiquement impossible d’y distinguer le vrai du faux. A peine nous étions-nous adaptés à un monde où notre réalité semblait faussée, que ce qui est faux est maintenant devenu notre réalité.

Un expert en criminalité informatique déclare : « Nous sommes totalement dépassés. Le nombre de personnes travaillant sur la vidéo-synthèse par rapport à ceux qui travaillent sur la détection des trucages sont de l’ordre de 100 contre 1 » ( . . . ) Déjà, les deux tiers des Américains pensent que les images et les vidéos truquées constituent un handicap majeur pour comprendre les faits fondamentaux de l’actualité. Les chercheurs en désinformation mettent en garde contre une « apathie croissante vis-à-vis de la réalité », car pour distinguer le vrai du faux, il faut faire de tels efforts qu’on préfère abandonner la recherche de la vérité pour se fier à son instinct, à ses préjugés de clan ou à ses impulsions. Immergés dans les tromperies de nos dirigeants, nous en arrivons à ne plus croire en rien.

Par exemple, deux pétroliers s’enflamment et dégagent de la fumée. Comme par enchantement, un bateau suspect des Gardiens de la Révolution iraniens apparaît alors sur une vidéo granuleuse. Ces images virales ont inondé les neuf milliards d’écrans de la terre. De chaque côté on a raconté une histoire différente. Personne n’a su à qui faire confiance. Les théories du complot ont comblé le vide, chacun s’accrochant à ce qu’il préférait croire.

https://​www.​zerohedge.​com/​news/​2019-06-16/​hedge-fund-cio-i-dont-think-public-aware-whats-coming

Le Dr Roberts poursuit : Pourquoi les « geeks » se font-ils si forts de développer une technologie rendant la vérité encore plus difficile à discerner ? Comment se peut-il que leur nature humaine soit parasitée au point d’inventer des méthodes qui détruisent la capacité de connaître la vérité ? Est-ce si différent que de libérer dans l’atmosphère une substance indétectable qui anéantirait la vie ? La seule utilité de cette technologie, c’est de permettre à la police d’État d’exercer un contrôle total. Désormais, on peut mettre des paroles sur les lèvres de quiconque, lui attribuer des actes et utiliser ces fausses preuves afin de le condamner pour un crime simulé par trucage. Si la vérité disparaît, il n’y a plus ni liberté, ni pensée indépendante, ni conscience. Il ne reste que la Matrice. Comment l’Amérique a-t-elle pu s’égarer à ce point-là ? Des entreprises, des investisseurs et des scientifiques s’engagent maintenant à fond dans le développement de technologies propres à détruire la vérité ! Ces crétins sans cervelle, ne sont-ils pas nos véritables ennemis ? Aujourd’hui, établir la vérité est devenu la chose la plus difficile au monde. L’article du Dr Roberts se termine par un appel à un soutien financier, ce qu’il mérite certainement.

Chers lecteurs, tenez à la vérité comme à la prunelle de vos yeux, car la vérité se dégrade rapidement. Le monde fait maintenant passer la liberté avant la vérité, l’imagination avant la réalité ; il en découlera pour nous tous un véritable désastre, humainement vu.

Kyrie eleison.