Les Commentaires Eleison

L’ Abbé Bruehwiler

L’ Abbé Bruehwiler on octobre 26, 2019

charL’analyse suivante de la situation actuelle de la Néo-fraternité Saint Pie X parut dans le bulletin paroissial n°3 de l’abbé Aloïs Brühwiler de Saint-Gall en Suisse, publié cet automne. L’abbé Brühwiler, anciennement prêtre de la Fraternité, l’a quittée en 2015 parce qu’il ne pouvait plus accepter la mauvaise direction prise par la Néo-fraternité cherchant éperdument à être reconnue par les autorités romaines, alors même que cette Néo-église insiste pour que la néo-Fraternité accepte, comme condition indispensable à cette reconnaissance, les documents profondément anticatholiques de Vatican II. Comme à l’ordinaire, nous adaptons notre commentaire aux dimensions d’une feuille A4.

Dans les temps de crise dramatique que nous traversons aujourd’hui, alors que les sources de la vie sont attaquées, déstabilisées, voire renversées, un catholique doit en toute humilité faire confiance au Bon Dieu et se placer sous Sa protection. Il doit se concentrer sur « la seule chose nécessaire » (Luc X, 42) et, se gardant de remettre Dieu en question, il doit se soumettre à l’épreuve que la Sagesse éternelle permet (voire suscite ?) comme moyen voulu par sa Miséricorde, pour nous punir, nous purifier, nous sanctifier et finalement nous sauver corps et âme.

Après Vatican II, notre mère l’Église, humiliée et enchaînée depuis, s’est trouvée occupée et submergée par de sinistres pouvoirs francs-maçons, nichés au sein de « l’Église conciliaire ». C’est pourquoi la divine Providence, dans sa Sagesse, a donné aux catholiques un fidèle successeur des Apôtres, Mgr Lefebvre, afin de nous assurer, dans l’extrême et persistante nécessité que nous avons d’être secourus, un accès sûr à la doctrine inaltérée de Notre Seigneur Jésus-Christ. Plus l’esprit conciliaire parle et agit sous l’influence des « fumées de Satan », plus les catholiques, s’ils veulent sauver leur âme, doivent prêter attention à l’héritage doctrinal que nous a laissé le fondateur de la Fraternité St Pie X. Car, tout comme saint Paul avait averti les Corinthiens de s’en tenir à l’Évangile tel qu’il le leur avait prêché et que lui-même avait reçu du Christ (I Co XV, 1–3, etc.), de même, aujourd’hui, devons-nous nous en tenir aux leçons de Mgr Lefebvre sur la Nouvelle Messe et le Concile, car brader cet enseignement équivaudrait en réalité à évacuer la doctrine du Christ.

Mais hélas ! peu de temps après la mort de leur fondateur en 1991, les dirigeants de la Fraternité ont opté pour une voie nouvelle, en s’efforçant de « normaliser » le statut canonique de la Fraternité au sein de l’Église, comme si c’était la Fraternité et pas l’Église conciliaire qui était en faute. Ce changement d’orientation a clairement commencé à se faire jour avec la tentative des dirigeants de la Fraternité, en 2001, de se soumettre aux conciliaires. Cela s’est manifesté encore plus clairement le 7 avril 2012 dans la lettre adressée par trois des quatre évêques de la FSSPX aux dirigeants de cette Fraternité. A la suite de quoi, l’un des quatre évêques fut exclu. La Fraternité se divisait en deux, en sorte que si quelqu’un approuvait cette exclusion à ce moment-là, il doit aujourd’hui approuver les « nouveaux amis » de la Fraternité, tel cet évêque suisse de la Néo-église, dont la doctrine concernant le Concile et la Messe est bien loin de coincider avec celle de Mgr Lefebvre. C’est ainsi que la Néo-fraternité est en train de se former selon le principe qu’un accord pratique passe avant la vérité doctrinale, principe franc-maçon et nullement catholique. Malgré cela, de plus en plus de prêtres et de laïcs aveuglés semblent espérer qu’un accord entre la Néo-fraternité et Rome verra bientôt le jour.

Le problème remonte à Vatican II (1962–1965). A l’époque, les fidèles catholiques, dans leur famille et au travail, durent apprendre à leurs dépens ce qui se passe lorsque les responsables de l’Église s’écartent de la vérité catholique : les fidèles catholiques ne pouvaient plus suivre ces papes, ces évêques et ces prêtres, ni leur obéir, même si cette hiérarchie avait autorité sur eux, parce que la raison d’être même de l’Autorité catholique n’est autre que de servir la Foi et la Justice. Par contre le motu proprio de Benoît XVI de 2007, et le Communiqué de Presse ambigu et trompeur publié en même temps par le Supérieur Général de la FSSPX, sont deux exemples d’un mépris profond pour la vérité et la justice. Comme l’a dit Mgr Tissier en 2016, « La messe du Motu Proprio n’est pas la vraie messe. » Nous pourrions ajouter : la Néo-fraternité qui ne cesse d’évoluer depuis 1991, n’est plus la vraie Fraternité.

Kyrie eleison.

Conversion Moderne

Conversion Moderne on octobre 19, 2019

Y aurait-il aujourd’hui quelqu’un pour penser que le Bon Dieu a renoncé au gouvernement de Son Église et du monde ? Il serait alors facile de lui opposer les témoignages qui parviennent au bureau de ces « Commentaires ». Ils montrent clairement – à tout le moins de l’avis du commentateur – que le Saint-Esprit est toujours à l’œuvre. Un catholique qui s’était éloigné de l’Eglise nous raconte ci-dessous comment il est revenu à la Foi, comment il a rencontré la Tradition catholique, et peu après, la « Résistance ». Il nous dit le sens qu’il donne à tout cela. Fait remarquable : dans la confusion et le découragement ambiant que nous connaissons tous, ce qu’il écrit ne manque ni de portée ni de sérénité, signe fort qu’il est guidé par la grâce de Dieu.

Je suis marié et ma femme m’a donné deux filles : l’aînée est presque adolescente, la seconde est encore un bébé. Je crois devoir à ma grand-mère mon retour à la Foi. Un jour, il y a cinq ans de cela, alors que je passais devant une église, j’ai soudain pensé à ma grand-mère qui avait l’habitude de dire le chapelet. Je me suis alors senti poussé à entrer dans l’église pour faire une prière. Et depuis ce moment, j’ai recommencé à prieret j’ai de nouveau assisté à la messe. Bien sûr, au début, c’était la Nouvelle Messe. Mais il y a environ trois ans, j’ai découvert l’existence de la Tradition catholique.

Depuis lors, ma famille et moi fréquentons près de chez nous la chapelle de la Fraternité Saint Pie X. Le prêtre et les fidèles ont été très heureux de nous accueillir. Mais je n’ai pas tardé à sentir qu’il y avait dans la chapelle beaucoup de divisions. Vous imaginez facilement la difficulté que j’avais à comprendre de quoi il s’agissait. Venant tout juste d’arriver dans la Tradition, il me fallut beaucoup de patience, de courage et de ténacité pour persévérer et ne pas prendre la fuite dès les six premiers mois ! Mais notre soif de vérité et notre recherche d’enracinement ont été plus fortes que nos doutes ; si bien que nous sommes restés, grâce à Dieu.

J’ai compris que la FSSPX constituait une partie encore saine de la véritable Église du Christ ; c’est pourquoi je reste avec ma famille, au moins pour le moment, dans la Fraternité. Mais afin de continuer à former mon jugement, je n’en écoute pas moins ce qu’ont à dire les sédévacantistes et les « résistants ». J’ai une grande admiration pour Mgr Lefebvre, véritable homme de Dieu et saint successeur des Apôtres. Voir sa Fraternité ainsi vaciller sous la pression infernale du monde est très difficile à supporter ; cela exige de nous toujours plus de prières.

La Fraternité a sans doute encore un grand rôle à jouer, car elle continue à faire beaucoup de bien. Il en va de même pour ce qu’on appelle la « Résistance ». Elle aussi joue, et a raison de jouer, le rôle d’un garde-fou, chaque fois que la Fraternité vacille et chancelle sous les attaques du monde moderne ou face aux tentations que lui proposent les officiels de l’Eglise conciliaire. Je suis convaincu que la « Résistance » exerce une influence capitale. Alors qu’elle semble être extérieure à la FSSPX, Notre Seigneur lui permet d’exister pour faire beaucoup de bien, même au sein de la Fraternité. Personnellement, je me considère comme un résistant convaincu vis-à-vis de ceux qui louvoient et n’attaquent pas clairement et frontalement le Concile Vatican II, nettement inspiré par le diable. Tout bien considéré, comment pourrait-on vivre en vrai catholique aujourd’hui, sans résister partout et toujours ? Etre catholique ici-bas n’est sans doute pas de tout repos, mais n’est-ce pas aussi la plus belle chose qui soit ? Merci, chère grand-mère, d’avoir prié pour moi Jésus et Marie !

Durant cette vie, nous ne pouvons jamais voir Dieu. Mais, du moins nous Le voyons à l’œuvre : la dévotion d’une grand-mère ; la prière d’une âme qui débute, mais dont la démarche est décisive ; l’assistance à la Messe comme étape suivante : la Nouvelle Messe, malgré tout porteuse de quelque grâce, aussi étouffée qu’y soit la grâce de la Messe de toujours ; l’âme catholique à laquelle, par qelque truchement que ce soit, Dieu permet d’accéder à la Tradition ; le refuge dans une chapelle de la Fraternité et le bon accueil réservé aux nouveaux venus, réconfort qui, en fait, préparait l’épreuve suivante ! Épreuve surmontée grâce à tous ces besoins d’enracinement, d’amour et de recherche de la Vérité ; grâce à cette attente gardant l’esprit en veille, malgré la confusion ambiante ; l’estime pour Mgr Lefebvre et l’aversion pour Vatican II ; la réception des bienfaits communiqués tant par la Fraternité que par la « Résistance », chacun de ces mouvements procurant –sans exclusive – ce qu’il peut apporter ; la découverte du sort de tout catholique qui doit nécessairement nager à contrecourant, et enfin la gratitude pour tout ce que Dieu lui a apporté. Beaucoup de leçons en peu de mots. Que Dieu bénisse ce correspondant et les gardent, lui et sa famille, fidèles jusqu’à la mort. Il est en bonne voie.

Kyrie eleison.

Présence et Puissance

Présence et Puissance on octobre 12, 2019

Même si l’écroulement de « la civilisation occidentale » s’accélère, il est très nécessaire de nous rappeler que « Notre secours est dans le Nom du Seigneur », dans l’intercession de la Vierge Marie, Sa Très Sainte Mère, et dans rien ni personne d’autre. Peu de gens, même parmi les catholiques, comprennent combien le Bon Dieu nous est proche et combien Il est fort. Ils s’adonneraient peut-être plus volontiers à la prière si seulement ils s’en rendaient compte. Car aujourd’hui, seule la prière peut faire sérieusement barrage à l’avancée du mal. Par un juste châtiment de l’humanité apostate, Dieu a laissé passer sous le contrôle de Ses ennemis tout autre moyen d’influence et de pouvoir.

Mais qui est Dieu ? Le Père Tout-Puissant, créateur du ciel et de la terre, de toutes choses visibles et invisibles.

Tout d’abord, Il est Père, c’est à dire Créateur du ciel et de la terre. Mais il ne l’est pas seulement à la manière d’un fabricant qui façonne un produit et le laisse ensuite faire son propre chemin dans le monde. La meilleure comparaison qui puisse illustrer le soin de Dieu et son amour pour Ses créatures, c’est l’amour qu’un homme peut porter à ses enfants, normalement jusqu’à sa propre mort ou à la mort des enfants, voire au-delà. Toutefois, alors que l’amour d’un homme est fini, l’amour de Dieu est infini.

Ensuite, Il est Tout-Puissant. Peut-être la façon la plus simple de saisir la force ou la puissance de Dieu est-elle d’accepter ce qu’enseigne l’Église : Dieu est Créateur, et tout ce qui existe est créature de Dieu. Par cette création, toutes choses sont sorties à partir de rien. Par contre, chaque fois que nous autres, êtres humains, « créons » quelque chose, c’est toujours à partir d’un matériau préexistant : par exemple une chaise faite de bois, une maison de briques, des briques d’argile, et ainsi de suite. Plus j’y pense, plus il m’est difficile de concevoir quoi que ce soit créé à partir de rien, pour la bonne raison que tous les changements que je constate autour de moi procèdent à partir de quelque chose. Si je pouvais concevoir quelque chose sortant de rien, je commencerais à saisir le sens de Tout-Puissant.

Enfin, Il est Créateur de toutes choses. D’abord toutes les choses matérielles «  visibles », jusqu’au bout de la plus lointaine des galaxies. Saint Ignace de Loyola se tenait dehors la nuit à Rome, et regardait les étoiles pour absorber la leçon qu’elles ne cessent de donner de l’infinie puissance de Dieu. Ensuite toutes les choses spirituelles ou «  invisibles », telle que l’âme qui donne la vie, les facultés de raison et de libre arbitre à tout être humain durant sa vie ; sans parler de l’ordre immatériel des neuf Chœurs des anges. Doute-t-on qu’ils existent, parce qu’ils sont immatériels ? Mais doute-t-on qu’il faille bien plus d’une intelligence humaine pour organiser le mal tel qu’il s’étale autour de nous aujourd’hui ?

Toutefois, même si beaucoup de personnes sont prêtes à admettre que sans un Créateur rien ne pourrait accéder à l’existence, ce que peu de gens comprennent, c’est que l’action créatrice de Dieu se poursuit à chaque instant pour maintenir les choses dans l’existence. De sorte que, si Dieu cessait un instant de soutenir dans l’existence un être existant, celui-ci retomberait sur l’instant dans le néant. Une comparaison, servant de modèle, peut aider à faire comprendre cela. Pour démarrer un train électrique, le conducteur doit tirer vers lui ce qu’on appelle un « levier d’homme mort », et il doit continuer à le tirer vers lui pour que le train avance. Car ce levier fait partie d’un système de sécurité également appelé « veille automatique ». Le levier est rattaché à un ressort en sorte que si on le relâche, il rebondit automatiquement, provoquant l’arrêt du train. De cette façon, le train est protégé contre une marche incontrôlée si, par exemple, le conducteur est victime d’un malaise à son poste. Ainsi, le train démarre lorsqu’on tire le levier, mais il faut continuer à le tirer pour que le train continue à rouler.

De même, Dieu crée un être en lui conférant l’existence dès son premier instant. Mais cela ne servirait à rien si cet être n’était pas maintenu par cette action créatrice, ou si la créature n’était pas « conservée » pour la durée prévue de son existence. Comme la première traction sur le levier permet le démarrage du train, ainsi la prolongation de cette traction est nécessaire pour que le train continue d’avancer. Aussi la seule différence entre la création et la conservation d’une créature par Dieu est-elle la différence entre le premier moment de son existence et tout moment suivant. Ainsi, à chaque instant de mon existence, Dieu est actif en moi, créateur en moi, conservant à la fois mon corps et mon âme. Dieu est donc davantage présent à moi et à tout ce qui est en moi plus que je ne le suis à moi-même, car Il opère en moi ce que Lui seul peut opérer, à savoir me tenir hors du néant. Comment pourrais-je encore douter de Sa Toute-Puissance ? Comment pourrais-je mettre en doute qu’Il soit proche de moi ? Ou qu’Il se soucie de moi ?

Kyrie eleison.

La Lettre des Trois Evêques

La Lettre des Trois Evêques on octobre 5, 2019

Un lecteur nous a demandé de bien vouloir publier les circonstances qui ont motivé la lettre du 7 avril 2012 adressée à Mgr Fellay et à ses deux Assistants par les trois autres évêques faisant alors partie de la Fraternité Saint Pie X. Cette lettre fait bientôt partie de l’histoire ancienne. Toutefois les lecteurs se souviendront peut-être du rôle important qu’elle a joué en attirant l’attention des catholiques Traditionnels sur le changement de direction important de la Fraternité qui se produisait en catimini depuis 15 ans et dont beaucoup ne s’apercevaient même pas. Mais en mars 2012, le Supérieur Général (SG) décida de jeter le masque et de de révéler son jeu au grand jour.

Ce mois-là, dans « Cor Unum » (magazine de la Fraternité paraissant trois fois par an et réservé aux prêtres) le SG écrivit que le temps était venu pour la Fraternité de réviser la politique de Mgr Lefebvre qui excluait tout accord pratique sans accord doctrinal préalable. Car, disait le SG, l’hostilité des ecclésiastiques romains envers la Tradition catholique s’affaiblissait, si bien que la Fraternité pouvait reprendre confiance dans les chefs de l’Église conciliaire. En fait, depuis le début des années 2000, de plus en plus de prêtres et de laïcs de la Tradition soupçonnaient un changement de cap de la part de la Fraternité. Et voici un texte du SG lui-même qui venait confirmer ces soupçons. Ce « Cor Unum » fit grand bruit au sein de la Fraternité.

Au Prieuré de la Fraternité à Londres, au cours d’un dîner, le rédacteur de ces « Commentaires » se demanda à haute voix s’il ne serait pas opportun d’écrire au SG une lettre de protestation contre ce changement de direction, aprês avoir envoyé cette lettre à Mgr Tissier pour qu’il en contrôle le contenu. Un confrère, présent au dîner, suggéra de soumettre la lettre également à Mgr de Galarreta, car adressée ainsi au Siège de la Fraternité, cette missive revêtirait le caractère d’une protestation commune contre une déviation bien grave par rapport au principe que l’Archevêque fondateur n’avait cessé d’enseigner et de pratiquer : « Doctrine d’abord ». Le confrère avait raison. C’est ainsi que naquit l’idée d’ une lettre des trois évêques. Consulté sur le projet, Mgr Tissier souhaita qu’une ébauche de la lettre lui fût envoyée, et l’ayant lue, il lui donna son approbation enthousiaste. Le projet fut ensuite soumis à Mgr de Galarreta qui l’approuva également, mais il la renforça considérablement en en réécrivant la dernière partie. Le texte final fut ensuite signé par les trois évêques et envoyé par la poste à Menzingen, siège de la Fraternité, en trois exemplaires, à l’attention du SG et de ses deux Assistants.

Une semaine plus tard, la réponse arrivait. Ce n’est pas pour rien que la Maison Générale, ayant changé d’orientation, en cachait à la Fraternité en général le changement. Le Conseil Général se déclarait profondément persuadé que la Rome conciliaire était en train de devenir de plus en plus catholique, au point que les graves réserves de Mgr Lefebvre quant à la coopération avec les Néo-modernistes romains étaient en fait dépassées. En 1988, l’Archevêque avait dit au cardinal Ratzinger que toute coopération était impossible, parce que la FSSPX et Rome travaillaient dans des directions diamétralement opposées : Rome voulait déchristianiser la société alors que la FSSPX s’efforçait de la rechristianiser. Mais en 2012, la Maison Générale se montrait catégorique sur le fait que la situation avait évolué, si bien qu’en s’opposant aux trois évêques, ils ne s’opposaient pas à l’archevêque. Telle était la teneur de la lettre. Mais que penserait Mgr Lefebvre au sujet de la trahison actuelle du pape François ? Plutôt, que ne dirait-il pas maintenant ? Eh bien, dans un livre paru récemment relatant plusieurs entretiens avec Mgr Fellay, ancien SG, celui-ci récusait avec force jusqu’à la moindre critique à l’encontre du pape François.

C’est ainsi qu’ à une date convenue d’avance, en juin 2012, le SG se présenta à Rome, accompagné d’un adjoint de toute confiance pour sceller l’accord censé mettre un point final à une « inutile querelle », vieille de 37 ans, entre la FSSPX et Rome. Inutile, cette querelle ? N’étaient-ce donc que chamailleries ? La Rome conciliaire ne menait-elle pas, ne mène-t-elle pas toujours, une véritable guerre contre la Tradition catholique ? Évidemment, les Romains avaient eu connaissance de la lettre des trois évêques. Leur position, à l’arrivée de Mgr Fellay, était donc qu’il leur était inutile de vouloir piéger les dirigeants officiels de la Fraternité tant que les trois autres évêques auraient évité le piège. La Tradition ne risquait-elle pas de redémarrer de plus belle ? C’est pourquoi, en 2012, le SG s’en est retourné de Rome comme il y était venu : les mains vides. Sa tâche était de s’efforcer de ramener tout de suite les trois autres évêques dans le droit chemin. De fait, il n’a pas perdu une seconde.

Kyrie eleison.

Rosmersholm de Henrik Ibsen

<i>Rosmersholm</i> de Henrik Ibsen on septembre 28, 2019

Henrik Ibsen (1828–1906) est un célèbre auteur de théâtre norvégien. Beaucoup le considèrent comme le père de la dramaturgie moderne. Il n’était pas catholique. Néanmoins, ses pièces expriment une grande vérité. Or saint Augustin n’affirmait-il pas que toute vérité appartient aux catholiques ? (Parce que le Christ est « le Chemin, la Vérité et la Vie »). N’est-ce pas pour cette raison que les catholiques se trouvent parfois mieux placés que les non-catholiques pour apprécier les vérités que peuvent dire ces derniers ? La grande vérité d’Ibsen c’est de montrer que, même dans la Norvège de la fin du XIXe siècle, engoncée dans l’hypocrisie qui étouffait la vie et la joie sous le poids de traditions moribondes, l’esprit humain est encore capable d’élever une protestation ; il préfère même la mort à une existence prisonnière, dépourvue de liberté et de toute signification.

En quoi consiste cette protestation ? Prenons trois pièces dans lesquelles Ibsen passe du drame de la société moderne à l’analyse psychologique des personnages. Rosmersholm (1886) se termine par le double suicide du héros et de sa bien-aimée ; Solness, le constructeur (1892) se termine par la chute du héros du haut d’une tour qu’il était suicidaire d’avoir voulu escalader ; dans John Gabriel Borkman (1896) le héros meurt de froid lors d’une ascension quasi-suicidaire parmi les bois d’une montagne glacée. Dans chaque cas, le héros est toujours en lutte pour la liberté de l’esprit humain, toujours en butte à un monde qui s’acharne à étouffer cet esprit. Concentrons-nous sur Rosmersholm, dont une adaptation, récemment mise en scène à Londres, vient de remporter un grand succès. Ibsen n’est pas mort !

La trame d’un drame a toujours besoin d’un conflit. Dans Rosmersholm, ce conflit oppose, d’un côté, le vieux monde de la famille Rosmer et de son domaine : depuis 200 ans, cette lignée se distingue par ses officiers et ses pasteurs qui en étant de beaux exemples surent élever toute la région ; et de l’autre côté, on trouve un monde nouveau qui prône l’émancipation de toutes ces anciennes valeurs. Le personnage central de la pièce est le dernier rejeton de cette noble famille, John Rosmer, ancien pasteur. Mais il a perdu la foi et se trouve maintenant déchiré entre ces deux mondes. Il y a d’un côté le Dr Kroll, conservateur au cœur sec, qui tente de sauver la Norvège du libéralisme envahissant, mais dont la propre femme et les enfants versent dans ce libéralisme. On trouve de l’autre côté le rédacteur en chef du journal radical local, Mortensgaard. Ce personnage est au moins aussi désobligeant que Kroll dans ses tentatives pour attirer Rosmer de son côté. En théorie, ce nouveau monde, fait de joie et de liberté, a conquis Rosmer lui-même, grâce à l’influence de Rebekka West, jeune femme charmante, qui est sa compagne platonique depuis plusieurs années.

Le drame atteint son paroxysme lorsque Rosmer avoue à Kroll qu’il a perdu la foi et qu’il projette maintenant de soutenir publiquement les libéraux. Kroll passe alors à l’action, en employant des moyens plus ou moins équitables, voire déloyaux, pour dissuader Rosmer de faire don de sa personne et de son prestige à la pourriture du pays. Sous la pression de Kroll, Rebekka se rend compte qu’en croyant lutter pour libérer Rosmer de son milieu – noble, certes, mais étouffant – c’est en fait ce milieu de Rosmersholm qui l’a conquise. Finalement, la seule façon pour John et Rebekka d’atteindre cette liberté nouvelle tout en gardant l’ancienne noblesse, c’est de se jeter ensemble dans le moulin à eau de Rosmersholm. En d’autres termes, selon Ibsen, l’ancienne noblesse est sans joie, le nouveau conservatisme est sans cœur et la nouvelle émancipation ne vaut guère mieux. La mort reste la seule issue, la seule voie de recours encore possible aux yeux de ce couple pris au piège de ses contradictions.

Tout cela n’est-il qu’une sombre absurdité, sujet impropre pour les catholiques d’aujourd’hui ? Eh bien, non, au contraire. Ce drame présente en fait un portrait réaliste de notre monde actuel. Quand la foi se meurt, comme chez Rosmer et chez d’autres âmes qui se comptent aujourd’hui en milliards, alors le conservatisme déshonnête d’un Kroll finit par ne rien conserver ; la gauche d’un Mortensgaard est tout juste bonne à jeter l’huile de l’impiété sur l’incendie d’une société sans Dieu ; l’émancipation d’une Rebekka reste exsangue, si bien que l’instinct suicidaire du libéralisme prend le dessus. Pour avoir la vie en soi, et l’avoir en abondance (Jean X, 10), Rosmer doit d’abord recouvrer la foi de ses ancêtres ; c’est-à-dire qu’il doit, au-delà même de ses meilleurs ancêtres protestants, remonter jusqu’à ces ancêtres catholiques vraiment nobles qui firent la Norvège chrétienne. Alors que Rosmer devienne un vrai catholique, et tous les Kroll, les Mortensgaard et les Rebekka pourront voir la vraie solution, et la lumière du Christ pourra se rallumer dans toute la région.

Kyrie eleison.

La Famille Battue en Breche.

La Famille Battue en Breche. on septembre 21, 2019

Comme Dieu ne trouve presque personne dans le monde qui ne lui batte froid, Il se retire tout doucement ; du moins, pour le moment car Il va revenir avec force, c’est certain ! Mais en attendant, disparaît avec Lui la protection divine répandue sur le terreau destiné à la famille. Le plus grave de tout, c’est l’abandon de la famille par les hommes d’ Église qui la livrent sans protection aux attaques démoniaques venant de toutes parts. La meurtrissure est d’autant plus douloureuse lorsque l’attaque vient du cœur de la famille elle-même, de la part de certains de ses membres bien-aimés. C’est l’histoire dont nous parlons ci-après. Le cas, hélas, est loin d’être rare aujourd’hui. Un père de famille nous écrit :

J’ai eu avec ma femme dix enfants, dont trois sont maintenant adultes. Nous avons connu des moments difficiles et quelques tragédies, mais maintenant, elle m’a déclaré la guerre. Il y a environ 18 mois, bénéficiant du soutien total de son prêtre Novus Ordo et de quelques amis puissants, elle a entrepris des démarches judiciaires pour me faire partir de la maison et m’ éloigner de mes enfants. C’était incroyable et terriblement douloureux. Que cette persécution ait été essentiellement religieuse, cela s’est confirmé lorsqu’elle m’a offert de rester à la maison, mais séparé de corps, vivant au sous-sol, à la condition expresse que je signe un accord m’engageant juridiquement, selon lequel je renonçais à tout droit sur l’éducation religieuse et sur la formation de mes enfants. L’accord stipulait que nous ne devions plus aller dans une chapelle Traditionnelle et/ou communiquer avec toute personne soi-disant Traditionnaliste. Bien sûr, je ne pouvais pas signer un tel papier, mais son groupe a continué de nous harceler, mes enfants et moi, avec des arguties légales, et j’ai tout perdu : femme, maison, enfants, argent, voiture, assurance maladie, et presque entièrement mon entreprise. Comme mes enfants restaient forts dans la foi et qu’ ils ne cédaient pas aux comportements bizarres et aberrants de leur mère et qu’ ils préféraient rester avec moi, elle a engagé une équipe de « thérapeutes » pour leur « laver » le cerveau afin de les faire redevenir « normaux ». Elle les a fait entrer dans des écoles Novus Ordo et les a forcés à assister avec elle à la Messe Novus Ordo.

Voilà plus d’un an maintenant que je n’ai pas vu mes sept derniers enfants. Le plus jeune a presque 3 ans. Quant au six autres, ils s’échelonnent à des intervalles variant entre 18 et 24 mois ; le plus grand à 16 ans. Je n’ai aucun moyen de savoir ce qui se passe avec eux, s’ils gardent ou non la foi, parce qu’ils n’ont le droit ni de voir ni d’entendre personne d’autre que des libéraux du milieu Novus Ordo. Mes trois enfants plus âgés, adultes maintenant, ont pu communiquer avec moi. Nous sommes restés aussi proches que possible. L’aîné, qui était entré au séminaire et avait terminé sa philosophie, en est ressorti, peut-être à cause du choc causé par l’éclatement de la famille. Mais lui au moins garde une foi intacte, assiste à la Messe presque tous les jours et travaille bien dans le monde. Malheureusement, le second a avalé le poison lui faisant croire que l’université est seule à pouvoir assurer les moyens de gagner sa vie. Le troisième est en train de peser le pour et le contre pour savoir s’il doit aller à l’université. Mais il n’a pas perdu de vue la volonté de Dieu.

Dans cette rupture, mes propres défauts et mes fautes ont certainement pesé de tout leur poids. Dieu a un plan, je le vois. Il y a plusieurs années de cela, un prêtre Traditionnel m’a dit que nous avions une famille tellement catholique que le diable nous détestait certainement. A l’évidence, cette attaque furieuse de Satan n’a d’autre but que de détruire la foi de mes enfants et de me conduire au désespoir. Mais ma foi est encore forte et j’espère qu’à travers cette épreuve certains, beaucoup même, voire tous, nous ferons notre salut. Néanmoins, je ressens dans mon cœur plus de douleur que de joie. Alors que nous étions un bon exemple pour d’autres familles, nous sommes maintenant un objet de pitié et de dérision . . . . On me reproche mon « fanatisme » ; je passe pour un malade mental, un psychorigide, etc. Si je n’avais pas connu beaucoup d’âmes engagées dans la vraie foi, expliquant et dénonçant les maux actuels de l’Église et du monde, j’aurais été d’accord avec ma femme et avec son entourage ; j’aurais suivi un mode de vie facile, confortable, en accord avec la société. Néanmoins, je reste bien faible, et parfois je me demande si la Tradition ne relève pas de la bêtise : Comment un si petit reste de catholiques peut-il avoir raison ? Pourtant, il n’y avait que 12 Apôtres au tout début, et encore, l’un d’eux était un traître.

Une telle réaction de la part d’une mère de dix enfants n’est pas normale. Mais qu’est-ce qui est normal aujourd’hui ? Et comment un père peut-il défendre sa famille dans une crise de ce genre ? Mieux vaut prévenir que guérir, dit le proverbe. Quelle que soit la personne que le démon cherche à circonvenir dans une famille, le chapelet quotidien constitue la première ligne de défense. Au-delà, “ ce qui ne peut être guéri, doit être enduré », comme en témoigne ce père de famille catholique. Sachons placer toute notre confiance en Dieu.

Kyrie eleison.