modernisme

Consécrations Accomplies

Consécrations Accomplies on mai 20, 2017

Grâce, sans doute en partie, aux prières de nos lecteurs, les deux Consécrations, celle de Mgr Zendejas et celle de la Russie, se sont bien déroulées, les 11 et 12 mai respectivement à Vienne, en Virginie, aux États-Unis. Le 11 mai, la météo n’était pas brillante : il tombait des trombes d’eau. Mais la tente, parfaitement étanche, abritait environ 500 personnes venues de tous les États-Unis, quelques-unes d’encore plus loin. Le 12 mai, le temps s’est un peu rétabli pour la première Messe Pontificale du nouvel évêque, et pour la Consécration de la Russie devant une assemblée à peine plus réduite que la veille.

Nous avons tout particulièrement à remercier l’abbé Ronald Ringrose, curé Traditionnaliste de Vienne, car c’est sur sa paroisse que cette double Consécration a pu avoir lieu. Depuis plus de 30 ans, ce prêtre a maintenu la paroisse St Athanase, située à proximité de la capitale des États-Unis, comme un bastion de la Tradition catholique. Performance remarquable par ces temps si troublés dans l’Église catholique. “Ad multos annos”, dit notre Mère l’Église à ses fidèles serviteurs – Puisse l’apostolat de l’abbé Ringrose prospérer encore de nombreuses années.

Pour ce qui est du but et la portée de ces deux Consécrations, il importe d’être à la fois modeste et clair. Depuis Vatican II (1962–1965), lorsque les clercs catholiques firent en masse leur soumission au libéralisme (le culte de la liberté) et au modernisme (l’adaptation de l’Église de Dieu au monde moderne sans Dieu), l’Église s’est trouvée confrontée à de sérieux problèmes. En 1970, Monseigneur Lefebvre créa la Fraternité Saint-Pie X pour servir d’éclairage de secours à cette Église qui s’enténébrait. Mais voilà que ceux qui lui ont succédé à la tête de la Fraternité font tout ce qui est en leur pouvoir pour éteindre cet éclairage de secours. La consécration de Monseigneur Zendejas peut être comparée, modestement, à une bougie qu’on allume, ou à une allumette dont la lueur perce l’obscurité toujours plus épaisse. Il n’y a là aucune ambition de sauver ou de convertir la Néo-Eglise ou la Néo-Fraternité.

Ces consécrations visent plutôt de contribuer à sauver la Foi ancestrale qui reste au cœur de l’Eglise véritable et de la vraie Fraternité. En exerçant son ministère principalement aux États-Unis, quoique sans juridiction territoriale de nature officielle, Monseigneur Zendejas contribuera à soutenir bien des âmes qui ont la vraie Foi et qui veulent la garder. Au cas où quelque chose arriverait aux avions, on pourra toujours le rejoindre en voiture ou en train à partir de n’importe quel coin d’Amérique du Nord. Nous avons en lui un évêque relativement jeune, doté de la plénitude de l’Ordre, certainement valide, ce qui lui confère le pouvoir de confirmer ou d’ordonner, avec ou sans condition. Et il est, par la grâce de Dieu, au moins pour l’instant, lucide et sain d’esprit – en anglais, le mot « sanity » contient les trois quarts des lettres du mot « sanctity ». “ Prions pour qu’il demeure sain d’esprit pour de nombreuses années, ou du moins, jusqu’à ce qu’un pape véritablement catholique rallume les lumières dans l’Eglise. A ce moment-là, Monseigneur Zendejas remettra son épiscopat entre les mains de la Rome catholique, laissant le pape en faire ce qu’il lui plaira. En attendant, puisse notre nouvel évêque être comme une bougie qui brille dans les ténèbres ; qu’il soit une référence pour toute âme cherchant la Vérité complète et sans compromis.

Quant à la Consécration de la Russie, les quatre évêques présents y ont procédé la veille du centenaire de la première des grandes apparitions de Notre-Dame à Fatima. Ce faisant, ils n’ont point eu la prétention de remplacer la Consécration que le Pape en personne et les évêques du monde entier doivent faire pour accomplir ce que Notre-Dame a demandé. Ils ont été simplement animés par l’espoir qu’en faisant ce qui dépendait d’eux, avec le soutien de toutes les personnes présentes, ils pourraient contribuer à obtenir du Ciel les grâces nécessaires pour que le pape accomplisse enfin la Consécration de la Russie, exactement comme Notre-Dame l’a exigée depuis si longtemps. Cette Consécration finira bien par se faire, puisque Notre-Seigneur l’a dit en 1931. Alors, adviendra le Triomphe du Cœur Immaculé, si nécessaire et si longtemps retardé.

Kyrie eleison.

Lent Déclin – II

Lent Déclin – II on avril 1, 2017

La lettre originale venant des États-Unis, et résumée ici il y a une semaine, était bien plus longue que son résumé, où beaucoup de choses intéressantes ont été omises. Voici encore deux paragraphes précieux, sur la tournure que prennent l’éducation et les jeunes femmes dans la Tradition. La grande leçon qui en sort est toujours la même – si je ne vis pas à la hauteur de ce que je pense, ma pensée ne pourra pas ne pas baisser au niveau de ma vie. Patience. Le Bon Dieu ne demande pas l’impossible, mais Il s’attend bien à ce que nous fassions notre possible.

Peut-être est-ce le domaine de l’éducation où le modernisme entame plus qu’ailleurs le mouvement de la Tradition. Toutes sortes de pratiques modernes ont pénétré dans les écoles sans que personne ne semble s’en être aperçu. La philosophie pédagogique et psychologique des années ‘50 et ‘60 s’y est introduite, suivie de tous les mots à la mode et de tout l’attirail qui lui correspond. Les professeurs ancien style sont devenus le problème. Toute une armée moderne d’administrateurs, de spécialistes en programmes scolaires, d’experts en éducation, de psychiatres pour enfants, etc., est maintenant aux commandes, et elle promet de tout améliorer du côté surtout du monde, par exemple pour les résultats d’examens, l’entrée aux universités, et les carrières bien payantes. Il devient d’autant plus difficile de distinguer les écoles supposément Traditionnelles des écoles publiques.

La révolution sociale qui pénètre chaque jour plus dans les enfants de nos écoles se montre surtout dans les jeunes femmes. Il y a une nouvelle souche virulente de féminisme Traditionnel. Beaucoup de nos filles ont absorbé le poison moderne de vouloir être les concurrentes égales des hommes. Depuis très jeunes on les dresse contre les hommes. Elles veulent rivaliser avec eux, et elles pensent qu’elles peuvent faire presque tout ce que peut faire un homme. Elles pensent que seule la capacité physique doit limiter ce qu’elles peuvent faire. Et qu’est-ce qu’en dit la Tradition ? Elles n’en ont cure, ou presque. Elles avalent les mêmes mensonges qui ont déjà ruiné une ou deux générations de filles. Elles se font l’idée qu’elles peuvent bien réussir une carrière professionnelle, dans n’importe quel domaine, et en même temps être une bonne épouse et mère catholique. Dans les cercles de la Tradition on n’entend plus le vieux principe qu’une femme doit rester au foyer, il est même ouvertement méprisé. Et ce qui est le pire de tout, nos filles entendent ces choses non pas dans le monde mais chez nos propres fidèles. Il y a trop de femmes qui exercent une autorité publique dans nos écoles, et il y a trop de femmes qui enseignent. Voici en pratique la Révolution, et cela présente un exemple très mauvais à nos filles, qu’aucune prédication ne saura contrer. Et pourtant, à quoi profite-t-il qu’une femme s’habille modestement si elle agit en homme pour tout le reste, surtout socialement, économiquement et politiquement ? Il y a quelques années tout le monde savaient ces vérités-là, et pas seulement les Traditionnalistes, mais voilà qu’aujourd’hui on les promeut comme si elles font partie de la Tradition même.

Mais qu’est-ce qui est si mauvais à l’éducation moderne et à ses méthodes modernes ? Réponse, le cœur et l’âme de la vraie éducation, c’est la Foi catholique, ce qui signifie des adultes croyants qui profitent de l’autorité qui leur vient de la (vraie) Église pour transmettre aux enfants, par un contact humain, direct et vivant, d’abord comment arriver au Ciel, et ensuite comment mener une vie saine d’adulte qui n’empêche pas d’aller au Ciel. Car combien de ces «  administrateurs, spécialistes en éducation, psychiatres d’enfants, etc., » ont une expérience directe de la salle classe, encore moins la Foi ? Sans la Foi, la salle de classe actuelle est devenue une jungle, pleine de bêtes féroces. Il n’est guère surprenant si les «  experts » la fuient. Ils n’ont aucune idée ni la capacité de former quiconque.

Et qu’est-ce qui est si mauvais aux femmes modernes ? Les hommes modernes, qui leur ont permis de se déchaîner. Dieu a fait les femmes pour être soumises à leurs hommes, même avant la Chute. Alors que peut faire une brave fille ? Prier St Joseph et Ste Anne qui ont tous les deux réussi un mariage céleste, pour trouver un mari qu’elle puisse respecter. Le bras de Dieu n’est point raccourci par la méchanceté des hommes (cf. Is. LIX, 1). Et les hommes ? Vos femmes vous obéiront d’autant plus facilement que vous-mêmes vous obéirez à Dieu (I Cor. XI, 3).

Kyrie eleison.

Lent Déclin – I

Lent Déclin – I on mars 25, 2017

Voici un témoignage (abrégé) venant des États-Unis. Il tape souvent dans le mille :—

On a voulu « changer l’image » de la Fraternité St Pie X. Résultat ? – elle n’est plus ce qu’elle était. Comme la Fraternité originale appartenait à l’Église catholique, ainsi la Néo-fraternité appartient à la Néo-église. Pour les anciens qui se souviennent de Vatican II, c’est du déjà vu, mais en pire, parce que cette fois-ci il n’y a même pas d’attaque directe contre la bonne doctrine, ni un Concile important, c’est par une transformation sociale que la révolution s’étend, lente et presque imperceptible.

En effet, les apparences de la Tradition se maintiennent, mais le Mouvement de la Tradition se change en douceur, du dedans. Extérieurement et du point de vue matériel les choses paraissent mieux réussies que jamais, avec toujours plus d’argent et de bâtiments, mais intérieurement et spirituellement on observe une décadence, parce que la maladie du modernisme gagne imperceptiblement les gens. Et une variété de symptômes indiquent que c’est bien le même modernisme, par exemple les jeunes prêtres de la Fraternité aux visages béats, tout comme les « prêtres de la paix » comme le grand Cardinal Mindszenty les a nommés, dans les années 1960 et 1970. Mais à ceux-ci manque la masculinité des prêtres qui les ont précédés, comme elle manque à des laïcs importants dans l’éducation.

Alors la Messe a beau être Traditionnelle, toute la culture autour est Novus Ordo. Les Traditionnalistes veulent préserver la Messe ancienne et les Sacrements et quelques-unes des bonnes mœurs du Catéchisme, mais en même temps ils veulent profiter de tout le reste que le monde moderne leur offre. Comme résultat on distingue à peine, en-dehors de la Messe et des Sacrements, entre les soi-disant Catholiques de la Tradition et leurs équivalents dans le monde moderne. Pour ce qui concerne le divorce, les annulations de mariage, les « filles-mères », etc., les statistiques sont pareilles. Si les Traditionnalistes veulent suivre le monde moderne, ils ne peuvent plus garder la religion ancienne. Il faut choisir.

Ce qui se passe, c’est que le Mouvement de la Tradition s’ouvre actuellement au monde pour devenir normal et se faire accepter, et le processus de la modernisation avance, lentement mais sûrement. Il y a une nouvelle génération de jeunes au pouvoir, et ils font tout changer. Les anciens irréductibles qui désormais gênaient ont été remplacés, et la Tradition a une nouvelle image, jeune, souriante, aimable. Voilà 50 ans que l’Église officielle a eu sa mise à jour, la Fraternité y passe aujourd’hui. La vieille génération qui a mené tant de batailles pour tout préserver se fait remplacer maintenant par une nouvelle génération qui n’a jamais connu le Novus Ordo, ni ce qui était derrière, et qui n’a jamais eu à se battre pour quoi que ce soit. Les jeunes d’aujourd’hui peuvent bien avoir été élevés isolés dans une bulle de la Tradition, sans connaître grand- chose de la guerre d’hier, origine de celle d’aujourd’hui. Avant le Concile Bella Dodd a rendu un témoignage célèbre que les Communistes avaient infiltré l’Église. Pouvons-nous être sûrs que la même chose n’arrive pas actuellement au mouvement de la Tradition ?

Cela devait arriver. N’étant ni infaillible ni indéfectible, la Fraternité passe maintenant par l’expérience d’il y a 50 ans de l’Église officielle – l’infiltration, le compromis, la désintégration et le même processus d’auto-démolition. Mgr. Lefebvre aurait remarqué tout de suite le changement radical, mais bon nombre des grenouilles dans la Fraternité n’ont même pas remarqué comment la température de l’eau monte. Monseigneur a « transmis ce qu’il a reçu » mais la nouvelle génération comment peut-elle transmettre ce qu’elle ne reçoit plus ? C’est pour cela que nous entendons que la « réconciliation inévitable » est imminente. La Fraternité sera acceptée comme partie de la Néo-église, et inversement elle devra accepter la Néo-église. Elle ne sera plus qu’une des nombreuses chapelles latérales dans le Panthéon du Nouvel Ordre Mondial. Et quant à la « réconciliation », de quel côté des deux s’est-on rendu à l’autre ? L’Église Conciliaire est-elle devenue catholique ? Absolument pas !

Kyrie eleison.

Conte de Fée ?

Conte de Fée ? on février 4, 2017

Il était une fois une jeune fille vierge (FSSPX) qui avait été très bien élevée par son digne père (Mgr Lefebvre). Celui-ci l’avait bien mise en garde contre Don Juan (Papes Modernistes). Pendant des années cette jeune vierge fut sérieuse et prudente, et elle résista aux avances de Don Juan. Hélas, un jour son père bien-aimé mourut. La jeune vierge hérita de sa fortune. Pendant quelque temps, elle demeura fidèle aux préceptes de son père. Entourée par un cercle d’autres vierges sages et prudentes (membres de la FSSPX anti-libéraux), elle continua de dépenser sa fortune à s’occuper des orphelins (les fidèles Tradis).

Mais le temps passait. La jeune vierge n’était plus aussi jeune. Elle commençait à craindre de devenir trop vieille pour se marier. Elle avait peur de demeurer seule à carder sa laine et à faire ses broderies. La pauvre ! Elle voulait tant être aimée, avoir ses propres enfants légitimes (tradis reconnus par Rome). Elle voulait porter plus de fruits que seulement ceux de sa charité pour les orphelins. Elle se fatiguait de la monotonie de sa vie. Elle souffrait des moqueries et injures des voisins qui souhaitaient son mariage (les conservateurs et ralliés).

Or Don Juan, quoiqu’il eût prouvé maintes et maintes fois sa perversité, et qu’il eût déjà ruiné et déshonoré de multiples vierges (les Communautés ralliées), était l’héritier de la plus grande famille du Royaume, avec le titre de Vice-Roi (Vicaire du Christ). Après avoir étudié attentivement le caractère et la vertu de la jeune vierge, il adopta une tactique spéciale de séduction : Il décida de faire appel aux sentiments les plus élevés de la jeune fille. Il commença par reconnaître qu’il était loin d’être parfait. Qu’il avait même commis des erreurs. Il demanda même à la jeune vierge de le rencontrer pour discuter des problèmes. La jeune fille en profita pour lui dire tout ce qu’elle pensait de lui et de ses amis (discussions de 2009–2011). Pendant longtemps (2006–2012) elle lui répéta même publiquement qu’un mariage était impossible sans sa conversion préalable.

Et c’est là que Don Juan eut une idée de génie ! Il dit à la jeune vierge qu’elle n’était pas comme les autres jeunes filles qu’il avait eues auparavant. Que sa résistance opiniâtre lui avait ouvert les yeux. Qu’elle seule pouvait lui guérir ses plaies (les désastres post-conciliaires) et le faire changer et se convertir pour de bon !

La jeune fille décida de prendre conseil de ses amies. Elle les réunit donc au château de son père (Écône, 2012). Malheureusement pour elle, elle avait auparavant exclu de son cercle intime les vierges prudentes que son défunt père lui avait données comme compagnes (un évêque et les prêtres de la Résistance). Ses nouvelles amies qu’elle avait choisies elle-même, des vierges folles, furent intoxiquées à la pensée d’un mariage de leur amie avec le Vice-Roi. Elles la convainquirent donc (Chapitre Général de 2012 et après) qu’il fallait l’épouser afin de le convertir et le sauver ! Elles dirent à la jeune vierge qu’elle pourrait transformer son mari, comme Ste Clotilde avait transformé Clovis. Elles lui dirent aussi que le seul désir de Don Juan d’être aidé par la jeune vierge était déjà une forme de conversion !

Pendant ce temps, Don Juan continuait son entreprise de séduction, entretenant des contacts et discussions avec la jeune vierge et ses amies proches. Malgré les reproches et les avertissements répétés des vierges sages, qui vivaient maintenant dans la forêt autour du château paternel, leur ancienne amie avait fait son choix ! Elle croyait aux paroles du Vice-Roi ! Elle croyait aux arguments des vierges folles ! Oui, elle, et elle seule, allait réussir à sauver Don Juan de lui-même ! Sûrement que son bon vieux père aurait approuvé son apostolat !

La pauvre ! Elle n’était plus réaliste ! Elle ne comprenait pas que c’était la nature elle-même du Vice-Roi qui était viciée ! Elle ne voyait pas que cette mauvaise nature allait l’empoisonner elle aussi, ainsi que ses futurs enfants et les orphelins du château ! Et dans la forêt autour du château, les pauvres vierges prudentes grelottaient de froid et se frappaient la poitrine ! En se lamentant de façon déchirante, elles évoquaient et invoquaient le fantôme du bon père défunt. Eheu ! Vah ! Utinam ! Si seulement il revenait ! Hélas ! Seuls les gémissements lugubres du vent d’hiver leur répondaient. Erat autem nox . . .

Kyrie eleison.

Mgr Fellay – III.

Mgr Fellay – III. on août 20, 2016

À la lecture des deux récents numéros de ces Commentaires sur l’état d’esprit du Supérieur Général de la Fraternité Saint Pie X derrière sa poussée implacable vers un accord purement pratique avec les autorités de l’Église de Rome, un bon ami m’a rappelé que les idées qui l’inspirent il les avait exposées il y a quatre ans dans sa Lettre du 14 avril 2012 où il répondait aux trois autres Évêques de la Fraternité qui le mettaient sérieusement en garde contre tout accord purement pratique avec Rome. Aujourd’hui, plusieurs lecteurs de ces Commentaires ont peut-être oublié, ou n’ont jamais connu cet avertissement, ni la réponse de Mgr Fellay. De fait, cet échange de lettres en dit long sur un différend capital. Voici les lettres, en résumé cruellement bref comme d’habitude, avec un commentaire également bref –

La principale objection des trois Évêques contre tout accord pratique avec Rome sans accord doctrinal fut la profondeur du gouffre doctrinal entre la Rome conciliaire et la Fraternité traditionnelle catholique. Moins d’un an avant sa mort, Mgr Lefebvre disait que plus on analyse les documents de Vatican II et l’après-Concile, plus on se rend compte que le problème est moins telle ou telle erreur classique en particulier, même la liberté religieuse, la collégialité ou l’œcuménisme, qu’une « totale perversion de l’esprit » en général, qui sous-tend toutes les erreurs particulières et qui procède d’une « toute nouvelle philosophie fondée sur le subjectivisme ». Et quant à l’argument-clé de Mgr Fellay que les Romains ne sont plus hostiles mais plutôt bienveillants envers la Fraternité, les trois Évêques répondirent avec une autre citation de l’Archevêque : une telle bienveillance n’est qu’une « manœuvre », et rien ne saurait être plus dangereux pour « nos fidèles » que de « nous remettre entre les mains d’Évêques conciliaires et de la Rome moderniste ». Les trois Évêques conclurent qu’un simple accord pratique déchirerait la Fraternité et la détruirait.

À cette objection profonde, aussi profonde que le gouffre entre le subjectivisme et la vérité objective, Mgr Fellay répondit (cherchez Mgr Fellay, 14 avril 2012 sur Internet) :— 1 que les Évêques étaient « trop humains et fatalistes ». 2 L’Église est guidée par le Saint-Esprit. 3 Derrière la réelle bienveillance de Rome envers la Fraternité, il y a la Providence de Dieu. 4 Affirmer que les erreurs du Concile constituent une « super-hérésie » est une exagération déplacée, 5 qui conduira logiquement les Traditionnalistes au schisme. 6 Pas tous les Romains ne sont modernistes, car il y en a de moins en moins qui croient en Vatican II, 7 au point où si Mgr Lefebvre était encore en vie, il n’hésiterait pas à accepter ce qu’offre Rome actuellement à la FSSPX. 8 Dans l’Église, il y aura toujours du froment et de la bale, en sorte que la bale conciliaire n’est pas une raison de reculer. 9 Combien j’aurais aimé recourir à vous trois pour me faire conseiller, mais chacun de vous, de façon différente, « avez fortement et passionnément refusé de me comprendre », et vous m’avez même menacé en public. 10 Opposer la Foi à l’Autorité est « contraire à l’esprit sacerdotal ».

Et finalement, le plus bref des commentaires sur chacun des arguments de Mgr Fellay –

1 « Trop humain » ? Comme le disait Mgr Lefebvre, le grand gouffre en question est philosophique (naturel) plutôt que théologique (surnaturel). « Trop fataliste » ? Les trois Évêques furent plutôt réalistes que fatalistes. 2 Est-ce que les hommes d’Église conciliaires sont guidés par le Saint-Esprit lorsqu’ils détruisent l’Église ? 3 Derrière la réelle malveillance de Rome est sa ferme résolution de dissoudre la résistance à la nouvelle religion Conciliaire de la part de la Fraternité – comme de tant d’autres congrégations Traditionnelles avant elle ! 4 Seuls les subjectivistes eux-mêmes ne peuvent voir la profondeur du gouffre entre le subjectivisme et la Vérité. 5 Les Catholiques objectivistes qui s’accrochent à la Vérité sont loin du schisme. 6 Les Francs-maçons tirent les ficelles à Rome. Tout non-moderniste n’y a aucun pouvoir réel. 7 Croire que Mgr Lefebvre aurait accepté l’offre actuelle de Rome est complètement le méconnaître. Le problème à la base est devenu bien pire qu’à son époque. 8 La cuillère de Mgr Fellay est bien trop courte pour qu’il soupe en sécurité avec les diables (objectifs au moins) romains. 9 Les trois Évêques comprirent parfaitement Mgr Fellay, mais il ne voulut pas entendre ce que tous les trois avaient à lui dire. Se croit-il infaillible ? 10 Saint Paul, c’est sûr, s’imagina que l’Autorité peut s’opposer à la Foi – Gal. I, 8–9 ; II, 11. Saint Paul manquait-il de « l’esprit sacerdotal » ?

Kyrie eleison.

Mgr Fellay – II.

Mgr Fellay – II. on août 13, 2016

Une erreur n’est jamais convenablement réfutée tant qu’elle n’est pas déracinée. En d’autres mots, pour vaincre une erreur il faut montrer non seulement qu’il s’agit d’une erreur mais encore la raison pour laquelle c’est une erreur. Supposons, avec le Commentaire de la semaine dernière, que le Communiqué du Supérieur Général de la Fraternité Saint Pie-X du 28 juin dernier, en regardant vers les prêtres pieux de la Fraternité pour résoudre la crise de la Foi dans l’Église, commet l’erreur de mettre la charrette de la prêtrise avant le cheval de la Foi. Montrons alors ici que cette erreur a sa racine dans la dévaluation de l’esprit presque universelle aujourd’hui, ainsi que dans la surévaluation de la volonté, ayant pour résultat même inconscient le mépris de la doctrine (à l’exception de la doctrine des Beatles, « All you need is luv »).

Déjà vers le début du Communiqué s’esquisse cette erreur lorsqu’il affirme que le principe central qui est condamné dans Pascendi, condamnation magistrale du modernisme par Pie-X, est celui de « l’indépendance ». Non. Le principe qu’il condamne constamment comme étant à la racine du modernisme est plutôt l’agnosticisme, la doctrine qui nie que l’esprit puisse savoir quoi que ce soit au-delà de ce qui apparaît aux sens. Cette impuissance est suivie par l’indépendance de l’esprit par rapport à son objet, laquelle est suivie à son tour par la déclaration d’indépendance de la volonté envers tout ce dont elle ne veut pas dépendre. C’est dans la nature des choses que l’esprit doit d’abord être ainsi suicidé avant que la volonté ne puisse déclarer son indépendance. Ainsi, lorsque le Communiqué met l’indépendance avant l’agnosticisme au cœur de Pascendi, cela indique que le Communiqué fait plutôt parti du problème de l’Église que de sa solution.

Et d’où vient à son tour cette dégradation de l’esprit et de la doctrine ? En premier de Luther qui qualifia la raison humaine de « prostituée », et qui plus que quiconque mit la chrétienté sur le chemin sentimental qui a mené à son autodestruction d’aujourd’hui. Mais cela prit plus de 500 ans ? Oui, car il y a eu de la résistance naturelle et catholique en chemin. Mais Luther avait raison lorsqu’il a dit au Pape qu’il finirait par le détruire – «  Pestis eram vivus, functus tua mors ero, Papa  » – Une plaie pour Vous j’ai été lorsque j’étais en vie, Mais une fois mort, ô Pape, je serai Votre mort.

À cette radicale et gigantesque erreur de la dégradation de l’esprit et de la doctrine, on peut attribuer deux sous-erreurs dans le cas de l’auteur du Communiqué du 28 juin : premièrement, son incompréhension de Mgr Lefebvre et, deuxièmement, sa trop grande compréhension de Madame Cornaz (nom de plume Rossinière).

Comme beaucoup d’entre nous autres séminaristes à Écône lorsque Mgr Lefebvre y présidait, Bernard Fellay était à juste titre enchanté et émerveillé par l’exemple extraordinaire sous nos yeux de ce que peut et doit être un prêtre catholique. Mais la colonne vertébrale de la prêtrise de Monseigneur et de son combat héroïque pour la Foi n’était pas sa piété – nombre de modernistes sont « pieux » – mais sa doctrine, doctrine de la prêtrise éternelle, profondément allergique au libéralisme et au modernisme. Et ce n’est pas Monseigneur qui disait que sa Fraternité sauverait l’Église. Ses prêtres devaient plutôt sauvegarder les trésors sans prix de l’Église pour des jours meilleurs.

La personne qui dit que les prêtres de la Fraternité sauveraient l’Église, comme l’Abbé Ortiz nous l’a rappelé, fut Madame Cornaz, une mère de famille de Lausanne en Suisse, dont la vie recouvrit presque tout le XXe siècle, et qui, entre 1928 et 1969, reçut des communications supposément du Ciel sur la façon dont les couples mariés devaient sanctifier la prêtrise ( !). Les communications recommencèrent en 1995 ( !) lorsqu’elle rencontra un prêtre de la Fraternité qu’elle persuada, et par lui Mgr Fellay, que c’étaient les prêtres de la Fraternité qui étaient destinés par la Providence à sauver l’Église en propageant ses « Foyers du Christ Prêtre ». De toute son autorité, le Supérieur Général soutint le projet, mais la réaction négative de bon nombre de prêtres de la Fraternité le fit rapidement y renoncer en public. Toutefois, en son for interne, les visions mystiques de Madame Cornaz de l’avenir exalté de la Fraternité sont-elles restées avec lui ? Cela semble possible. Tel Martin Luther King, le Supérieur Général « a un rêve ».

Kyrie eleison.