libéralisme

Madiran la Philosophie

Madiran la Philosophie on octobre 17, 2020

Dans la grande encyclique antimoderniste Pascendi, parue en 1907, Pie X commence par un exposé philosophique. Dans son livre ” L’hérésie du XXe siècle “, Jean Madiran fait de même. Car tous deux voient que la difficulté qu’éprouve un esprit moderne à comprendre le catholicisme est plutôt d’essence philosophique que théologique. C’est pourquoi la première des six Chapitres du livre de Madiran a pour titre  :” Préambule philosophique “.

Donc c’est de façon surprenante que Madiran lui-même dit, à ceux qui le liront, qu’ils peuvent ; s’ils le souhaitent, se dispenser de lire ce Préambule. Sans doute était-ce pour éviter d’infliger à ses lecteurs allergiques à l’absurdité, d’être exposés aux bêtises inimaginables que l’on enseigne aujourd’hui à “l’université”. En fait, la pensée du livre de Madiran est aussi étroitement liée à la vraie philosophie qu’elle est étrangère au “philosophisme” ou à la pseudo- philosophie d’aujourd’hui.

Mais comment et pourquoi la Foi surnaturelle serait-elle si dépendante de la philosophie, c’est-à-dire de l’étude rationnelle de toute réalité naturelle qui permet de faire passer, pour ainsi dire, le (vrai) bon sens d’un niveau amateur à un niveau professionnel ? Réponse : prenons l’exemple d’un bon vigneron. A priori, celui-ci ne dépend en rien de ses bouteilles en verre pour faire du bon vin. Mais les bouteilles doivent être propres et non fêlées, autrement il ne pourrait pas exercer son commerce. Si les bouteilles sont sales à l’intérieur, la saleté va gâter le goût du vin, aussi bon soit-il, si bien que le vigneron aux bouteilles sales ou fêlées va faire banqueroute. Mais, en tant que professionnel du vin, il s’assure naturellement qu’il dispose de bouteilles propres. Par rapport au vin, la bouteille en verre ne vaut presque rien lorsqu’elle est vide, mais il faut absolument qu’elle ne soit ni sale ni fêlée pour contenir le vin.

Or, la raison humaine est comme la bouteille. Elle n’est qu’une faculté naturelle, mais à la fin de la vie, elle est censée, sous peine de condamnation éternelle, contenir le vin surnaturel de la Foi (Mc XVI, 16). La Foi est ce don suprême de Dieu, par lequel la raison humaine est surnaturellement élevée pour croire. Mais lorsque la faculté de la raison se trouve faussée par des erreurs humaines ou des croyances erronées, alors, comme la bouteille salie, elle risque de gâter le vin divin de la Foi, pour divin qu’il soit. Car comme dans une bouteille la moindre saleté risque de gâcher le vin qu’elle contient  ; ainsi dans l’esprit humain, le subjectivisme représente une erreur si radicale qu’il gâche, en la subvertissant, toute vérité versée là-dedans et à plus forte raison, la Foi. La Foi catholique versée dans un esprit subjectiviste ne peut que très difficilement ne pas devenir moderniste, ne pas perdre l’esprit catholique Tel est l’enseignement de saint Pie X, de Marcel De Corte, Calderón et Madiran, et de tous ceux qui ont saisi l’ampleur de la malice objective d’un esprit subjectiviste.

Alors quelles preuves particulières Madiran avance-t-il pour démontrer que les évêques français des années 1960 avaient perdu l’esprit catholique ? Il part d’une déclaration officielle de décembre 1966 (p. 40) dans laquelle ils affirment que “pour un esprit philosophique”, les mots “personne” et “nature”, ont changé de sens. Or ces termes sont essentiels pour la vraie christologie (théologie catholique du Christ) depuis l’époque de Boèce (qui a élaboré la définition de “personne”) et de Thomas d’Aquin (qui a fait valoir le vrai sens du mot “nature”). Autrement dit, pour les évêques français, la philosophie moderne abandonne la philosophie classique de l’Église, ancrée dans la doctrine immuable de l’Église. Selon eux, « pour un esprit philosophique » le thomisme n’est plus qu’un discours obsolète et doit donc être écarté.

Or, dans une Église dont la doctrine a toujours correspondu aux réalités extra-mentales immuables, cette perspective des évêques français est proprement révolutionnaire. Elle ne peut que signifier, dit Madiran (43), qu’ils acceptent la révolution copernicienne de la philosophie d’Emmanuel Kant (1724–1804), qui a placé la “réalité” non plus à l’extérieur mais à l’intérieur de l’esprit. Pourtant (45, 46), il n’est nullement obligatoire d’accepter cette internalisation de la réalité sauf, bien sûr, dans la philosophie kantienne. Mais lorsqu’on part de prémisses kantiennes, fatalement on ne peut arriver qu’à des conclusions irréelles. Donc en choisissant moralement Kant plutôt que Thomas d’Aquin, les évêques français démontrent en fait leur apostasie implicite (50) et leur religion antinaturelle. Par son rejet du réel le kantisme inavoué de leur déclaration proclame leur indépendance vis-à-vis de la Vérité divine, sortie des mains de Dieu, et leur refus de l’Ordre qu’Il a implanté dans la nature (60–63).

Madiran conclut sa première partie en disant que le thomisme correspond à l’expérience humaine de tous les temps et de tous les lieux (66), tandis que le kantisme a mentalement jeté les évêques français à la dérive, à l’instar de l’époque moderne qu’ils cherchent tant à satisfaire (67).

Kyrie eleison.

La Malice du Modernisme – II

La Malice du Modernisme – II on mars 14, 2020

La malice du modernisme est un sujet immense dont les dimensions s’apparentent au vaste domaine de la révolte moderne du monde entier contre son Créateur. Au Moyen Âge, au terme d’un processus historique de plusieurs siècles, la chrétienté atteint le sommet de son ascension. Puis, elle bascule et entame sa chute. Le début de l’ascension se situe bien sûr en 33 après J.-C., lorsque Notre Seigneur, Verbe Incarné, fonda l’unique et véritable Église de Dieu par le Sacrifice de la Croix. On peut estimer que le Moyen Âge s’étend sur une période de mille ans, plus ou moins à partir du pontificat (590–604) de Grégoire le Grand, jusqu’à l’apparition du protestantisme et le début de l’ ère moderne en 1517.

Naturellement, la différence d’attitude de l’humanité envers le Christ et son Église avant et après le Moyen Âge est énorme : avant le Moyen Âge, le christianisme faisait de plus en plus ses preuves comme étant le meilleur fondement de la civilisation ; tandis qu’après le Moyen Âge, il avait largement fait ses preuves et il avait montré sa supériorité sur toutes les autres religions, et ceci, même s’il était refusé en pratique. Cela signifie que tous les expédients pour remplacer le catholicisme postérieurs au Moyen Âge se caractérisent par une hypocrisie grandissante, de plus en plus subtile, cherchant à se faire passer pour le substitut authentique du catholicisme.

Ainsi, Luther rejetait le catholicisme avec brutalité, tout en voulant faire croire que sa révolution était une « Réforme ». Après que l’Église catholique se fut débarrassée de Luther, les jansénistes révolutionnaires créèrent au 16ème siècle une forme protestante de catholicisme. Puis au 18e siècle, les jansénistes se muèrent à leur tour en libéraux, prétendant suivre dans la franc-maçonnerie un culte plus éclairé que celui des protestants et des catholiques réunis. Vers le début du 18e siècle, la véritable Église rejeta catégoriquement la franc-maçonnerie. C’est pourquoi les libéraux se déguisèrent au 19e siècle en catholiques libéraux, doctrinalement « actualisés », puis au 20e siècle, en catholiques « à la mode », doctrinalement plus avertis. Saint Pie X, dans Pascendi, diagnostiqua et condamna sans tarder le modernisme. Il n’empêche que ce modernisme, en continuant à se faire passer, avec une habileté consommée, pour un catholicisme « au goût du jour », emporta avec lui la quasi-totalité de l’Église au Concile Vatican II (1962–1965). Il faut croire que le déguisement était bien réussi car, au 21e siècle, même la Fraternité Saint Pie X, officiellement fondée pour résister au néo-modernisme, se trouve, elle aussi, emportée, ou presque.

Du point de vue de l’homme, il est consternant de voir la faiblesse de la résistance catholique en 2020, combien sont peu nombreux ceux qui tentent de s’opposer à cette montée des attaques de l’esprit diabolique contre l’Église. Mais si Dieu, dans son infinie sagesse, permet cela, il est certain, par ailleurs, qu’Il s’occupe toujours de son « petit troupeau », ainsi que Notre Seigneur lui-même l’a dit : « N’ayez pas peur, petit troupeau  ! Car il a plu à votre Père de vous donner le Royaume. Vendez vos biens et donnez-les en aumône. Prenez des bourses qui ne s’usent pas ; faites-vous un trésor inépuisable dans les cieux, là où les voleurs n’entrent pas, où les mites ne rongent pas. Car là où est votre trésor, là aussi sera votre cœur &#187 (Lc. XII, 32–34). En d’autres termes : renoncez à l’argent ; renoncez au matérialisme. Notre Seigneur nous prévient : vous ne pouvez servir deux Maîtres à la fois, en sorte que si nous servons Mammon, nous ne pourrons pas servir Dieu (Mt. VI, 24).

Et si nous reconnaissons combien nous sommes vulnérables aux erreurs subtiles, aux mensonges et aux blasphèmes du Diable qui submergent le monde autour de nous, alors comme antidote, prions le Rosaire de la Sainte Vierge et disons de préférence tous les 15 Mystères chaque jour, car il n’y a qu’Elle et Elle seule pour écraser Satan sous ses pieds, comme mainte image ou statue d’elle nous le rappelle. En effet l’invasion du mal est telle aujourd’hui que les 15 Mystères ne sont pas de trop, s’il est toutefois possible de les dire tous.

Mais comment donc une humble Vierge juive peut-elle en imposer à Satan, avec « toutes ses pompes et toutes ses œuvres » ? C’est là le secret de Dieu. Secret révélé néanmoins à la fois par Notre Seigneur : « Je te bénis, Père, Seigneur du ciel et de la terre, d’avoir caché ces choses aux sages et aux intelligents et de les avoir révélées aux tout-petits » (Mt. XI, 25), et par St Paul : « Dieu a choisi ce qui est fou dans le monde pour confondre les sages. Ce qu’il y a de plus faible dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi pour confondre les forts » (I Cor. 18–30). La semaine prochaine, nous jetterons un regard plus approfondi sur l’hypocrisie du modernisme.

Kyrie eleison.

La Malice Du Modernisme – I

La Malice Du Modernisme – I on mars 7, 2020

La Fraternité Saint Pie X n’a plus aujourd’hui le rôle exceptionnel de fer de lance qu’elle tenait dans la défense de la foi catholique à l’époque de Mgr Lefebvre (1905–1991). La raison en est que ses successeurs, maintenant à la tête de la Fraternité, n’ont jamais compris aussi bien que lui la profonde malice de l’erreur qui dévaste actuellement l’Église : le modernisme. De fait, le Fondateur de la FSSPX aurait dit vers la fin de ses jours que si seulement il avait lu plus tôt l’Histoire du catholicisme libéral en France de 1870 à 1914 de l’abbé Emmanuel Barbier (1851–1925), il aurait donné une orientation autrement plus anti-moderne aux études des séminaristes. Si cette remarque est authentique, elle laisse entendre que l’archevêque lui-même avait été dépassé par la malice du modernisme. De même, en Italie, le vaillant fondateur de la revue Si, Si, No, No, Don Francesco Putti (1909–1984), aurait dit à notre archevêque, dont il était l’ami : « La moitié de vos séminaristes sont des modernistes ».

En effet, sous-estimer la malice de la modernité est facile, car elle s’accumule en Occident depuis des siècles et les Occidentaux en sont imprégnés depuis le berceau jusqu’à la tombe. De cette modernité est né le modernisme dans l’Église, précisément pour qu’elle s’y adapte, et cette même modernité, dans les années soixante, a servi de toile de fond à tous les Pères du Concile puis, à partir des années quatre-vingt, aux successeurs de Mgr Lefebvre dans la Fraternité. En fait, ce n’est que par une grâce spéciale de Dieu que notre archevêque a pu voir le problème aussi clairement qu’il l’a fait. Montrons comment cette incapacité à comprendre le modernisme sous-tend la plupart des erreurs commises par les successeurs de Mgr Lefebvre –

I.) « 95% des textes de Vatican II sont acceptables ». Mgr Lefebvre déclarait au contraire, que le problème de Vatican II ne résidait moins dans les grandes erreurs de la liberté religieuse, de la collégialité et de l’œcuménisme que dans le subjectivisme imprégnant tous ses textes, si bien que la vérité objective, Dieu et la foi catholique finissent par se dissoudre dans le néant. Le subjectivisme coïncide avec cette révolution copernicienne opérée en philosophie par Emmanuel Kant (1724–1804) et dénoncée par Pie X dans Pascendi (1907). Au lieu d’enseigner que l’objet s’impose au sujet qui tourne autour de lui, cette philosophie prétend que l’objet dépend du sujet qui le fait tourner autour de sa personne. Et c’est autour de cette folie que tourne maintenant le monde entier.

2.) « Sans-doute le Concile était-il mauvais, mais aujourd’hui il perd de son emprise sur les prélats romains ». Ah bon ? ? Et la Pachamama ? Depuis quand a-t-on vu une pareille idolâtrie publique dans les jardins du Vatican et même dans les églises de Rome ?

3.) « Pourquoi la Fraternité attendrait-elle que Rome se convertisse et quitte officiellement le modernisme ? Car, si Rome est prête à nous accepter ‹ tels que nous sommes ›, cela signifie qu’elle est dans la voie de la conversion ; donc nous devrions parvenir à un accord sans trop tarder ». En effet, il est parfaitement inutile d’attendre que les modernistes romains se convertissent, car ils sont libéraux. Or, pour convertir un libéral (selon le père Vallet) il faut bien un miracle. Le libéralisme se présente sous un jour tellement avantageux, tellement confortable, que pratiquement, il est humainement impossible d’en sortir sans l’intervention d’un miracle. Or ce miracle, pour le monde comme pour l’Église, ce sera la Consécration de la Russie, et non une Fraternité à la traîne des libéraux. Au demeurant, si les libéraux romains acceptent « en l’état » la FSSPX autrefois récalcitrante, c’est uniquement parce qu’elle n’est plus anti-libérale comme autrefois ; c’est parce que le sel de la Fraternité a perdu sa saveur (cf. Mt. V, 13).

4 .) « Nous devons faire preuve de patience et user de tact pour comprendre le mode de penser des Romains, afin de ne pas les offenser ». Pour comprendre comment pensent ces modernistes de Rome, il faut à la fois beaucoup d’humilité et de réalisme, et des cours fracassants sur Pascendi afin d’être sûr de bien comprendre en quoi consiste le modernisme, ce virus insidieux et extrêmement contagieux. Ce dont ils auraient le plus besoin, s’ils pouvaient en supporter le choc, ce serait d’être offensés et blessés jusqu’à ce qu’ils se rendent compte de leur modernisme et qu’ils l’abjurent ; il faudrait qu’ils admettent ce qu’écrivait le père Calmel : « Un moderniste est un hérétique doublé d’un traître ».

5.) « Aucun accord en bonne et due forme n’a été signé entre Rome et la Fraternité, donc aucun mal n’a été fait ». Une série d’accords partiels, par exemple sur les confessions ou sur les mariages, a causé un tort immense, car un grand nombre de prêtres et de laïcs de la Fraternité comprennent de moins en moins ce que voulait dire leur Fondateur lorsqu’il écrivait dans son dernier livre que tout prêtre souhaitant garder la Foi devait se tenir à l’écart des Romains. Ils sont peut-être « gentils » ; ils peuvent être remplis de « bonnes intentions » . . . mais, objectivement, ce sont eux les assassins de notre Mère l’Eglise.

Kyrie eleison.

Pape Indispensable – I

Pape Indispensable – I on février 1, 2020

Année après année, le temps passe sans que rien dans l’Eglise ne semble corriger l’absurdité de la situation. Mais les catholiques fidèles à la Tradition n’arrivent pas à comprendre pourquoi les prêtres de la Tradition continuent leurs disputes. Pourquoi ne s’unissent-ils pas ? Ne croient-ils pas tous en la même Tradition de l’Eglise ? Ne sont-ils pas tous d’accord pour dire que Vatican II a été un désastre pour l’Eglise ? Et ne sont-ils pas tous conscients que se battre entre prêtres est un spectacle peu édifiant, propre à décourager les fidèles de la Tradition ? Pourquoi ne peuvent-ils pas oublier leurs différends et se concentrer sur ce qui les unit : sur ce que l’Eglise fait et enseigne depuis toujours pour le salut des âmes ? A cette question, il y a une réponse. Peut-être est-il nécessaire de la leur rappeler régulièrement, pour aider les catholiques à persévérer dans la Foi.

Nous partons de l’idée que, dans l’histoire de l’Église, cette crise n’a rien de normal. Elle est en fait un passage obligé dans le seul et unique parcours conduisant vers la seule et unique fin du monde. Pour tirer au clair la structure de cette crise, s’il y a une paire de mots à laquelle recourent ces « Commentaires » c’est bien : « Vérité » et « Autorité ». La crise remonte à un passé bien antérieur à Vatican II, notamment à la « Réforme » déclenchée par Luther (1483–1546). Mais alors que, jusqu’à Vatican II, l’Église catholique se battait pour empêcher que le poison protestant ne pénétrât dans l’Église, voilà que depuis Vatican II la plus haute Autorité catholique, deux Papes et 2000 évêques, abandonnent la lutte et permettent au poison de mettre à mort l’Eglise. Et si les textes du Concile sont caractérisés par l’ambiguïté, c’est qu’à l’époque il fallait maintenir quelque apparence catholique. Mais sous cette apparence la véritable poussée des textes, le fameux « esprit du Concile », est vers l’intégration dans l’Eglise du libéralisme et du modernisme qui ont fait suite au protestantisme, si bien que tout ce qui reste encore de catholicisme en sera éliminé dès que ce reste de catholicisme se sera laissé suffisamment ramollir.

Essentiellement, cela signifie qu’au Concile l’Autorité Catholique a abandonné la Vérité Catholique au profit d’une doctrine plus en accord avec son temps. C’est pourquoi l’Autorité catholique se trouve maintenant séparée de la Vérité. Aux catholiques qui veulent rester catholiques, ne se présente plus qu’une seule et terrible alternative : soit ils adhèrent à l’autorité de l’Église, depuis le Pape jusqu’en bas de la hiérarchie, et du même coup, ils renoncent à la doctrine catholique ; soit ils adhèrent à la doctrine et se mettent en porte à faux vis-à-vis de l’Autorité catholique. A moins qu’ils ne choisissent une des nombreuses positions intermédiaires entre ces deux pôles. Dans tous les cas, les brebis sont dispersées, sans que de leur part il n’y ait eu de faute comparable à celle des deux principaux Bergers et des 2 000 autres bergers qui en tant que responsables du Concile ont entériné la trahison de la Vérité de l’Église par l’Autorité de l’Église. C’est dans cette fracture, opposant l’Autorité à la Vérité, que se trouve le cœur de la crise, maintenant vieille d’un demi-siècle.

Or, pour la seule vraie religion du seul vrai Dieu, la Vérité est vitale, et l’Autorité est tout aussi essentielle pour la protection de cette unique Vérité contre les blessures du péché originel intrinsèques à la nature humaine. Alors, pour résoudre la crise et mettre fin à la schizophrénie et à la dispersion des brebis, la seule solution possible est le retour du Berger et des bergers, du Pape et des évêques, à la Vérité catholique. Mais pour cela, l’heure n’a certainement pas encore sonné, ni dans l’Église ni dans la Fraternité Saint Pie X, laquelle – selon toute apparence – ne trouve rien de mieux que de vouloir se remettre sous l’autorité des ecclésiastiques conciliaires. (Et Mgr Lefebvre ? « Il est mort », diront certains !)

Donc, en attendant que le Bon Dieu remette le Pape sur pied – et personne de moins que Lui ne peut le faire – et qu’à son tour, le Pape « une fois converti, fortifie ses frères » (Lc.XXII, 32), c’est-à-dire redresse les évêques de par le monde ; en attendant cela, la crise ne peut qu’empirer. D’ici là, nous devrons comprendre cette leçon et attendre que Dieu nous prenne en pitié. Et d’ici là, comme le dit un proverbe anglais, « Ce qui ne peut être guéri, doit être supporté ».

Kyrie eleison.

Rosmersholm de Henrik Ibsen

<i>Rosmersholm</i> de Henrik Ibsen on septembre 28, 2019

Henrik Ibsen (1828–1906) est un célèbre auteur de théâtre norvégien. Beaucoup le considèrent comme le père de la dramaturgie moderne. Il n’était pas catholique. Néanmoins, ses pièces expriment une grande vérité. Or saint Augustin n’affirmait-il pas que toute vérité appartient aux catholiques ? (Parce que le Christ est « le Chemin, la Vérité et la Vie »). N’est-ce pas pour cette raison que les catholiques se trouvent parfois mieux placés que les non-catholiques pour apprécier les vérités que peuvent dire ces derniers ? La grande vérité d’Ibsen c’est de montrer que, même dans la Norvège de la fin du XIXe siècle, engoncée dans l’hypocrisie qui étouffait la vie et la joie sous le poids de traditions moribondes, l’esprit humain est encore capable d’élever une protestation ; il préfère même la mort à une existence prisonnière, dépourvue de liberté et de toute signification.

En quoi consiste cette protestation ? Prenons trois pièces dans lesquelles Ibsen passe du drame de la société moderne à l’analyse psychologique des personnages. Rosmersholm (1886) se termine par le double suicide du héros et de sa bien-aimée ; Solness, le constructeur (1892) se termine par la chute du héros du haut d’une tour qu’il était suicidaire d’avoir voulu escalader ; dans John Gabriel Borkman (1896) le héros meurt de froid lors d’une ascension quasi-suicidaire parmi les bois d’une montagne glacée. Dans chaque cas, le héros est toujours en lutte pour la liberté de l’esprit humain, toujours en butte à un monde qui s’acharne à étouffer cet esprit. Concentrons-nous sur Rosmersholm, dont une adaptation, récemment mise en scène à Londres, vient de remporter un grand succès. Ibsen n’est pas mort !

La trame d’un drame a toujours besoin d’un conflit. Dans Rosmersholm, ce conflit oppose, d’un côté, le vieux monde de la famille Rosmer et de son domaine : depuis 200 ans, cette lignée se distingue par ses officiers et ses pasteurs qui en étant de beaux exemples surent élever toute la région ; et de l’autre côté, on trouve un monde nouveau qui prône l’émancipation de toutes ces anciennes valeurs. Le personnage central de la pièce est le dernier rejeton de cette noble famille, John Rosmer, ancien pasteur. Mais il a perdu la foi et se trouve maintenant déchiré entre ces deux mondes. Il y a d’un côté le Dr Kroll, conservateur au cœur sec, qui tente de sauver la Norvège du libéralisme envahissant, mais dont la propre femme et les enfants versent dans ce libéralisme. On trouve de l’autre côté le rédacteur en chef du journal radical local, Mortensgaard. Ce personnage est au moins aussi désobligeant que Kroll dans ses tentatives pour attirer Rosmer de son côté. En théorie, ce nouveau monde, fait de joie et de liberté, a conquis Rosmer lui-même, grâce à l’influence de Rebekka West, jeune femme charmante, qui est sa compagne platonique depuis plusieurs années.

Le drame atteint son paroxysme lorsque Rosmer avoue à Kroll qu’il a perdu la foi et qu’il projette maintenant de soutenir publiquement les libéraux. Kroll passe alors à l’action, en employant des moyens plus ou moins équitables, voire déloyaux, pour dissuader Rosmer de faire don de sa personne et de son prestige à la pourriture du pays. Sous la pression de Kroll, Rebekka se rend compte qu’en croyant lutter pour libérer Rosmer de son milieu – noble, certes, mais étouffant – c’est en fait ce milieu de Rosmersholm qui l’a conquise. Finalement, la seule façon pour John et Rebekka d’atteindre cette liberté nouvelle tout en gardant l’ancienne noblesse, c’est de se jeter ensemble dans le moulin à eau de Rosmersholm. En d’autres termes, selon Ibsen, l’ancienne noblesse est sans joie, le nouveau conservatisme est sans cœur et la nouvelle émancipation ne vaut guère mieux. La mort reste la seule issue, la seule voie de recours encore possible aux yeux de ce couple pris au piège de ses contradictions.

Tout cela n’est-il qu’une sombre absurdité, sujet impropre pour les catholiques d’aujourd’hui ? Eh bien, non, au contraire. Ce drame présente en fait un portrait réaliste de notre monde actuel. Quand la foi se meurt, comme chez Rosmer et chez d’autres âmes qui se comptent aujourd’hui en milliards, alors le conservatisme déshonnête d’un Kroll finit par ne rien conserver ; la gauche d’un Mortensgaard est tout juste bonne à jeter l’huile de l’impiété sur l’incendie d’une société sans Dieu ; l’émancipation d’une Rebekka reste exsangue, si bien que l’instinct suicidaire du libéralisme prend le dessus. Pour avoir la vie en soi, et l’avoir en abondance (Jean X, 10), Rosmer doit d’abord recouvrer la foi de ses ancêtres ; c’est-à-dire qu’il doit, au-delà même de ses meilleurs ancêtres protestants, remonter jusqu’à ces ancêtres catholiques vraiment nobles qui firent la Norvège chrétienne. Alors que Rosmer devienne un vrai catholique, et tous les Kroll, les Mortensgaard et les Rebekka pourront voir la vraie solution, et la lumière du Christ pourra se rallumer dans toute la région.

Kyrie eleison.

La Voix du Peuple – II

La Voix du Peuple – II on août 17, 2019

L’interview du Président Poutine donnée au Financial Times en juin dernier, partiellement résumée ici et que nous avons citée la semaine dernière, est désormais célèbre, car l’annonce prophétique selon laquelle « l’ idée libérale » a fait son temps et se trouve aujourd’hui dépassée, touche un point sensible chez les politiciens et les médias occidentaux. Ils ont réagi vivement, semblables à des fourmis dont la fourmilière a été dérangée avec un bâton. Que signifie cette prophétie, et qu’est-ce qui explique la réaction occidentale à celle-ci ? Afin de comprendre ce qui est au cœur de son propos, commençons par un résumé du résumé. L’interview originale aborde de nombreux thèmes, mais ce qui est dit sur le libéralisme est en effet le plus important des sujets abordés.

Le Président part du problème pratique que représente pour les peuples occidentaux l’immigration massive d’étrangers inassimilables dans leurs pays. Sur le terrain, le multiculturalisme ne fonctionne pas, tout simplement. Mais le libéralisme des élites qui sont à la tête de l’Occident, leur fait traiter l’ immigration non pas comme un problème, mais comme une avancée faisant partie du progrès. Si bien qu’ils ne font rien pour l’arrêter, ni la contrôler. Mais les États peuvent-ils survivre sans certaines règles humaines et sans ces valeurs morales fondamentales qui, en Occident, ont été tirées de la Bible ? Le mépris des élites libérales pour ces valeurs bibliques, encore vivantes parmi les peuples, prouve que leur libéralisme est déphasé par rapport à la réalité et se trouve désormais obsolète. Il est certes souhaitable que l’antilibéralisme ne se transforme pas à son tour en tyrannie, mais la mainmise actuelle des libéraux sur la politique et les médias occidentaux est déjà une véritable tyrannie, et elle doit prendre fin.

En bref, les valeurs libérales sont opposées aux valeurs bibliques. Les valeurs bibliques ont construit les nations occidentales. Donc les valeurs libérales sont en train de détruire ces pays. Il est donc temps que les valeurs libérales cessent de nuire à l’Occident. Sur ce point, Poutine a pleinement raison mais, parce que c’est un politicien et non un théologien, il ne peut donner à l’argument toute sa force ; il ne peut se fonder sur des absolus tels que le Dieu Tout-Puissant et les dix Commandements : Il doit se contenter d’invoquer la présence des valeurs bibliques encore en cours parmi les peuples occidentaux. Aujourd’hui, après 70 ans d’effroyables souffrances subies sous le communisme juif, le peuple russe revient au Christ de l’ Orthodoxie, si bien que Poutine peut s’appuyer sur le retour de son propre peuple aux valeurs bibliques. Mais trouve-t-on quoi que ce soit de chrétien dans la résistance des peuples occidentaux à l’immigration massive ? A peine. Par contre on y trouve une participation décisive des ennemis du Christ dans l’organisation et le financement de l’immigration massive. (Les lecteurs de ces « Commentaires » se souviendront peut-être des propos de Barbara Specter, Juive en Suède, qui se vantait du fait que c’est sa race qui est derrière l’immigration, « nécessaire pour sauver l’Europe » – entendez : pour la sauver du Christ).

Ainsi, lorsque Poutine fonde son argumentation pour les nations occidentales sur leur fidélité aux valeurs bibliques, qui peut nier que celles-ci s’érodent de plus en plus vite ? «  Soyez remercié, Monsieur le Président, de vouloir nous défendre comme vous le faites, mais en toute honnêteté, libéraux que nous sommes, nous n’apprécions guère votre défense. Nous aimons notre libéralisme parce qu’il nous donne la liberté de pécher comme bon nous semble. Vous essayez de nous sauver de nous-mêmes, mais nous vénérons Mammon (l’argent), et nous adorons notre liberté, égalité et fraternité. Nous choisissons d’aller en enfer. Ayez la bonté de nous laisser tranquilles. Nous avons mis des siècles à nous débarrasser de Dieu, et nous ne voulons pas qu’il revienne. » Telle est la réaction de l’Occident, implicitement sinon explicitement, à l’approche politique de Poutine. Il faudrait des apôtres de feu pour camper le besoin de la religion dans les termes les plus absolus :

De toute éternité, Dieu existe, immuable. Librement Il a choisi de créer des créatures spirituelles, les anges, et les hommes faits à partir de matière tirée de la terre, afin d’avoir des êtres avec qui partager Son bonheur infini. Mais Il n’a jamais voulu peupler Son Ciel de simples robots. C’est pourquoi, chaque créature spirituelle a reçu le libre arbitre et doit encore en faire usage pour passer avec Lui l’ éternité au Ciel plutôt que sans Lui en Enfer. Pourtant, un tiers des anges, tout comme le couple à l’origine du genre humain, ont préféré l’Enfer. Alors, Il a élu une race pour préparer à son divin Fils un berceau, afin que celui-ci revête la nature humaine et puisse réparer cette faute. Mais la race qu’Il s’était élue a crucifié son Fils. Et depuis, elle combat l’Église instituée par son Fils pour la rédemption des âmes jusqu’à la fin du monde. Ce combat est une guerre cosmique, jouant le rôle moteur dans les événements mondiaux.

Kyrie eleison.