Mgr Marcel Lefebvre

Des Discussions Difficiles – III

Des Discussions Difficiles – III on septembre 19, 2009

Deux objections mettent en relief la nature, les buts et les limitations des discussions doctrinales qui doivent s’ouvrir bientôt entre les autorités romaines et la Fraternité Saint-Pie X. Selon la première objection, la Doctrine Catholique n’est pas discutable. Selon la seconde, aucun Catholique ne peut prétendre discuter sur un pied d’égalité avec les représentants du Pape. Dans des circonstances normales, ces deux objections sont valables, mais nous ne sommes pas dans un temps normal.

En ce qui concerne la première objection, bien évidemment la doctrine Catholique inchangée et inchangeable ne peut pas être discutée. Le problème à présent, c’est que Vatican II a entrepris de la changer. Par exemple, un état catholique peut-il ou doit-il tolérer la pratique publique de religions fausses ? La Tradition Catholique dit que c’est le « peut » qui vaut, mais uniquement pour éviter un plus grand mal ou pour atteindre un plus grand bien. Par contre Vatican II dit que c’est le « doit » qui vaut, et ce en toutes circonstances. Mais si Jésus-Christ est reconnaissable comme étant Dieu incarné, alors pas plus que le « peut » n’est vrai. En revanche, si le « doit » est vrai, alors Jésus-Christ n’est pas nécessairement reconnaissable comme étant Dieu. Le « peut » et le « doit » sont aussi loin l’un de l’autre que Jésus-Christ Dieu par nature divine est loin de Jésus-Christ Dieu par choix humain. C’est toute la distance entre Jésus-Christ étant, et n’étant pas, objectivement, Dieu !

Et cependant, les autorités romaines d’aujourd’hui prétendent que la doctrine de Vatican II n’est pas en rupture mais en continuité avec le dogme Catholique. A moins donc – à Dieu ne plaise ! – que la Fraternité ne trahisse elle aussi le dogme Catholique, ce n’est pas discuter si Jésus est Dieu ou pas que la Fraternité entend faire, ni soumettre la doctrine Catholique à la discussion. Elle espère plutôt persuader tout Romain capable encore de l’entendre que la doctrine de Vatican II contredit gravement la Doctrine Catholique. Et même si très peu de ces Romains sont capables de l’entendre, la Fraternité estimera néanmoins qu’il aura été de son devoir de rendre ce témoignage à la Vérité.

Mais les autorités Romaines pourraient répondre : « Nous représentons le Pape. Comment osez-vous prétendre discuter avec nous ? » C’est la seconde objection ; et pour toute personne qui pense que la Rome Conciliaire est dans la Vérité, cette objection apparaît valide. Mais, c’est la Vérité qui fait Rome et pas Rome qui fait la Vérité. Notre Seigneur Lui-même a déclaré de façon répétée dans l’Évangile de St. Jean que sa doctrine n’est pas de lui mais de son Père (par exemple dans St Jean VII, 16). Mais alors, s’il n’est pas dans le pouvoir de Jésus de changer la Doctrine Catholique, encore moins est-ce dans le pouvoir de son Vicaire le Pape ! Si donc un Pape, par l’usage du libre-arbitre que Dieu lui a imparti, choisit de s’éloigner dans une certaine mesure de la Doctrine Catholique, alors, tout en restant Pape, dans cette mesure-là il met de côté sa dignité de Pape, et dans la même mesure il se met avec ses représentants en dessous de quiconque reste fidèle à la Doctrine du Maître divin.

Autrement dit, cette dignité que le Pape met de côté pour autant qu’il se départit de la Vérité sera assumée par tout Catholique qui reste fidèle à la Vérité. Comme l’a dit Monseigneur Lefebvre dans une réplique fameuse aux autorités Romaines qui l’interrogeaient sur ses dissensions avec le Pape Paul VI : « C’est moi qui devrait vous interroger ! ». Faire valoir la Vérité de Dieu le Père est la fierté et l’humilité, la vocation et la gloire de la petite Fraternité de Monseigneur Lefebvre. Si jamais il y avait le moindre danger que ces discussions avec Rome fissent abandonner à la Fraternité cette vocation, c’est à ce moment-là qu’il ne faudrait absolument plus discuter !

Kyrie eleison.

Une Sincérité Périlleuse

Une Sincérité Périlleuse on août 22, 2009

Si Benoît XVI n’est pas un destructeur de l’Église, alors, comme Jean XXIII, Paul VI et Jean-Paul II avant lui, au moins préside-t-il à sa destruction. Une récente critique de l’excellente analyse de la dernière encyclique de Benoît XVI par M. l’Abbé Peter Scott (disponible sur angelqueeen.org) pose une fois de plus cette question cruciale : est-ce que ces Papes se sont rendus compte de la destruction qui survenait sous leur responsabilité ? Pour faire court, il y a trois réponses principales.

Premièrement, il y a celle des libéraux et des modernistes qui nient qu’une destruction ait eu lieu, et donc bien entendu les Papes récents n’en ont pas conscience. Ils ont été de bons Papes, et alors il ne faut pas les critiquer mais les suivre. Deuxièmement, on trouve à l’opposé la réponse sédévacantiste qui dit, notamment, que ces Papes sont responsables d’une formidable dévastation dans l’Église, car tous ils ont été éduqués dans l’Église préconciliaire, tous ils l’ont trop bien connue (étant des hommes âgés), et tous ils ont trop souvent prononcé (dans leurs jeunes années) le formidable Serment Anti-Moderniste pour ne pas avoir été conscients de la destruction qu’ils ont provoquée. Non seulement nous devons les en blâmer, mais, en toute logique, nous ne devons même pas les considérer comme Papes, encore moins les suivre en quoi que ce soit.

Pour défendre la troisième position contre cette logique apparente des sédévacantistes, prenons une comparaison : tout comme l’aube et le crépuscule ne sont ni contradictoires ni illogiques simplement parce qu’ils mélangent la nuit et le jour, au contraire l’aube et le crépuscule sont deux réalités qui arrivent toutes les 24 heures, de même la position de Monseigneur Lefebvre et de la Fraternité Saint-Pie X n’est pas contradictoire pour la seule raison qu’elle est plus compliquée que les deux réponses relativement simples des libéraux et des sédévacantistes. Au contraire, cette position de la Fraternité est plus réaliste que les deux autres, parce qu’elle correspond ainsi bien mieux à la réalité complexe que sont ces Papes Catholiques libéraux (Monseigneur Lefebvre avait coutume de dire qu’un Catholique libéral est une contradiction ambulante).

Face aux libéraux, la position de la Fraternité affirme qu’il y a eu, bien sûr, une destruction de l’Église sous ces Papes qui, avec l’éducation reçue, avec leur connaissance de l’Église préconciliaire et avec leurs Serments solennels, ils ont dû être conscients de la destruction dont ils ont été responsables. Ainsi donc, tous sont à blâmer pour cette chute de l’Église, même si le degré exact du blâme à donner n’est connu que de Dieu seul.

En revanche, face aux sédévacantistes, la position de la Fraternité tient compte du libéralisme très profond dont le monde moderne est malade, et qui fait que l’aveuglement de ces Papes, tout en étant objectivement condamnable, a pu être subjectivement plus ou moins sincère. Par exemple, le jeune Joseph Ratzinger, dans son Séminaire allemand d’après-guerre, eut comme professeurs des Modernistes très brillants et sans doute séduisants qui lui enseignèrent que l’Église Traditionnelle devait évoluer et, sans qu’on parlât de destruction, être profondément changée afin de s’ajuster à l’homme moderne. Et c’est ce que Joseph Ratzinger croit depuis : la doctrine Traditionnelle de l’Église, l’Église Tridentine et ses Serments solennels ont sans doute été excellents en leur temps, mais ce temps est révolu ! Ici, une objection en soi bien raisonnable : Saint Pie X (Lamentabili n°58) n’a-t-il pas enseigné solennellement que la Vérité ne peut pas évoluer ? Et bien, le Cardinal Ratzinger a déclaré que le décret Lamentabili portait sans doute un enseignement excellent . . . mais pas nécessairement valable pour notre époque ! !

Une nouvelle fois, Dieu seul est juge de l’exacte responsabilité du jeune Joseph et de ses professeurs dans la chute de son intelligence dans le piège de la « vérité en évolution », mais ce qui est certain c’est qu’une fois qu’une intelligence a chuté dans ce piège, elle ne peut s’en sortir, dans notre environnement libéral qu’au prix de difficultés suprêmes. Tant qu’un Avertissement et/ou un Châtiment divin n’auront pas nettoyé cet environnement empesté, les libéraux pourront facilement rester sincères dans leurs erreurs pourtant très graves.

Fraternité Saint-Pie X, méfie-toi de cette « sincérité » qui rend l’erreur drôlement séduisante ! Pas de « Politique d’abord », mais « Vérité d’abord », sans mensonges ni ambiguïtés, même si notre monde bien malade s’abattra sur toi comme une tonne de briques !

Kyrie eleison.