Étiquette : T.S. Eliot

Importance de la Culture

Importance de la Culture posted in Les Commentaires Eleison on avril 25, 2015

A partir de vendredi soir, le 1er mai, jusqu’à dimanche midi, le 3 mai, ici à la maison de « La Reine des Martyrs », le Docteur White mènera un autre séminaire littéraire, comme l’année dernière sur Charles Dickens, ainsi cette année sur T.S.Eliot (1888–1965), autre géant de la littérature anglaise associé directement à ce coin de l’Angleterre. En effet, ce fut dans un pavillon ouvert donnant sur la plage de Margate à huit kilomètres au nord de Broadstairs que le poète anglo-américain de renommée mondiale reprit la plume et réussit à composer une bonne partie de la troisième section du poème le plus important du 20me siècle, au moins en langue anglaise, « The Wasteland ».

Ce poème est un portrait brillant du vide dans les esprits et les cœurs des hommes suite à la Première Guerre mondiale (1914–1918). Eliot y forgea une nouvelle façon fragmentaire d’écrire la poésie, qui capte la condition spirituelle fragmentée de l’homme moderne. C’est en ayant assimilé en profondeur les grands artistes du passé, notamment Dante et Shakespeare, qu’Eliot fut capable de donner une forme à la pauvreté spirituelle de nos temps. Par exemple, dans les six vers du poème directement liés à Margate, une de trois filles de la classe ouvrière raconte comment elle a bradé son honneur de jeune fille, pour rien, et pour souligner le vide de la vie de toutes les trois, leurs récits sont encadrés dans des fragments du chant des trois Filles du Rhin qui ouvre et ferme la vision cosmique du « Nibelungenring » de Wagner.

Le vide et le néant — pourquoi diable les Catholiques devraient-ils s’occuper d’auteurs si déprimants ? Nous nous sauvons par Notre Seigneur Jésus Christ et pas par la culture, surtout pas par la culture nihiliste. Une réponse en particulier concerne T.S.Eliot. Une réponse générale concerne toute « culture », définie comme ces histoires, images et musique dont les hommes ne peuvent éviter de former et fournir leurs esprits et leurs cœurs.

Quant à T.S.Eliot, il a lui-même bientôt répudié « The Wasteland » comme l’oeuvre d’un « ronchon rhythmique », et quelques années plus tard il se fit membre de l’église anglicane. Il avait exprimé de façon géniale le néant moderne, mais il ne s’est pas vautré dedans. Par la suite il a écrit plusieurs pièces de théâtre et surtout le long poème des « Quatre Quatuors », lesquels ne sont point nihilistes et dont le Dr White, qui aime beaucoup Eliot, va parler à Broadstairs dans quelques jours. Puisque T.S.Eliot avait lutté honnêtement avec le problème, il ne recourut à aucune solution d’autruche comme le firent bon nombre de Catholiques égarés par Vatican II.

Car la culture en général est à la religion (ou manque de religion) comme les banlieues d’une ville sont au centre-ville. Bien bête serait le général militaire chargé de défendre une cité s’il abandonnait les banlieues à l’ennemi. De même, tout Catholique qui prend au sérieux sa religion ne saurait être indifférent aux histoires, images et musique qui forment les âmes tout autour de lui. Bien sûr, la religion (ou son manque) est centrale dans la vie d’un homme, et la « culture » en comparaison n’est que périphérique, parce que la culture humaine n’est en fin de compte qu’un dérivé du rapport de l’homme avec son Dieu. Néanmoins la religion et la culture agissent chacune sur l’autre. Par exemple, si tant de Catholiques ne s’étaient pas laissé enchanter par « Le Chant du Bonheur », seraient-ils si facilement tombés victimes de Vatican II ? Et si les chefs actuels de la Fraternité St Pie X, en sachant opposer culture catholique à la contre-culture moderne, avaient saisi toute la profondeur du mal, seraient-ils maintenant si résolus à se soumettre aux délinquants de Vatican II à Rome ? La culture peut être importante comme l’Enfer et le Ciel !

Kyrie eleison.

La Broadstairs de Dickens

La Broadstairs de Dickens posted in Les Commentaires Eleison on juin 21, 2014

;jour à Broadstairs date de 1837, qui fut pour lui un endroit tranquille où il put terminer son premier roman Les Papiers posthumes du Pickwick Club, mais il s’éprit à tel point de la vieille petite ville au bord de la mer qu’il y revint souvent avec sa famille au cours des années 1840–1850 pour écrire, ou pour se reposer d’écrire. Son nom et les noms de ses romans ou celui des personnages de ses romans, se trouvent partout dans la vieille ville qu’il connut. De nos jours elle est entourée – pour ne pas dire étouffée – par ses banlieues modernes, ou de l’ère victorienne, mais Broadstairs célèbre encore chaque année son plus fameux visiteur par un Festival de Dickens au mois de juin.

Le Dr. David Allen White, professeur catholique de littérature et de musique bien connu de nombreux catholiques qui s’efforcent de maintenir la Foi dans le monde anglophone, est un grand amateur de Dickens. Comme il est de passage à Londres cet été, il a accepté de visiter Broadstairs à fin d’assurer, le 2 et 3 août un séminaire de 24 heures en fin de semaine sur Dickens, ouvert au public et qui inclura trois conférences et la Messe dominicale, ainsi qu’une visite qu’il guidera au Musée Dickens en ville, aménagé dans une vieille petite maison connue de Dickens et visitée par Dickens lui-même. Si ce séminaire vous intéresse, faites-nous le savoir bientôt (par info@dinoscopus.org), car si le nombre d’assistants doit être limité, les premiers à se présenter seront les premiers servis. Les repas seront assurés chez nous mais les visiteurs devront trouver un logement en dehors. Attention, ce sera la saison haute des vacances.

Dickens n’était pas catholique, mais Dostoïevski l’appela un « grand chrétien ». Au c

Confronter Le Chaos

Confronter Le Chaos posted in Les Commentaires Eleison on février 18, 2012

Des lecteurs attentifs de ces « Commentaires » peuvent avoir remarqué une contradiction apparente. D’une part les « Commentaires » n’ont cessé de condamner tout ce qu’il y a de moderne dans les arts (par exemple EC 114, 120, 144, 157, etc.). D’autre part, la semaine dernière le poète Anglo-américain T. S. Eliot s’est fait appeler « ultra-moderne », et vanter pour avoir lancé un nouveau style de poésie plus authentique en ce qui concerne l’époque moderne, certes chaotique.

Ainsi que les « Commentaires » l’ont souvent signalé, la modernité dans les arts se caractérise par son manque d’harmonie et sa laideur, parce que l’homme moderne choisit de plus en plus de vivre sans ou même contre Dieu qui a mis l’ordre et la beauté dans toute sa création. Cette beauté et cet ordre se trouvent maintenant tellement enterrés sous les fastes et les œuvres de l’homme sans Dieu qu’il est facile aux artistes de croire qu’ils ne s’y retrouvent plus. Si donc les artistes doivent être véridiques par rapport à ce qu’ils perçoivent de leur entourage et de leur société, il s’ensuit que seul un artiste moderne exceptionnel transmettra quelque chose de l’ordre divin qui demeure caché sous la surface désordonnée de la vie moderne. En effet, la plupart des artistes modernes ont renoncé à l’ordre et, comme leurs clients, se vautrent dans le désordre.

Mais Eliot naquit et fut éduqué vers la fin du 19 ème siècle alors que la société conservait encore un ordre relatif, puis il reçut aux USA une bonne éducation classique lorsque seuls quelques bandits rêvaient en secret de remplacer l’éducation par l’enseignement de matières inhumaines. Aussi le jeune Eliot peut-il n’avoir eu que peu d’accès à la vraie religion, mais on l’avait bien introduit à ce que celle-ci avait engendré depuis le Moyen Age, à savoir les grands classiques de la musique et de la littérature occidentale. Ressentant et cherchant en elles l’ordre qui manquait autour de lui, Eliot fut ainsi capable de saisir le profond désordre du 20 èmesiècle commençant, désordre qui ne ferait qu’éclater avec la Première Guerre mondiale (1914–1918). D’où La Terre Désolée de 1922.

Mais dans ce poème il est loin de se vautrer dans le désordre. Au contraire, clairement, Eliot le hait, montrant à quel point il est vide de chaleur et de valeurs humaines. Ainsi La Terre Désolée conserve peu de trace de la religion occidentale, mais elle se termine sur des bribes de religion orientale, et comme le dit Scruton, Eliot sondait certainement les profondeurs religieuses du problème. En fait, quelques années plus tard Eliot a failli devenir catholique, mais il en a été détourné par la condamnation en 1926 de l’ « Action Française » par Pie XI, condamnation dans laquelle il reconnut davantage le problème et non pas sa solution. Alors par reconnaissance envers cette Angleterre qui lui avait tant permis d’apprécier l’ordre traditionnel, il choisit une solution incomplète, une combinaison d’Anglicanisme avec la grande culture, et un chapelet toujours dans sa poche. Cependant Dieu écrit droit avec des lignes tordues. Combien d’âmes à la recherche de l’ordre seraient restées loin de Shakespeare ou d’Eliot si elles avaient pensé que l’un ou l’autre, par le fait d’être pleinement Catholiques, avaient des réponses seulement préfabriquées, sans correspondance véritable à la vie.

C’est triste, mais c’est ainsi. Or, les âmes peuvent bien se tromper de façon ou d’autre si pour s’éloigner d’auteurs ou d’artistes catholiques ils prennent comme excuse que ceux-ci ne sont pas fidèles à la réalité de la vie, mais il dépend des catholiques de ne pas leur offrir cette excuse. A nous autres catholiques de montrer par notre exemple, face aux profondeurs des problèmes modernes, que nous ne nous laissons pas bercer par des solutions artificielles, nécessairement fausses. Nous ne sommes pas des anges, mais des créatures terre à terre, pourtant invitées au Ciel si nous acceptons notre Croix moderne en suivant Notre Seigneur Jésus-Christ. Seuls de tels disciples peuvent refaire l’Eglise, et le monde !

Kyrie eleison.

Angélisme Mortel

Angélisme Mortel posted in Les Commentaires Eleison on février 11, 2012

En discernant ce qui fit de T.S. Eliot (1888–1965) « indiscutablement le plus grand poète de langue anglaise au 20 ème siècle », un écrivain anglais conservateur de nos jours, Roger Scruton, a des choses intéressantes à suggérer aux Catholiques dont la foi pend à un fil en ces premières années du 21 ème siècle – bref, la solution est dans la souffrance même ! Si nous sommes crucifiés par le monde autour de nous, voilà la Croix que nous devons porter.

Eliot était en poésie un ultra-moderniste. Comme le dit Scruton, « Il a renversé le 19 ème siècle dans la littérature et inauguré l’âge de la versification libre, de l’aliénation et de l’expérimentation. » On pourrait bien se demander si la combinaison de haute culture et d’Anglicanisme à laquelle est arrivé finalement Eliot est une solution suffisante aux problèmes qu’il abordait, mais on ne peut nier qu’avec son célèbre poème, La Terre Désolée de 1922, il a ouvert la voie à la poésie anglaise contemporaine. L’énorme influence de ses poèmes a démontré au moins qu’Eliot avait mis le doigt sur la plaie de notre époque. C’est un homme moderne et il aborda de front le problème de l’époque moderne, résumé par Scruton avec ces mots : « fragmentation, hérésie et incroyance ».

Cependant, La Terre Désolée ne pourrait être le chef d’œuvre qu’il est, s’il n’avait su trouver un sens au chaos. Il s’agit en fait d’un portrait brillant en pas plus de 434 lignes de la « civilisation » européenne détruite, telle qu’elle émergeait des ruines de la Première guerre mondiale. Et comment Eliot a-t-il réussi ce coup ? Parce que, comme le dit Scruton, l’ultra-moderniste Eliot était aussi un ultra-conservateur. Eliot s’était imprégné des grands poètes du passé, en particulier de Dante et de Shakespeare, mais aussi de maîtres plus modernes, tels Baudelaire et Wagner, et en lisant La Terre Désolée on voit clairement que c’est l’appréciation de l’ancien ordre chez Eliot qui l’a rendu capable de saisir le désordre de l’époque actuelle.

Scruton commente que lorsque Eliot balaya d’un revers de main la grande tradition de la poésie romantique anglaise du XIX ème siècle, c’est parce que le romantisme ne correspondait plus à la réalité de son époque. « Il croyait que l’usage par ses contemporains d’une diction poétique dépassée et de rythmes doucereux trahissait une grave faiblesse morale : un refus d’appréhender la vie telle qu’elle est en réalité, un refus de sentir ce qui doit être ressenti envers cette expérience contemporaine à laquelle nous ne pouvons échapper. Et ce refus ne se limitait pas, selon Eliot, à la littérature, mais embrassait tout l’ensemble de la vie moderne. » La recherche d’un nouveau langage littéraire de la part d’Eliot faisait donc partie pour lui d’une recherche plus large – « la recherche de la réalité de l’expérience moderne ».

Or n’avons-nous pas vu, ne voyons-nous pas toujours à l’intérieur de l’Eglise la même « grave faiblesse morale » ? On peut donner le nom de « Cinquantisme » à cette faiblesse de l’Eglise des années 1950 qui fut la cause directe du désastre de Vatican II dans les années 1960. Mais qu’était-ce sinon le refus de voir carrément le monde moderne tel qu’il est ? L’illusion que tout était beau, que tout le monde était gentil ? L’illusion qu’il suffira que je m’emmitoufle dans une sentimentalité angéliste pour que les problèmes de l’Eglise dans le monde Révolutionnaire s’évanouissent tout simplement ? Et que signifie maintenant l’illusion que Rome désire réellement rétablir la Tradition catholique sinon essentiellement le même refus de la réalité moderne ? Comme Eliot nous a fait comprendre que cette sentimentalité est la mort de la vraie poésie, de même Monseigneur Lefebvre nous a montré qu’elle est la mort du véritable catholicisme. Cet Archevêque ultra-conservateur était en même temps le plus moderne des catholiques fidèles.

Catholiques, la réalité d’aujourd’hui peut nous crucifier par l’un ou l’autre de ses nombreux moyens corrompus, mais réjouissez-vous, encore une fois, dit Saint Paul, réjouissez-vous, car ce n’est qu’en acceptant la Croix qui nous revient aujourd’hui à chacun de nous que nous ferons notre propre salut, et que nous construirons le seul avenir du catholicisme.

Kyrie eleison.