Les Commentaires Eleison

Principes de Résistance – I

Principes de Résistance – I on mars 15, 2014

Dans l’état désastreux du monde et de l’Église il y a, parmi d’autres, deux principes centraux en jeu, l’un permanent, l’autre provisoire, mais tous les deux centraux. Leur interaction doit être décisive pour guider notre action.

Le principe permanent, c’est que sans la foi il est impossible de plaire à Dieu (Héb. XI, 6). En effet, tout homme vient de Dieu doté d’un libre arbitre dont il doit faire un tel usage qu’il pourra rejoindre Dieu quand il mourra, pour qu’il jouisse de la vision béatifique pour toute l’éternité. Ces conditions obligatoires de notre existence sur terre constituent de la part de Dieu une offre extrêmement généreuse, vu le relativement peu qu’il exige de notre côté (Is. LXIV, 4), mais le moins que nous puissions faire, et ce n’est qu’un début, c’est de croire en son existence. Et étant donné la bonté de sa Création qui nous entoure de tous les côtés, il est « inexcusable » de ne pas y croire, dit St Paul (Rom. I, 20), et donc sans la foi la plus élémentaire il est impossible de lui plaire.

Le principe provisoire, c’est que le Pasteur est frappé et les brebis dispersées (Zach.XIII, 7), parole reprise par Notre Seigneur dans le Jardin des Oliviers (Mt.XXVI, 31). Au bout d’une décadence répétée de 4,000 ans, Dieu assuma une nature humaine pour fonder une Église qui permît aux hommes de sauver leurs âmes pendant les derniers 2,000 ans d’existence des hommes sur terre. Pendant le premier millénaire la décadence fut sérieusement interrompue, mais après encore quelques siècles elle reprit de plus belle, jusqu’à Vatican II où les chefs mêmes de cette Église de Dieu, les Papes dont elle devait dépendre, se laissèrent sérieusement infecter par la décadence. Désormais il était bien plus difficile pour les hommes de discerner ce qu’exige Dieu pour qu’ils sauvent leurs âmes.

Donc d’une part, objectivement parlant, les vérités permanentes du salut n’ont en rien été changées par la chute des Papes Conciliaires, et il faut maintenir ces vérités si une seule âme doit être sauvée encore. C’était la gloire de Mgr Lefebvre de les avoir maintenues contre la chute des hommes de l’Église et du monde, tandis que c’est la honte de ses successeurs d’être en train de les brader pour pouvoir rejoindre ces hommes d’Église et leur monde.

D’autre part, subjectivement parlant, cette honte est mitigée par l’éclipse provisoire de ces grandes vérités, suivant la chute des Papes. Il n’est pas facile même pour des évêques de voir clair tant que l’Évêque de Rome voit de travers. Il s’ensuit que les Catholiques qui voient clair – par la grâce de Dieu et par rien d’autre – doivent avoir une compassion tous azimuts pour les âmes prises dans une confusion qui n’est pas entièrement de leur faute. Donc il me semble que si Robert est convaincu que pour sauver son âme il doit rester dans la néo-Église, je n’ai pas besoin de le harceler pour qu’il en sorte. Et si Claire est persuadée qu’il n’y a aucun problème grave qui secoue la Fraternité St Pie X, je n’ai pas besoin de la marteler pour la persuader du contraire. Et si Jean ne voit aucun autre moyen de garder la foi qu’en croyant que le Siège de Rome est vacant, tout ce dont j’essaierai de le convaincre, c’est que sa position n’est pas obligatoire.

N’empêche, dans cette dispersion universelle des brebis, il est d’une importance primordiale qu’il y ait quelqu’un qui maintienne, et leur rende accessible, la Vérité objective si les pauvres pierres de la rue ne doivent pas le faire (Lc.XIX, 40), parce qu’il faut au moins chercher cette Vérité si l’on veut sauver son âme. En même temps, que les brebis catholiques qui la cherchent sachent ménager l’aveuglement de leurs semblables, au moins tant que le Pasteur reste frappé.

Kyrie eleison.

Cinquantisme à l’Oeuvre

Cinquantisme à l’Oeuvre on mars 8, 2014

Si jusqu’ici il n’y a eu que relativement peu de réaction dans la Fraternité St Pie X à sa réorientation totale sous Mgr. Fellay, c’est à cause du désir des gens d’en revenir au catholicisme des années 1950. Voilà ce que constate une fidèle qui assiste à la Messe dans une chapelle de la FSPX du monde anglophone. Elle m’écrivit récemment :—

« Pourquoi n’y a-t-il pas de « Résistance » par ici ? Je crois l’avoir compris. Vous avez souvent fait remarquer que la plupart des chefs des débuts de la FSPX n’ont jamais vraiment compris Mgr. Lefebvre. Je crois que cela s’applique à bon nombre des fondateurs de notre chapelle ici. Ce sont les mêmes gens qui s’accrochent à la FSPX et à ses chefs actuels. Comment cela ? Pourquoi n’agissent-ils pas pour protéger contre la menace du dedans les fruits de leurs labeurs ?

« Dimanche, c’est une dame âgée qui me l’a résumé. Selon son mari et elle, ils ont bataillé bravement dans les années 1970 et 1980, et le fruit de leurs efforts c’est la chapelle elle-même. La Messe avec tout ce qui l’entoure, la propriété, les édifices, les bancs, les statues, les ornements – voilà ce que menace la seule existence de la « Résistance ». Pendant tout ce temps-là ils ont bataillé pour restaurer pour eux-mêmes le catholicisme de leur jeunesse. Pour eux il n’y va pas du tout de la doctrine. La dame est membre d’un Tiers Ordre, mais elle croit que les questions de doctrine reviennent aux prêtres et aux évêques, pas aux laïcs. Par exemple, étudier les Encycliques des Papes, c’est s’occuper de choses réservées par Dieu à la hiérarchie.

« Je lui ai demandé s’il ne fallait pas comprendre sa foi, si chaque âme ne devra pas répondre à Dieu de sa connaissance de sa foi ? La réponse m’a semblé aussi sincère qu’étonnante. Ils ont dit, « Non ! La responsabilité du Catholique, c’est d’obéir à ses Supérieurs. » Et si ceux-ci se trompent ? « Obéir quand même ! Toute autre chose, c’est de la rébellion. » Rien qu’interroger ses Supérieurs en matière de doctrine est de la part d’un Catholique « signe de rébellion », parce que cela ne le concerne pas. Si le Supérieur est en erreur, c’est Dieu qui le jugera. « On ne se trompera jamais en obéissant au prêtre. » Et voilà ! Les Résistants sont des rebelles qui désobéissent et manquent de respect. Comment osent-ils interroger leurs Supérieurs ? Quelle présomption que d’étudier la doctrine, d’interroger ses Supérieurs là-dessus ! Les Résistants sont méchants, pas parce que leur doctrine serait fausse, mais parce que leurs mots et actions menacent le catholicisme des années cinquante.

« Mais, dis-je, l’obéissance aveugle est ridicule ! Que devons-nous faire, nous autres brebis, lorsque le Pasteur est frappé et les brebis dispersées ? Nous leurrer que tout va bien et nous laisser dévorer par les loups au nom de l’obéissance ? Que dire à de tels gens ? Ils sont volontairement ignorants, en croyant que l’ignorance volontaire est une vertu ! Comment arrive-t-on à croire une énormité pareille ? Quelle erreur s’est infiltrée dans l’Église pour persuader les Catholiques d’éteindre leurs esprits ? La seule conclusion que je puisse en tirer, c’est que s’il ne reste à la FSPX que des troupeaux de brebis lobotomisées, ce sera pour Rome un jeu d’enfants d’éliminer la dernière forteresse de la Tradition ! Il suffira de soumettre au contrôle de l’évêque du lieu les chapelles de la FSPX par un accord en due forme, ou par une coopération de fait avec les prêtres du Novus Ordo, chose qu’on a observée par ici. »

Remarquez cette évocation d’une absorption possible de la FSPX par Rome, non pas par un accord net et formel, mais par une fusion en douceur. C’est un vrai danger. Je me demande si ce n’est pas là la consigne donnée au QG de la FSPX par ses « nouveaux amis » à Rome.

Kyrie eleison.

D’abord, la Vérité

D’abord, la Vérité on mars 1, 2014

De nombreuses objections doivent exister à l’argument présenté dans les récents numéros de ce « Commentaire », selon lequel la Vérité Divine est antérieure à ses hérauts humains, et alors la faillibilité des Papes n’a pas besoin de nous préoccuper outre mesure, car la vraie Foi est derrière eux, au-delà et au-dessus d’eux. Mais voici l’objection classique : La Vérité en elle-même peut être au-dessus d’eux, mais pour nous êtres humains elle vient seulement à travers eux – « la Foi vient, en effet, de ce que l’on entend » (Rom. X, 17). C’est ainsi que Notre Seigneur a confié à Pierre (c’est-à-dire aux Papes) la charge de confirmer dans la Foi ses frères (Luc. XXII, 31–32). Et donc pour nous autres Catholiques les hérauts sont antérieurs à la Vérité puisque nous ne la recevons que par eux. Plus encore, l’Esprit Saint les guide (Jn. XVI, 13), et alors comment, pauvre moi, puis-je déterminer si ou quand l’Esprit Saint ne le fait plus ?

Dans l’Ecriture aussi se trouve la réponse. Saint Paul écrit à un troupeau que lui-même a instruit dans la Foi : « Mais, même si nous-même, ou un Ange du ciel vous prêchions un Evangile différent de celui que nous vous avons annoncé, qu’il soit anathème ». Et cette affirmation est si importante que Sain Paul la répète immédiatement : « Je l’ai déjà dit, et maintenant je le dis de nouveau : Si quelqu’un vous prêche un Evangile différent de celui que vous avez reçu, qu’il soit anathème » (Gal. I, 8–9).

Mais un Galate aurait pu objecter : « Pourquoi devons-nous croire en l’Évangile de ta première visite en Galatie et pas en un Evangile éventuellement différent lors d’une seconde visite ? Saint Paul donne tout de suite une première raison : « Parce que je vous fais savoir, frères, que l’Evangile prêché par moi n’est pas de l’homme. Car je ne l’ai reçu ni appris d’aucun homme, mais par révélation de Jésus- Christ » (Gal. I, 11–12). Et Saint Paul confirme ceci en racontant le peu de contact qu’il a eu avant le début de sa prédication avec ceux qui auraient pu le lui enseigner – les autres Apôtres – (Gal. I, 15–19). Ce fait était facilement vérifiable par les Galates, et St Paul va jusqu’à jurer aux Galates qu’il ne ment pas (Gal. I, 20). La deuxième raison, il la donne peu après : les miracles et les œuvres de l’Esprit Saint (Gal. III, 2–5) dont les Galates eux-mêmes avaient été témoins comme résultat direct de la prédication de Paul lors de sa première visite.

Ainsi, Paul prouve que Dieu non seulement lui a appris, mais aussi a confirmé aux Galates, l’Évangile de cette première visite, en sorte que s’ils désiraient sauver leur âme, ils seraient non seulement capables mais encore obligés de discerner par eux-mêmes la contradiction entre cet Évangile et n’importe quel autre. Et n’importe (Gal. I, 8) si le prédicateur de l’Evangile différent était un ange ou Paul lui-même – ou un Pape ! – les Galates auraient même dans ce cas le devoir d’en rester au premier Evangile de Paul. La Vérité avait été présentée devant leurs yeux (Gal. III, 1), et les Galates l’avaient reconnue et acceptée (Gal. III, 3), tout comme on reconnaît que 2 + 2 = 4. Ainsi elle avait priorité sur n’importe quel prédicateur qui la contredirait par la suite, quelle que fût l’autorité pour enseigner que celui-ci pût sembler avoir (Gal. I, 9).

Ainsi Monseigneur Lefebvre disait-il que pendant les 19 siècles entre Saint Paul et Vatican II, l’Eglise avait prêché exactement le même Évangile, provenant de Dieu et constamment confirmé par Dieu. En tant que révélé par Dieu, cet Évangile est la Révélation ; en tant que transmis par les hommes d’Église, il est la Tradition ; en tant qu’enseigné avec autorité par l’Église, il est son Magistère Ordinaire et Extraordinaire. Entre cet Evangile et Vatican II la contradiction est évidente, donc nous devons accepter et croire en la Tradition si nous désirons sauver nos âmes, quelles que soient les apparentes autorités de l’Eglise qui disent le contraire. Que Dieu nous y aide. Mais comment alors la propre Fraternité de Monseigneur Lefebvre, la Fraternité Saint Pie X, peut-elle chercher officiellement à se soumettre aux autorités de Vatican II comme elle le fait actuellement ?

Kyrie eleison.

Humanisation Fatale

Humanisation Fatale on février 22, 2014

Quelques catholiques qui soutiennent que le Siège Apostolique est vacant, protestent fermement contre les récents numéros de ce « Commentaire », car ils paraissent mettre au même niveau l’hérésie universelle du libéralisme et l’opinion particulière du sédévacantisme. Mais alors que ce « Commentaire » ne cesse d’attaquer la plaie du libéralisme, a-t-il fait récemment plus que d’apporter des arguments selon lesquels personne n’est obligé d’être sédévacantiste ? Et si l’on considère quel piège stérilisant s’avère être le sédévacantisme dans certains cas, n’est-ce pas là une prise de position bien modérée ?

Ce que maintient ce « Commentaire », c’est que le sédévacantisme, bien qu’admirable en tant qu’effort pour combattre le libéralisme dans l’Église, est au mieux un moyen inadéquat de ce faire, car il partage avec les libéraux d’aujourd’hui l’une de leurs erreurs fondamentales, à savoir l’exagération de l’infaillibilité papale. Dans toute sa profondeur cette erreur nous ramène au cœur de l’actuelle crise sans précédent de l’Eglise, et voilà pourquoi ce « Commentaire » va insister, tout en demandant pardon aux lecteurs indûment ennuyés ou offensés. Car c’est toute l’Eglise qui est en jeu et pas seulement les sensibilités de tels ou tels de ses membres.

Cette erreur en toute sa profondeur s’étale sur les 700 dernières années. C’est l’humanité tournant le dos lentement mais sûrement à Dieu, à Son Fils et à Son Eglise. Au sommet du Moyen Âge, les Catholiques avaient une Foi claire et forte, saisissant l’unicité et l’exclusivité du Dieu objectif et de sa Vérité sans contradiction. Par exemple Dante n’eut aucune difficulté à mettre plusieurs Papes dans son Inferno. Mais au fur et à mesure que l’homme se plaça lui-même toujours plus au centre de toutes choses, Dieu perdit sa transcendance absolue au dessus des créatures, et la Vérité devint de plus en plus relative, non plus à l’autorité de Dieu, mais à celle de l’homme.

Dans le cas de l’Eglise, prenez par exemple la 13 ème des 17 « Règles pour sentir avec l’Eglise » du célèbre livre des Exercices Spirituels de Saint Ignace, loué par d’innombrables Papes depuis lors et sans aucun doute responsable d’avoir contribué puissamment au salut de millions d’âmes. Saint Ignace écrit : « Pour ne nous écarter en rien de la vérité, nous devons maintenir le principe de croire que le blanc que je vois est noir, si l’Eglise hiérarchique le décide ainsi ». Une telle position pourrait renforcer l’autorité des hommes d’Eglise à court terme, mais ne court-elle pas le risque grave de séparer l’autorité de la vérité à long terme ? « Nous n’avons aucune autorité contre la vérité, mais pour la vérité » (II Cor, XIII, 8).

De fait, vers la fin du 19 ème siècle le libéralisme était devenu si puissant que l’Eglise se vit obligée à renforcer sa propre autorité par la Définition en 1870 de son Magistère opérant au maximum de son pouvoir, à savoir chaque fois que 1) un Pape 2) définit 3) un point de Foi ou de morale 4) de manière à obliger en conscience toute l’Eglise. Mais mus depuis lors par une pensée trop humaine, trop de Catholiques, au lieu de rapporter ce Magistère Extraordinaire à Dieu et à l’immuable Vérité du Magistère Ordinaire de l’Eglise, ont eu tendance à prêter à la personne humaine du Pape une infaillibilité qui provient de Dieu et qui n’appartient qu’à Dieu seul. Ce processus d’humanisation a engendré une infaillibilité envahissante qui devait d’une façon presque inévitable aboutir dans la prétention grotesque de Paul VI de refondre la Tradition de l’Eglise au nom d’un « Solennel Magistère Ordinaire ». La grande majorité des Catholiques l’ont suivi docilement, et jusqu’à ce jour la plupart d’entre eux deviennent jour après jour libéraux en suivant les Papes Conciliaires, tandis qu’une petite minorité de catholiques se voit acculée à nier que les responsables de la folie conciliaire puissent être Papes tout simplement.

Personnellement je respecte bon nombre de sédévacantistes, dans la mesure où ils croient en l’Eglise et où ils désespèrent de trouver une autre solution à un problème infiniment grave de l’Eglise. Mais à mon avis ils feraient bien de regarder plutôt vers l’infinie hauteur et profondeur de Dieu Lui-même.

Kyrie eleison.

L’Infaillibilité de l’Église – II

L’Infaillibilité de l’Église – II on février 15, 2014

Il y a beaucoup à dire sur l’infaillibilité de l’Église, en particulier pour corriger des illusions qui trouvent (par erreur) leur origine dans la Définition en 1870 de l’infaillibilité Papale. Aujourd’hui par exemple, les sédévacantistes et les libéraux pensent que leurs positions sont totalement opposées. Mais s’arrêtent-ils un instant pour voir à quel point, au moins sur l’infaillibilité, ils ont une démarche intellectuelle parallèle ? Majeure : les Papes sont infaillibles. Mineure : les Papes Conciliaires sont libéraux. Conclusion libérale : nous devons devenir libéraux. Conclusion sédévacantiste : ils ne peuvent être Papes. L’erreur ne se situe ni dans la logique ni dans la Prémisse Mineure. Elle ne peut donc se situer que dans une incompréhension des deux côtés au sujet de ce que l’on entend par infaillibilité dans la Majeure. Une fois encore, l’homme moderne place l’autorité au dessus de la Vérité.

Dieu Eternel est la Vérité même, absolument infaillible. Dans le temps créé, par l’intermédiaire de Son Fils Incarné, Il institua son Église avec une doctrine pour le salut des âmes humaines. Venant de Lui cette doctrine ne pouvait qu’être inerrante, mais pour la maintenir hors d’atteinte des erreurs des hommes d’Église à qui Il devait la confier, Son Fils allait leur promettre l’« Esprit de Vérité » pour les guider « pour toujours » (Jn.XIV,16). En effet, sans une garantie aussi formelle, comment Dieu aurait-Il pu exiger des hommes, sous peine d’éternelle damnation, de croire à son Fils, à sa doctrine et à son Église (Mc.XVI,16) ?

Cependant, malgré ce qui vient d’être dit, Dieu n’allait pas retirer aux hommes d’Église cette liberté (pas un droit) d’errer dont il les avait dotés. Et Il permettra à cette liberté d’aller aussi loin qu’ils le désirent, mais pas au point de rendre sa Vérité inaccessible aux hommes. Cela va loin, et cela comprend une série de Papes gravement défectueux dans l’histoire, mais le pouvoir de Dieu va encore plus loin que la méchanceté des hommes ( Isaïe LIX,1–2 ). Au Concile Vatican II par exemple, les erreurs des hommes d’Église allèrent très loin sans toutefois que Dieu permît à son Église de défaillir totalement dans sa présentation aux hommes de la Vérité, exempte d’erreur grâce à sa propre infaillibilité. Même les Papes Conciliaires ont dit bon nombre de vérités catholiques à côté de leurs erreurs Conciliaires.

Mais alors comment moi, une âme simple, puis-je distinguer entre ce qu’ils ont dit de vrai et leurs erreurs ? En premier lieu si je recherche vraiment Dieu d’un cœur droit, Il me guidera vers Lui, comme la Bible le dit en de nombreux endroits. En second lieu, la doctrine de Dieu étant aussi immuable que Dieu, elle doit être cette doctrine que l’on trouve chez (presque) tous les hommes d’Église qui l’ont enseignée et maintenue dans (presque) tous les endroits et au cours de (presque) toutes les époques, autrement dit la Tradition. Depuis le début de l’Église, cette permanence dans la transmission a été le test le plus sûr de l’authenticité de ce que Notre Seigneur Lui-même a enseigné. Au cours des siècles la Tradition sans erreurs a été l’œuvre de millions d’hommes d’Église. C’est pour elle que Dieu a doté son Église comme un tout, et pas seulement ses Papes, de la conduite infaillible de l’Esprit Saint.

Et c’est la Tradition qui est la pièce maîtresse de l’infaillibilité de l’Église sur laquelle viennent se poser les Définitions solennelles des Papes qui ne sont que comme le sommet enneigé, précieux et nécessaire, de l’infaillibilité de l’Église, sans en constituer la masse montagneuse. Observons en premier lieu que les Définitions du Magistère Extraordinaire des Papes n’existent pas seulement depuis 1870 mais depuis le début de l’Église, et qu’elles n’existent pas pour rendre la Tradition vraie mais pour rendre certain ce qui appartient à la Tradition depuis les origines, et ce qui ne lui appartient pas, lorsque les errements des hommes l’avaient rendu incertain. Recherchant avant tout la vérité, Monseigneur Lefebvre, avec raison a préféré la Tradition inerrante aux Papes gravement errants. Ses successeurs n’ayant jamais compris leur Fondateur, comme tous les libéraux modernes qui n’ont pas assez le sens de la vérité, sont en train de préférer les Papes errants à l’inerrante Tradition. Sous-estimant la vérité et surestimant les Papes, les sédévacantistes répudient totalement les Papes errants, et peuvent être tentés d’abandonner entièrement l’Église. Que Dieu nous prenne tous en pitié.

Kyrie eleison.

L’Infaillibilité de l’Église – I

L’Infaillibilité de l’Église – I on février 8, 2014

Le problème principal des sédévacantistes, c’est probablement l’infaillibilité de l’Église (les Papes Conciliaires sont horriblement faillibles, donc ils ne peuvent être Papes). Mais ce n’est point que pour soulager le sédévacantisme qu’il faut étudier l’infaillibilité. Le problème moderne qui consiste à préférer l’autorité à la vérité est vaste.

« L’infaillibilité » signifie l’impossibilité de faillir, ou de tomber dans l’erreur. Le premier Concile du Vatican a défini en 1870 que le Pape ne peut errer lorsque quatre conditions sont présentes : il doit (1) parler comme Pape, (2) sur une question de Foi ou de mœurs, (3) de façon définitive, et (4) avec l’intention claire de lier ou d’obliger l’Église tout entière. Tout enseignement qui arbore ces quatre conditions appartient à ce qu’on appelle son « Magistère Extraordinaire », car d’une part les Papes n’engagent que rarement toutes les quatre conditions ensemble, et d’autre part tout Pape enseigne beaucoup d’autres vérités qui ne peuvent être erronées ni fausses parce que l’Église les a toujours enseignées, et donc elles appartiennent à ce que Vatican I a appelé le « Magistère Ordinaire Universel » de l’Église, également infaillible.Alors comment le Magistère Extraordinaire du Pape se tient-il par rapport à ce Magistère Ordinaire de l’Église ?

Notre Mère l’Église enseigne que le Dépôt de la Foi, ou la Révélation publique, fut complétée avec la mort du dernier Apôtre, disons en 105 AD. Depuis lors aucune vérité supplémentaire n’a été ajoutée à ce Dépôt ou corps de vérités révélées, ni ne saurait y être ajoutée. Donc aucune Définition « extraordinaire » ne saurait y ajouter un iota de vérité, elle ne fait qu’y ajouter pour le bien des fidèles une certitude à quelque vérité qui appartient déjà au Dépôt de la Foi, mais dont cette appartenance n’avait pas été assez claire avant. Donc nous avons dans l’ordre : d’abord une RÉALITÉ objective, indépendante de tout esprit humain, comme par exemple le fait historique pour la Très Sainte Vierge d’avoir été conçue sans péché originel. Ensuite vient la VÉRITÉ dans tout esprit qui se conforme à cette réalité. En troisième lieu seulement survient une DÉFINITION lorsqu’un Pape engage toutes les quatre conditions pour définir cette vérité, et en dernier lieu surgit de cette définition pour les fidèles la CERTITUDE quant à cette vérité. Ainsi là où la réalité engendre la vérité, la définition ne crée pas plus que la certitude quant à cette vérité.

Mais la réalité et la vérité appartenaient déjà au Magistère Ordinaire parce qu’il est hors de question qu’un Pape définisse infailliblement une vérité en-dehors du Dépôt de la Foi. Il s’ensuit que le Magistère Ordinaire se tient au Magistère Extraordinaire comme le chien se tient par rapport à sa queue, et pas comme la queue par rapport au chien. Le problème en présence, c’est que la Définition de 1870 a donné au Magistère Extraordinaire un tel prestige que le Magistère Ordinaire a été mis à l’ombre, à tel point que les Catholiques, même des théologiens, se sont efforcés de trouver pour lui une infaillibilité comme celle du Magistère Extraordinaire. Mais cela n’a point de sens. Le Magistère Extraordinaire pré suppose le Magistère Ordinaire, et n’existe que pour donner (4) certitude à une (2) vérité déjà enseignée par le Magistère Ordinaire.

Qu’une montagne dont la cime est couverte de neige serve comme illustration. D’aucune façon la montagne ne dépend de la neige si ce n’est pour être encore plus visible. Par contre la neige dépend complètement de la montagne pour se tenir là où la neige se trouve. De même le Magistère Extraordinaire ne fait pas plus pour le Magistère Ordinaire que de le rendre plus clairement ou certainement visible. Au fur et à mesure que l’hiver approche, la chape de neige descend plus bas. Et au fur et à mesure que la charité se refroidit dans les temps modernes, de plus en plus de définitions du Magistère Extraordinaire peuvent devenir nécessaires, mais cela ne constitue pas la perfection du Magistère de l’Église. Au contraire, un surcroît de définitions signale une faiblesse de la part des fidèles dans leur saisie des vérités de la foi. Plus un homme se porte bien, moins il a besoin de pilules.

La semaine prochaine, l’application de cette analyse au sédévacantisme, comme à la crise actuelle de la Fraternité St Pie X.

Kyrie eleison.