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Libéraux Maudits

Libéraux Maudits on décembre 3, 2011

Le libéralisme est une maladie épouvantable, qui emmène à l’Enfer éternel des millions et des millions d’âmes. Il « libère » l’esprit de la vérité objective et le cœur (volonté et affections) du bien objectif. Le sujet règne en maître suprême. C’est l’homme à la place de Dieu avec l’homme donnant à Dieu autant d’espace qu’il plaît à l’homme de lui laisser, ce qui d’habitude ne signifie pas beaucoup. Le Dieu Tout-Puissant est tenu en laisse, pour ainsi dire, comme un petit chien obéissant ! En fait, le « Dieu » des libéraux est une caricature du vrai Dieu. Mais « On ne se rit pas de Dieu » (Gal.VI, 7). Les libéraux sont châtiés en cette vie en devenant de faux croisés, de vrais tyrans, et des hommes efféminés.

Un exemple classique de faux croisés est celui des prêtres révolutionnaires en Amérique Latine, selon Monseigneur Lefebvre. Il disait souvent que les prêtres qui perdaient la Foi sous l’influence du mouvement modernisant dans l’Eglise, devenaient les plus terribles des révolutionnaires, car à la fausse croisade du Communisme ils apportaient toute l’énergie de la vraie croisade pour le salut des âmes, pour laquelle ils avaient été formés, mais à laquelle ils ne croyaient plus.

La vraie croisade étant pour Dieu, pour Jésus-Christ et pour le salut éternel, alors lorsqu’on y croit plus, cela laisse dans la vie des gens un vide énorme, qu’ils s’efforcent de remplir en se lançant à la croisade pour tout et pour n’importe quoi : pour l’interdiction du tabac (mais liberté pour le cannabis et l’héroïne) ; pour une interdiction de la peine de mort (mais liberté d’exécuter les gens de droite efficaces) ; pour l’interdiction de tyrans (mais liberté de tyranniser avec les bombes n’importe quel pays pour le mener à la « démocratie ») ; pour la sacralisation de l’homme (mais liberté d’avorter les bébés humains dans le ventre de leur mère) – la liste peut être allongée indéfiniment. Les contradictions que nous venons de mettre en lumière sont parfaitement conformes à la croisade des libéraux pour un ordre du monde totalement nouveau qui doit remplacer l’ordre du monde Chrétien. Ils prétendent qu’ils ne combattent pas le Christ, mais cette prétention devient de plus en plus difficile à maintenir.

Les libéraux deviennent aussi, logiquement, de véritables tyrans. Dès lors qu’ils se sont « libérés » eux-mèmes de tout Dieu ou Vérité ou Loi au dessus d’eux, il ne demeure que l’autorité de leur propre esprit et volonté pour imposer à leurs frères humains leur propre plaisir – « Stat pro ratione voluntas ». Par exemple, ayant perdu tout sens de la moindre Tradition limitant son autorité, Paul VI imposa à l’Eglise Catholique en 1969 son Nouvel Ordo de la Messe, compatible avec le Nouvel Ordre Mondial, malgré le fait que seulement deux ans plus tôt un nombre important d’évêques avaient rejeté un rite expérimental de la Messe substantiellement semblable. Que lui importaient les opinions de ses subordonnés, à moins qu’ils ne fussent des libéraux comme lui-même ? Ils ne savaient pas ce qui était bon pour eux. Lui le savait.

Logiquement encore, les libéraux deviennent efféminés, car ils ne peuvent s’empêcher de prendre toute contrariété comme une offense personnelle. Et pourtant une saine opposition à leur autoritarisme est fondée sur cette Vérité ou Loi au-dessus de tous les êtres humains, mais dont les libéraux ne tiennent aucun compte. C’est ainsi que Monseigneur Lefebvre a résisté au libéralisme de Paul VI, mais tout ce qui vint à l’esprit de Paul VI, c’est que l’Archevêque voulait prendre sa place comme Pape, ainsi que Paul VI le lui dit expressément, Il fut incapable de comprendre qu’il y avait une Autorité beaucoup plus haute que la sienne, sur laquelle l’Archevêque se fondait en parfaite tranquillité. Qui a besoin de s’inquiéter lorsqu’il s’appuie sur Dieu ?

Cœur Sacré de Jésus, donnez-nous de mériter les bons chefs qui ne viennent que de Vous.

Kyrie eleison.

Les Dons des GRECs – II

Les Dons des GRECs – II on août 27, 2011

« Mais, Monseigneur, comment la semaine dernière (CE 214) avez-vous pu mettre en question la sincérité et bonne volonté des officiels romains qui ne cherchent qu’à mettre fin à l’aliénation de la Fraternité St Pie X par rapport à l’Église officielle ? Vous les avez comparés aux Grecs qui trompèrent délibérément les Troyens avec le Cheval de Troie. Mais tout ce que veulent les Romains, c’est de dépasser cette division pénible qui a prévalu trop longtemps entre les catholiques de la Tradition et l’Autorité de l’Église ! »

Réponse : il n’y a aucun besoin de mettre en question la sincérité et bonne volonté de ces Romains. Voilà précisément le problème ! Après presque 500 ans de protestantisme et de libéralisme notre époque est à tel point confuse et perverse que le monde est plein de gens qui font le mal tout en étant convaincus qu’ils font le bien. Et plus ces gens sont convaincus qu’ils font le bien, plus ils peuvent être dangereux parce que c’est avec d’autant plus de sincérité subjective et de bonnes intentions qu’ils poussent vers le mal objectif et entraînent d’autres à leur suite. Plus ces Romains sont convaincus que leur Néo-église est ce qu’il faut, et plus efficacement ils détruiront la vraie Église.

« Mais, Monseigneur, Dieu seul est juge de leurs intentions ! »

Dès qu’il s’agit de défendre la Foi, les intentions subjectives n’ont plus beaucoup d’importance. Si les Romains sont bien intentionnés en essayant d’attirer la FSSPX dans l’Eglise officielle, peut-être les aimerai-je sur le plan personnel, mais je n’en détesterai pas moins leurs erreurs. Si par contre ils ne sont pas bien intentionnés parce qu’ils sont conscients qu’ils cherchent à détruire la vraie Foi, je ne les aimerai plus et je détesterai encore plus leurs erreurs. Qu’ils soient aimables ou non, que je les aime ou non, cela a peu d’importance, ou aucune, par rapport au fait objectif qu’ils sont en train de détruire l’Église.

Lorsque des hommes aimables colportent d’horribles erreurs, trop facilement il en résulte de deux choses l’une : ou bien j’en conclus que leurs erreurs sont aussi aimables que les hommes eux-mêmes et alors les hommes m’attirent vers le libéralisme, ou bien je conclus que les hommes sont aussi horribles que leurs erreurs, et dans ce cas-là, par exemple, les erreurs des Papes conciliaires m’attirent vers le sédévacantisme. Mais la réalité actuelle, c’est que jamais dans toute l’histoire de l’humanité il n’a été si facile pour les hommes d’être aussi aimables que leurs erreurs sont horribles. Telle est notre époque. On ne verra pire que sous l’Antéchrist, mais c’est bien ses prédécesseurs qui mènent dès aujourd’hui le monde à sa ruine.

En attendant il est certain que les Romains qui vont rencontrer le 14 septembre les chefs de la FSSPX seront convaincus que la Néo-église telle que Vatican II l’a refaite est l’Église qu’il faut, et dans ce cas-là ils seront gravement dans l’erreur, mais il est possible aussi qu’on les choisisse pour leur charme personnel pour qu’ils attirent la FSSPX vers la Rome officielle. Alors ne soyez pas surpris, chers lecteurs, si on fera en sorte que la FSSPX semblera mépriser les offres nobles et les bonnes intentions de Rome, mais il n’en sera rien. L’unique objet d’un mépris éventuel de la part de la FSSPX portera sur les erreurs horribles. Vive la vraie Rome ! Vivent les Romains aimables ! Mais à la lanterne leurs erreurs horribles !

« Monseigneur, où réside leur erreur essentielle ? »

Dans l’homme mis à la place de Dieu. Ceux qui refont l’Église glissent dans l’apostasie, et ils entraînent à leur suite des âmes sans nombre.

Kyrie Eleison.

Foi Conquérante

Foi Conquérante on août 6, 2011

Pour répondre à la critique convaincante dressée par Mgr. Tissier de Mallerais contre le système de pensée du Pape Benoît XVI, que dirons-nous alors (Rom.VI, 1) ? Parcourons trois arguments qui pourraient servir aux bons catholiques pour défendre le Pape contre l’accusation que sa façon de penser n’est pas catholique.

La ligne de défense la plus générale rappellerait que quiconque attaque le Pape sert et aide les ennemis de l’Eglise. Pourtant n’est-ce pas le tout premier devoir du Pape que de « confirmer ses frères dans la Foi » (Lc.XXII, 32) ? Dès lors si la pensée d’un Pape s’éloigne sérieusement de la Foi, comment peut-on dire qu’en le lui signalant avec tout le respect qui lui est dû, on s’attaque à lui, ou fait œuvre des ennemis de l’Eglise ? N’est-ce pas plutôt l’aider à voir comment il doit faire son devoir, et lui rappeler l’unique moyen dont il dispose pour vaincre ces ennemis qui sont plus puissants aujourd’hui que jamais, à savoir cette Foi dont St Jean déclare qu’elle est « notre victoire sur le monde » (I Jn.V,4) ?

Une deuxième objection à l’argument de Mgr. Tissier, propre à notre situation actuelle, ferait valoir que le Pape est prisonnier dans le Vatican en sorte qu’il n’est plus libre de défendre la Tradition catholique comme vraiment il voudrait le faire. Or il est vrai que les Papes post-conciliaires ont été entourés aux sommets de l’Église par des prélats francs maçons qui en secret ne cherchent pas autre chose que sa destruction, et de plus il est possible que le Concile ait permis aux maîtres de l’argent de serrer de plus en plus leur nœud coulant financier autour du cou du Vatican. Mais ne suffirait-il pas au Vatican de proclamer la vraie doctrine pour s’assurer une abondance de dollars ? Et si la foi de Benoît XVI n’était pas prisonnière de ses erreurs hégéliennes, n’aurait-elle pas facilement le dessus de tous les francs maçons autour de lui ? Cette victoire devrait passer par le martyre ? Peut-être pour libérer l’Église nous faudrait-il une série de Papes martyrs, comme il y en a eu dans l’Église primitive, mais si seulement nous les méritions, le Vatican retrouverait rapidement sa liberté !

Une troisième objection, plus directe, a été esquissée dans le dernier « Commentaire » (CE 210) : Benoît XVI pourrait prétendre qu’il croit non seulement dans l’enrichissement mutuel de la Raison et la Foi, mais aussi dans la Foi Traditionnelle . Par exemple, il dirait lui-même qu’il croit absolument que le corps crucifié de Jésus, réuni à son âme humaine, est sorti vivant du sépulcre le matin de Pâques, de sorte que, si, à titre de Pape, il dit à l’homme moderne que la vraie signification de la Résurrection n’est pas la sortie d’un corps matériel d’un tombeau matériel mais plutôt la victoire de l’amour spirituel sur la mort, c’est uniquement pour rendre plus accessible à l’incrédulité de l’homme moderne le mystère de la Résurrection.

Mais, Très Saint Père, demanderait-on, ce même corps crucifié est-il sorti vivant du sépulcre matériel, oui ou non ? S’il n’a pas ressuscité, cessez de le croire, cessez même de faire semblant de le croire, et donnez votre démission comme Pape de tous ces pauvres catholiques illusionnés qui le croient. Mais si par contre ce cadavre a ressuscité, c’est bien CELA que vous devez proclamer au pauvre homme moderne, et vous devez lui jeter à la figure son incrédulité. Il n’a point besoin qu’on lui parle d’amour, amour, amour. On lui en rebat les oreilles ! Ce qu’il a besoin d’entendre, c’est que seul Notre Seigneur vraiment ressuscité a pu arrêter net ses ennemis implacables, et transformer en vainqueurs du monde ses Apôtres par ailleurs totalement découragés.

Très Saint Père, il ne sert à rien d’essayer de se mettre sur la longueur d’onde de notre monde corrompu. Il faut le conquérir sur la longueur d’onde de Notre Seigneur. Et si on vous oblige à nous donner l’exemple du martyre, veuillez croire que nous serons peut-être nombreux à avoir besoin de cet exemple dans un avenir pas trop lointain. Nous prions humblement pour vous.

Kyrie Eleison.

La Pensée de Benoît XVI – II

La Pensée de Benoît XVI – II on juillet 16, 2011

Si l’on divise en quatre parties l’étude de Monseigneur Tissier de Mallerais sur la pensée de Benoît XVI, la deuxième partie présente ses racines philosophiques et théologiques. En analysant d’abord l’aspect philosophique Mgr Tissier fait comme Pie X dans sa grande Encyclique sur le modernisme, Pascendi. Si une bouteille de vin est sale à l’intérieur, même le meilleur vin que l’on y versera sera abîmé. Si l’esprit d’un homme est désorienté, même la Foi catholique en y passant sera ruinée. Or la philosophie moderne désoriente et défait l’esprit humain. Voici le problème de Benoît XVI.

Comme Pie X avant lui, Mgr Tissier attribue au philosophe allemand des Lumières, Emmanuel Kant (1724–1804), la responsabilité principale de cette défaite des esprits modernes. C’est Kant qui a perfectionné le système de l’anti-pensée subjectiviste qui règne aujourd’hui partout, et qui exclut de tout discours rationnel le Bon Dieu. En effet, si l’esprit humain ne peut connaître de l’objet rien de plus que ce qui en paraît aux sens, cet esprit est rendu libre de reconstruire comme il veut la réalité derrière ces apparences sensibles. Dès lors la réalité objective est écartée comme inconnaissable, et le sujet règne suprême. S’il a besoin de Dieu et postule son existence, tant mieux pour Dieu. Sinon, le Bon Dieu se trouve, pour ainsi dire, mis au rancart !

Mgr. Tissier présente ensuite cinq philosophes modernes, tous aux prises avec les conséquences de la folie subjectiviste de Kant qui a préféré l’idée à la réalité, le sujet à l’objet . Parmi eux les deux plus importants pour leur influence sur la pensée du Pape pourraient être Heidegger (1889–1976), un père de l’existentialisme, et Buber (1878–1965), un maître du personnalisme. En effet, si les essences sont inconnaissables (Kant), il ne reste que l’existence. Or parmi les existants le plus important est la personne, constituée pour Buber par l’intersubjectivité, ou le rapport « Moi-toi » entre les personnes subjectives, rapport qui ouvre le chemin à Dieu. Donc la connaissance du Dieu objectif va dépendre de l’engagement subjectif de la personne humaine. Quel fondement peu sûr pour cette connaissance-là !

N’empêche, que le sujet humain y mette du sien est la clef de la pensée théologique de Benoît XVI, sous l’influence tout d’abord, dit Mgr Tissier, de la célèbre École de Tuebingen. Fondée par J. S. von Drey (1777–1853), cette École maintenait que l’histoire est mue par l’esprit de l’époque qui est toujours en mouvement, et cet esprit, c’est l’esprit du Christ. Il s’ensuit que la Révélation divine n’est plus le Dépôt de la Foi clôturé par la mort du dernier Apôtre que les époques suivantes ne font qu’expliciter. Non, son contenu ne cesse d’évoluer, et le sujet qui reçoit cette Révélation contribue à son contenu. Donc l’Église de chaque époque joue un rôle non seulement passif mais aussi actif dans la Révélation, et c’est elle qui donne à la Tradition du passé sa signification pour le présent. Cela ne nous rappelle-t-il pas l’herméneutique de Dilthey ? Voir l’EC de la semaine passée.

C’est ainsi que pour Benoît XVI Dieu n’est ni un objet à part, ni purement objectif. Il est personnel, un « Moi » qui échange avec chaque « Toi » humain. Sans lui il n’y a ni l’Écriture ni la Tradition, c’est vrai, mais d’autre part le « Toi » vivant et en mouvement doit constamment relire cette Écriture, et puisque l’Écriture est essentielle à la Tradition, alors la Tradition aussi doit être rendue dynamique par la participation active du sujet, et elle ne peut se contenter de rester statique comme la Tradition fixiste ( e.g.de Mgr. Lefebvre). De même la théologie doit se laisser subjectiviser, et la Foi doit être une « expérience vivante » de Dieu, et jusqu’au Magistère doit cesser d’être purement statique.

Commentaire de Jérémie (XVII, 5) : « Malheur à l’homme qui met sa confiance en l’homme ».

Kyrie Eleison.

La Pensée de Benoît XVI – I

La Pensée de Benoît XVI – I on juillet 9, 2011

Le numéro 205 de ce Commentaire a annoncé une série de quatre numéros qui montreraient à quel point la « façon de croire » du Pape est « désorientée ». Ces numéros résument de fait l’étude précieuse rédigée il y a deux ans sur ce sujet par Mgr Tissier de Mallerais, l’un des quatre évêques de la Fraternité St Pie X. Monseigneur dit que son étude, intitulée La Foi au Péril de la Raison, est « sans prétention », mais elle tire bien au clair le problème fondamental du Pape : comment croire en la Foi catholique de façon à ne pas exclure les valeurs du monde moderne. L’étude montre qu’une telle façon de croire est nécessairement désorientée, même si le Pape croit encore en quelque sorte.

L’étude se divise en quatre parties. Après une Introduction importante à « l’Herméneutique de Continuité » du Pape, Mgr Tissier examine brièvement les racines philosophiques et théologiques de la pensée du Pape. En troisième lieu il en expose les fruits pour l’Évangile, le dogme, l’Église et la société, pour la Royauté du Christ et pour les fins dernières. Il conclut par un jugement pondéré sur cette Foi « rénovée » du Pape, jugement aussi critique qu’il est respectueux. Commençons par un survol de l’Introduction :—

Le problème de fond pour Benoît XVI, comme pour nous tous, c’est l’affrontement entre la Foi catholique et le monde moderne. Par exemple le Pape voit bien que la science moderne est amorale, que la société moderne est laïciste et que la culture moderne est multi-religieuse. Spécifiquement, dit-il, ce sont la Foi et la Raison qui s’affrontent, la Foi de l’Eglise et la Raison telle qu’elle a été élaborée par les Lumières du 18me siècle. Pourtant il reste convaincu que l’on peut et on doit les interpréter de façon à les mettre en harmonie l’une avec l’autre. C’est pour cela qu’au Concile de Vatican II, Concile qui cherchait lui aussi à mettre en harmonie la Foi avec le monde d’aujourd’hui, il a joué un rôle central. Mais les Traditionalistes attribuent l’échec du Concile au fait précis que ses principes sont inconciliables avec la Foi. D’où « l’Herméneutique de la Continuité », autrement dit, système d’interprétation élaboré par Benoît XVI pour montrer qu’il n’y a pas de rupture entre la Tradition catholique et Vatican II.

Les principes de son « herméneutique » remontent à un historien allemand du 19me siècle, Wilhelm Dilthey (1833–1911). Dilthey maintenait que les vérités qui surgissent dans l’histoire ne peuvent être comprises que dans leur histoire, et que les vérités humaines ne peuvent être comprises tant que le sujet humain ne s’engage pas comme sujet dans cette histoire. Dès lors pour que le noyau des vérités du passé puisse continuer dans le présent, il faut qu’on les dépouille de tous leurs éléments périmés du passé pour les remplacer par des éléments de première importance pour le temps présent. Benoît applique à l’Église ce processus double de purification et d’enrichissement. D’une part la Raison doit purifier la Foi de ses erreurs du passé, par exemple son absolutisme, et d’autre part la Foi doit amener la Raison à modérer ses attaques contre la religion, et à se rappeler que ses valeurs comme la liberté, l’égalité et la fraternité ont pris leur origine toutes dans l’Église.

La grande erreur ici du Pape, c’est que les vérités de la Foi catholique qui ont construit la civilisation chrétienne et qui fondent le peu qui en reste encore, ne surgissent pas du tout dans l’histoire humaine, elles puisent leur origine dans le sein éternel du Dieu immuable. Ce sont des vérités éternelles, venant de l’éternité et d’une durée éternelle : « Le ciel et la terre passeront, » dit Notre Seigneur, « mais mes paroles ne passeront pas » (Mt. XXIV, 35). Ni Dilthey ni Benoît XVI apparemment ne conçoit qu’il puisse y avoir des vérités loin au-dessus de l’histoire humaine et de tout son conditionnement. Si le Pape pense qu’en faisant de telles concessions à la Raison sans Foi, il va attirer à la Foi les sectaires de la Raison, qu’il se ravise. Ceux-ci ne feront que mépriser la Foi encore plus !

Dans la deuxième partie de l’étude de Mgr Tissier, nous verrons les racines philosophiques et théologiques de la pensée de Benoît XVI.

Kyrie Eleison.

Vrai Pape ? – II

Vrai Pape ? – II on mai 7, 2011

Que la bonne foi ou la bonne volonté subjective de la part des Papes conciliaires suffise pour empêcher que leurs hérésies objectives, vraiment horribles, font qu’ils ne sont pas de vrais Papes, c’est une opinion exposée ici (EC 198) il y a une semaine, mais qui est bien loin d’être agréée par tout le monde. Lisez le Professeur Doermann pour voir comment Jean-Paul II a propagé le Salut Universel, lisez Mgr Tissier de Mallerais pour voir comment Benoît XVI évacue la Croix. Ces hérésies au moins matérielles sont tellement horribles que ceux-là sont nombreux qui affirment #1, qu’elles ne peuvent pas avoir de vrais Vicaires du Christ pour auteurs, ou #2, que toute la bonne foi du monde ne peut neutraliser leur poison, ou #3, que la bonne foi subjective est exclue dans le cas de Papes conciliaires qui ont été formés quand même dans la bonne vieille théologie. Voyons tranquillement chacun de ces arguments :—

#1 Jusqu’à quel point le Bon Dieu peut permettre à ses Vicaires de le trahir (objectivement), Dieu seul le sait avec certitude. Mais nous savons par l’Évangile (Lc. XVIII, 8) que lorsque le Christ reviendra sur terre, il n’y retrouvera guère la Foi. Mais la Foi en 2011 s’est-elle déjà réduite à ce point-là ? On peut penser que non, et alors il se peut que Dieu permette à ses Vicaires conciliaires de descendre encore plus bas, sans qu’ils cessent d’être ses Vicaires. En effet, l’Évangile n’affirme-t-il pas qu’au moment même ou Caïphe complotait le plus grand des crimes jamais commis contre Dieu, à savoir le meurtre judiciaire du Christ (Jn.XI, 50–51), il était le Grand Prêtre ?

#2 Il est vrai que l’hérésie objective des hérétiques bien intentionnés est beaucoup plus importante pour l’Église universelle que leurs bonnes intentions subjectives, vrai aussi que beaucoup d’hérétiques objectifs sont subjectivement convaincus de leur propre innocence. Pour cette double raison, lorsque l’Église est bien portante elle met en marche le mécanisme dont elle dispose pour forcer ces hérétiques matériels soit à renoncer à leurs hérésies, soit à se faire des hérétiques formels – c’est l’Inquisition qu’elle revêt de toute son autorité divine pour discerner et condamner l’hérésie, pour sauvegarder la pureté de sa doctrine. Mais alors que se passe-t-il si c’est l’autorité suprême de l’Église qui nage dans les hérésies objectives ? Qui y a-t-il au-dessus des Papes qui ait l’autorité nécessaire pour les corriger ? Personne ! Alors Dieu a-t-il abandonné son Église ? Nullement, mais il la soumet à une épreuve gravissime qui n’a été que trop méritée par la tiédeur de la masse des fidèles d’aujourd’hui – y compris, hélas, des dits « Traditionalistes » ?

#3 Il est vrai que Benoît XVI comme Jean-Paul II a reçu une formation pré-conciliaire en philosophie et théologie. Mais déjà en leur temps les vers du subjectivisme kantien et de l’évolutionnisme hégélien rongeaient depuis plus d’un siècle les entrailles du concept d’une vérité objective et immuable, sans lequel concept celui d’un dogme catholique immuable n’a aucun sens. Par ailleurs si ces Papes ont donné dans l’hérésie matérielle, on peut bien dire que cela n’a pas été sans leur faute – soit la recherche de la popularité, soit l’orgueil intellectuel. N’empêche, la faute morale ne remplace pas la condamnation par l’autorité en matière de doctrine pour les transformer d’hérétiques matériels en hérétiques formels.

Donc étant donné que seuls les hérétiques formels sont exclus de l’Église, et que dans le cas des Papes le seul moyen de discerner et de condamner les hérétiques formels n’est pas disponible, ne s’ensuit-il pas que sur le problème posé par les Papes conciliaires une certaine liberté d’opinion doit rester ouverte ? D’une part le mot « sédévacantiste » ne mérite pas d’être devenu le gros mot qu’en font les « Traditionalistes » libéraux, mais d’autre part les arguments des sédévacantistes ne sont pas aussi concluants qu’ils le veulent ni le prétendent. Concluons que les sédévacantistes peuvent encore être catholiques, mais qu’il n’y a une obligation pour aucun catholique de se faire sédévacantiste. Personnellement, je crois que les Papes conciliaires sont, malgré tout, de vrais Papes.

Kyrie Eleison.