Les Commentaires Eleison

Décision Capitale

Décision Capitale on octobre 27, 2012

Ainsi, l’exclusion de la Fraternité Saint Pie X de l’un des quatre évêques consacrés pour son service par Mgr Lefebvre en 1988 est maintenant officielle. Il s’agit d’une décision importante de la part des dirigeants de la FSSPX, et non pour des raisons personnelles, mais en raison de la suppression de ce que beaucoup ont considéré être le plus grand obstacle au sein de la FSSPX à une fausse réconciliation entre la Tradition catholique et la Rome conciliaire. Maintenant qu’il est parti, la Fraternité peut plus facilement continuer sa glissade dans le libéralisme commode.

Si le problème était simplement sa personne, il pourrait ne pas y avoir de conséquences trop graves. Il a 72 ans (« il est plus ou moins gaga ») et il ne lui reste plus trop d’années actives devant lui. On pourrait l’ignorer complètement ou le discréditer encore plus, le cas échéant, et le laisser fulminer à son aise dans sa retraite isolée. Mais si de fait son exclusion signifie le rejet de l’opposition à Rome qu’il représentait, la FSSPX est alors en difficulté, et loin de résoudre ses tensions intérieures en ayant fait de lui un exemple, elle risque maintenant d’être déchirée par les dissensions silencieuses ou les contradictions ouvertes.

La raison en est que Mgr Lefebvre a fondé la Fraternité Saint Pie X pour résister à la destruction de l’Église  : de la foi catholique par le Concile et ses 16 documents, de la pratique de cette foi par la nouvelle messe avant tout. Depuis le début de la Fraternité, la résistance au Concile fait partie intégrale de sa nature. Or, on ne peut pas défaire la nature d’une chose sans défaire la chose. Il s’ensuivrait que par cette exclusion la FSSPX de Mgr Lefebvre est en voie d’être défaite, et elle sera remplacée par quelque chose de tout à fait différent. En fait, on a pu observer cette transformation depuis de nombreuses années. L’exclusion n’est simplement qu’un coup final.

Non pas que Mgr. Lefebvre était principalement ou uniquement contre le Concile. Il était avant tout catholique, un évêque catholique, un vrai pasteur des âmes, comme il ressort de ses écrits d’avant le Concile. Mais une fois que cette catastrophe indicible pour l’Eglise eut lieu, il reconnut très vite que la tâche la plus urgente pour la défense de la Foi était de résister à la révolution de Vatican II qui s’emparait de millions de cœurs et d’esprits catholiques. D’où sa fondation en 1970 de la FSSPX qui permettrait d’utiliser exclusivement le rite tridentin de la messe. D’où sa fameuse Déclaration de novembre 1974, qui était comme une charte des principes catholiques qui inspirent la résistance de la FSSPX. Seuls la conversion et le retour des autorités de l’Eglise à la vraie foi peuvent justifier l’abandon de ces principes. Une telle conversion ou un tel retour ont-ils eu lieu ? En aucune façon. Bien au contraire.

Et l’avenir ? Pour combler le vide laissé par l’abandon des objectifs de Mgr. Lefebvre, il est probable que la FSSPX officielle va se précipiter bientôt dans les bras de Rome, en particulier si la conscience de Benoît XVI le pousse à mettre fin au « schisme » avant sa mort. L’exclusion de l’évêque peut ou non avoir été une condition préalable posée par Rome pour un accord entre Rome et la FSSPX, mais en tout cas elle en favorise certainement un. Les prêtres de la Fraternité qui voient clair pourraient se terrer pour le moment et attendre que le vent semé soit suivie par la tempête à récolter. Les laïcs de la FSSPX pourraient assister à des messes de la Fraternité, pour l’instant, quitte à surveiller le moment où la transformation mentionnée ci-dessus commence à menacer leur foi. Quant à l’évêque exclu, les dons pour lui ou sa cause devront attendre que tout soit arrangé pour les recevoir. Mais ne doutez pas d’une chose : il n’entend pas prendre sa retraite.

Accrochez-vous bien, mes amis. Ce sera la randonnée de notre vie. Faisons-en la randonnée qui nous mène au Paradis !

Kyrie eleison.

Lire en Famille

Lire en Famille on octobre 20, 2012

Dernièrement, ce « Commentaire » conseillait aux lecteurs de transformer leurs maisons en forteresses au cas où les bastions publics de la Foi deviendraient périmés à cause du mal débordant de notre époque, et certains lecteurs nous ont écrit pour nous demander de quelle façon leurs maisons pourraient être fortifiées. De fait, certains numéros du « Commentaire » ont suggéré déjà une variété de moyens spirituels et matériels pour défendre la maison et la famille, notamment, bien sûr, le Saint Rosaire, mais on a omis de mentionner un moyen auquel je penserais moi-même pour remplacer la télévision si j’avais une famille à défendre : la lecture à haute voix tous les soirs aux enfants, de chapitres choisis dans le Poème de l’Homme-Dieu de Maria Valtorta. Et lorsque nous arriverions au bout des dix volumes en français, je m’imagine que nous recommencerions depuis le début, et ainsi de suite, jusqu’à ce que tous les enfants eussent quitté le foyer !

Toutefois, le Poème ne manque pas d’ennemis nombreux et éloquents. Le Poème consiste en épisodes de la vie de Notre Seigneur et de Notre Dame, depuis la conception immaculée de celle-ci jusqu’à son assomption au Ciel, tels qu’ils ont paru dans des visions reçues, on peut le croire, du Ciel, lors de la Deuxième Guerre mondiale dans le Nord de l’Italie par Maria Valtorta. Elle était célibataire, d’âge mur, immobilisée dans son lit de malade de façon permanente à la suite d’une blessure au dos reçue plusieurs années auparavant. Les notes inclues dans l’édition italienne (qui comprend plus de 4,000 pages en 10 volumes) montrent à quel point elle craignait d’être trompée par le Diable, et en effet bon nombre de personnes ne sont pas convaincues que le Poème vienne réellement de Dieu. Voyons trois objections parmi les plus importantes.

En premier lieu, le Poème fut mis à l’Index des livres interdits par l’Église dans les années 1950, c’est-à-dire avant que Rome ne devînt néo-moderniste dans les années 1960. Le motif invoqué pour sa condamnation fut qu’on y donne aux événements de l’Evangile un aspect romantique et sentimental. En second lieu, on accuse le Poème d’un grand nombre d’erreurs doctrinales. En troisième lieu, l’objection que faisait Monseigneur Lefebvre au Poème était que l’on y trouve tant de détails physiques de la vie quotidienne de Notre Seigneur qu’il en sort de lui une image trop matérielle qui nous fait trop descendre en dessous du niveau spirituel des quatre Évangiles.

Mais, en premier lieu, comment les modernistes ont-ils pu prendre le pouvoir dans la Rome des années 1960, ainsi qu’ils le firent, s’ils n’avaient été déjà bien établis dans la Rome des années 1950 ? Le Poème, comme les Evangiles (par exemple Jn.XI,35,etc.) est plein de sentiments, mais toujours proportionnés à leur objet. Aux yeux de tout juge objectif le Poème ne semblera, à mon avis, ni sentimental ni romantique. En deuxième lieu, les soi-disant erreurs doctrinales ne sont pas difficiles à expliquer, l’une après l’autre, comme cela a déjà été fait par un théologien compétent dans les notes que l’on trouve dans l’édition italienne du Poème. Et en troisième lieu, tout en gardant, bien sûr, tout le respect que l’on doit à Monseigneur Lefebvre, je dirais que l’homme moderne a besoin de détails matériels pour qu’il puisse croire de nouveau en la réalité des Évangiles. N’est-il pas vrai qu’une excessive « spiritualité » peut reléguer, pour ainsi dire, Notre Seigneur à l’étage supérieur, où il devient irréel, tandis qu’au rez-de-chaussée le cinéma et la télévision prennent possession du sens de la réalité de l’homme moderne ? De même que Notre Seigneur était vrai homme et vrai Dieu, ainsi le Poème est-il à tout moment aussi pleinement spirituel que pleinement matériel.

De la lecture vivante et non-électronique du Poème à la maison, je peux imaginer de nombreux bienfaits possibles, outre le contact réel et vivant entre les parents qui lisent et les enfants qui écoutent. Les enfants s’imbibent de ce qui les entoure, comme les éponges s’imbibent d’eau. Avec la lecture de chapitres du Poème choisis selon l’âge de l’enfant, je me demande s’il y a une limite aux enseignements qu’ils pourraient absorber au sujet de Notre Seigneur et de Notre Dame.Et les questions qu’ils poseraient ! Et les réponses que les parents devraient trouver ! Je crois réellement que le Poème pourrait beaucoup contribuer à faire d’un foyer une forteresse de la Foi.

Kyrie eleison.

Elmer Gantry

Elmer Gantry on octobre 13, 2012

Sur le petit écran individuel des passagers, lors d’un vol intercontinental, j’ai trouvé récemment parmi les films « classiques », un film que je me souvenais d’avoir vu il y a environ 50 ans : c’est la version tournée en 1960 du roman de Sinclair Lewis, Elmer Gantry. Je me souvenais du film à cause de deux propos faisant partie de son dialogue qui me sont restés en mémoire depuis. Le premier est celui d’un homme âgé qui compare la conversion religieuse à un enivrement. Le deuxième, celui d’une jeune femme qui supplie qu’on lui mente. Aussi ai-je revu le film . . .

Elmer Gantry est un charlatan américain des années 1920 qui s’éprend d’une femme prédicateur évangéliste charismatique, la « Sœur » Falconer, alors qu’elle est en pleine croisade de conversions à travers le pays, sous un grand chapiteau itinérant. Par manque de vraie religion, le film est assez confus, mais il campe bien et la véritable nécessité qu’ont les âmes de la religion et la fausseté de la « religion » Protestante fondamentaliste.Autant la véritable nécessité que la fausse satisfaction sont bien résumées ensemble, lorsqu’Elmer interroge un vieillard occupé à nettoyer le chapiteau : « Voyez-vous, Monsieur », lui répond-il en s’appuyant sur son balai, « j’ai été converti cinq fois. Par Billy Sunday, par le Révérend Biederwolf, par Gypsy Smith et deux fois par la Sœur Falconer. Je prends une cuite terrible, ensuite je me convertis et je suis sauvé. Et la cuite et la conversion me font un bien fou ! »

Il y a bien sûr un effet comique dans cette réponse, mais elle est tragique lorsqu’on pense à tant d’âmes pour lesquelles il est devenu presque du bon sens que de mettre sur le même niveau la conversion religieuse et l’ivresse. Rabaisser ainsi la conversion au niveau de la survie terre à terre, c’est se mettre bel et bien sur le chemin qui aboutit à ridiculiser totalement la religion. Pour combien d’âmes le Saint Nom de Jésus n’a-t-il pas été virtuellement massacré par l’usage sentimental à fleur de peau qu’en font les prédicateurs protestants fondamentalistes ! Lisez La Sagesse du Sang et d’autres contes de Flannery O’Connor (1925–1964), femme de lettres américaine, écrivain catholique qui choque mais qui n’est pas confuse, et qui montre bien jusqu’à quel point l’instinct religieux de l’homme peut être déformé par le Protestantisme du Sud profond des Etats-Unis. Bien sûr, Dieu peut faire sortir des roses d’un égout, cependant quel dommage immense font les hérésies !

Le contexte du deuxième propos du film dont je me souvenais est plutôt privé, mais on peut en faire une application bien plus large. Alors qu’Elmer poursuit la femme prédicateur Falconer, il rencontre par hasard une autre femme qu’il avait maltraitée et abandonnée quelques années auparavant. Lorsque cette femme apprend son aventure avec la femme prédicateur, elle cherche à se venger, mais alors même qu’elle prépare un piège destiné à détruire totalement la réputation d’Elmer dans la presse, elle ne peut s’empêcher en même temps de désirer qu’il lui dise qu’il l’aime. Voici ses paroles : « Dis-mois un beau et gros mensonge que je puisse croire, mais embrasse-moi fort ». Aimant encore Elmer, tout ce qu’elle veut c’est d’être dupée par lui.

Comment ne pas voir qu’il en va de même dans le monde qui nous entoure ? Tout ce qu’il demande c’est d’être dupé. Et c’est pourquoi nous vivons dans un monde rempli des mensonges de Satan. De Dieu, nous n’en voulons pas. Or, la vie sans Lui ne peut pas fonctionner – voir Ps.126,vers.1, et regardez autour de vous.Pourtant nous voulons absolument croire que la vie fonctionne au mieux sans Lui. En effet, nous disons à nos autorités politiques, « Nous vous avons élues pour que vous nous racontiez des mensonges beaux et gros, mais il faut nous embrasser également fort dans notre impiété. Faites un 9/11, un 7/7 (le 9/11 anglais), n’importe quoi, pourvu que nous puissions continuer à croire en vous comme notre protecteur à la place de Dieu. Plus le mensonge sera gros, plus nous allons le croire, mais embrassez-nous fort. Étreignez-nous tant que vous voudrez dans votre état policier, mais garantissez-nous que Dieu sera mis à la porte ».

Comment nous étonner que nous ayons le monde satanique qui est le nôtre ?

Kyrie eleison.

Tirez Davantage !

Tirez Davantage ! on octobre 6, 2012

Fort d’une bonne variété d’amis qui me tirent dessus tous azimuts, je ne puis supporter l’idée de les voir rester à court de munitions, et c’est pourquoi voici un bon choix de balles et de cartouches que j’ai pu ramasser sur le champ de bataille. Les compliments proviennent de prêtres, fidèles et Sœurs, inquiets surtout qu’un certain événement de l’histoire moderne ait été nié à la télévision suédoise en novembre, 2008. (Et malgré tout . . . Malgré tout . . . ) Joyeuse distraction !

« Monseigneur Williamson est un prélat qui a un fort tempérament, beaucoup de prestige et d’autorité, qui ne supportait pas de ne pas être le premier dans la FSSPX, qui voulait laisser son nom dans l’histoire, qui a donc choisi à 68 ans, ayant compris qu’il ne serait jamais le successeur de Monseigneur Fellay, de faire exploser la « bombe » du révisionnisme afin de faire parler de lui et de conquérir la première place en prenant le risque de créer un « schisme » dans la FSSPX, pour gagner de l’influence et faire école. »

« Il a décidé de se comporter en provocateur afin de faire capoter les pourparlers entre la FSSPX et Rome, parce qu’il était hostile à ces pourparlers, et que sa position subordonnée dans la FSSPX ne lui permettait pas, sans ce scandale, d’empêcher ce dialogue et l’accord qui pouvait en résulter. »

« C’est un provocateur parce qu’il est un infiltré, un ancien anglican qui au fond est toujours demeuré hostile à l’Église catholique, et qui voulait faire capoter les accords entre Rome et la FSSPX parce que ces accords étaient trop favorables à la FSSPX, c’est-à-dire au catholicisme. »

« C’est un illuminé, un surnaturaliste, un obsédé des complots et du danger juif, qui voit l’apocalypse pour demain. Il n’est pas sérieux, et au reste le révisionnisme n’est pas sérieux. »

« Il a des qualités naturelles qui font de lui un homme du monde et un ambitieux, qui a eu l’habitude de recevoir beaucoup d’égards de la part de tout le monde, qui a eu beaucoup d’influence sur de nombreuses personnes, qui était considéré comme un « dieu » quand il voyageait encore. Mais à cause de ses qualités personnelles, il est orgueilleux, et jaloux de Monseigneur Fellay, et c’est pourquoi il a décidé d’agir en franc-tireur avec l’affaire de la télévision suédoise, par envie et ressentiment ».

« En réalité, bien avant l’affaire suédoise, il était déjà trop politique et trop indépendant du reste de la FSSPX, dont il ne partageait pas entièrement l’esprit. En 2004, il attaquait publiquement la hiérarchie de la FSSPX en l’accusant d’un esprit jansénisant et d’un surnaturalisme excessif. En réalité, il ne faisait que régler des comptes personnels, comme cela arrive entre ecclésiastiques ».

« C’est un original qui n’a aucun sens des responsabilités et qui s’est livré en public à ses marottes, sans s’apercevoir qu’il causait beaucoup de tort à la Tradition ; il a été en fait manipulé par les fascistes et néo-païens, à tout le moins il a été récupéré par eux. Il ne nourrissait en faisant cela aucune intention de conquête personnelle du pouvoir, mais cet homme est imprévisible et on ne peut pas lui faire confiance. »

En tout cela, c’est de moi qu’on parle ! Ah, que j’adore être le centre de l’attention !

Kyrie eleison.

Sarto, Siri ?

Sarto, Siri ? on septembre 29, 2012

Lors d’un sermon pour la fête de Saint Pie X, je me suis surpris à prononcer une « quasi-hérésie » : Je me demandais à voix haute si Joseph Sarto aurait désobéi à Paul VI lorsque celui-ci détruisait l’Église, si au lieu de mourir étant le Pape Pie X en 1914, il était mort comme Cardinal, disons en 1974. Dans la Fraternité Saint Pie X, cela doit ressembler à une hérésie car, comment la sagesse du patron céleste de la FSPX peut-elle être prise en défaut ? Néanmoins la question n’est pas inutile.

Dans les années 1970Mgr. Lefebvre entreprit quelques visites personnelles à un certain nombre de cardinaux et d’évêques de l’Église parmi les meilleurs, dans l’espoir d’en persuader au moins une poignée à offrir une résistance publique à la révolution de Vatican II. Il disait souvent que la résistance unie de rien qu’une demi-douzaine de ces évêques aurait pu sérieusement entraver la débâcle Conciliaire de l’Église. Hélas, ni même le Cardinal Siri de Gênes que Pie XII souhaitait avoir comme successeur, ne voulait faire un geste publique contre l’Église officielle Conciliaire. Finalement, Monseigneur de Castro Mayer s’associa en public à Mgr Lefebvre, mais pas plus tôt que dans les années ‘80, alors que la Révolution Conciliaire s’était déjà bien incrustée au sommet de l’Église.

Vient alors la question : comment fut-il possible que les meilleurs parmi les esprits les mieux préparés aient pu être aussi aveuglés ? Comment au moins quelques-uns parmi les meilleurs hommes d’Église de l’époque ne furent-ils pas en mesure de voir ce que l’Archévêque voyait, par exemple que la « loi » qui instaurait la Nouvelle Messe ne pouvait être en aucune façon une vraie loi, car il appartient à la nature même d’une loi d’être un ordonnancement de la raison pour le bien commun ? Comment Monseigneur Lefebvre put-il se trouver si relativement seul pour refuser qu’un principe de bon sens aussi fondamental se laissât étouffer par respect de l’autorité, alors que la survie même de l’Église était gravement menacée par Vatican II et la Nouvelle Messe ? Comment l’autorité put-elle arriver à prendre ainsi le dessus de la réalité et de la vérité ?

Je réponds que depuis sept siècles la Chrétienté glisse dans l’apostasie. Pendant 700 ans, avec de nobles interruptions telle la Contre-réforme, la réalité du catholicisme s’est vue lentement ronger par le rêve cancéreux du libéralisme, comme quoi l’homme doit se libérer de Dieu en libérant sa nature de la grâce, son esprit de la vérité objective, et sa volonté du bien et du mal objectifs. Pendant très longtemps, pendant 650 ans, les chefs de l’Église catholique se sont accrochés à la réalité et l’ont défendue, mais à la fin, la force du rêve de la modernité, fantaisie toujours plus éblouissante et séduisante, finit par pénétrer dans leurs os suffisamment pour que la réalité perdît son emprise sur leurs esprits et leurs volontés. La grâce venant à leur manquer, ainsi que le dit Saint Thomas Moreà propos des évêques anglais de son époque qui trahissaient l’Église catholique, les prélats de Vatican II laissèrent le rêve des hommes peser plus que la réalité de Dieu, et l’autorité peser plus que la vérité. Il y a ici des leçons pratiques pour le clergé comme pour les laïcs.

Chers confrères, à l’intérieur comme à l’extérieur de la FSPX, pour servir Dieu, prenons garde de ne pas réagir comme Joseph Siri alors qu’en réalité il nous faut réagir comme Joseph Sarto, avec ses magnifiques condamnations des erreurs modernes dans Pascendi, Lamentabili et Notre Charge Apostolique sur le Sillon. Et pour obtenir la grâce dont nous avons besoin dans cette crise la plus terrible de toute l’histoire de l’Église, nous avons terriblement besoin de prier.

Quant à vous, fidèles, si les horreurs de la vie moderne vous font avoir « faim et soif de justice », réjouissez-vous, si vous pouvez, de ce que ces horreurs vous maintiennent dans la réalité, et ne doutez pas que si vous persévérez dans cette faim et soif, « vous serez rassasiés » (Mt.V, 6). Bienheureux les pauvres en esprit, les doux, ceux qui pleurent, dit Notre Seigneur au même endroit. Quant à la protection la plus sûre pour éviter que vos esprits et vos cœurs ne soient pris par le rêve, priez cinq, ou mieux quinze, Mystères chaque jour du Saint Rosaire de Notre Dame.

Kyrie eleison.

Déclaration Réversible

Déclaration Réversible on septembre 22, 2012

Peut-être pas tout dans le Chapitre Général de la Fraternité Saint Pie X de Juillet en Suisse n’a été désastreux, mais de ses deux documents officiels, les « Six Conditions » sont « d’une faiblesse alarmante » (cf.EC 268, 1 er Septembre), tandis que la « Déclaration » finale laisse beaucoup à désirer. Voici un résumé très bref de ses dix paragraphes :—

1 Nous remercions Dieu des 42 ans d’existence de notre Fraternité. 2 Nous avons redécouvert notre unité après la crise récente (vraiment ?), 3 pour professer notre foi 4 en l’Eglise, dans le Pape, dans le Christ Roi. 5 Nous adhérons au Magistère constant de l’Eglise, 6 comme à sa Tradition constante. 7 En nous unissant à tous les catholiques qui souffrent la persécution, 8 nous prions pour que nous viennent en aide la Très Sainte Vierge Marie, 9 Saint Michel, 10 et Saint Pie X.

Voilà une Déclaration qui ne manque pas de piété, dont Saint Paul dit qu’elle est utile à tout (I Tim.IV, 8). Néanmoins, auprès de ses deux disciples, Timothée et Tite, il insiste constamment sur la nécessité de la doctrine qui est quand même le fondement de la véritable piété. Hélas, en ce qui concerne la doctrine la Déclaration n’est pas si forte. Au lieu de fustiger les erreurs doctrinales du Concile qui ont dévasté l’Église au cours des 50 dernières années, la Déclaration ne contient dans ses paragraphes les plus doctrinaux, 5 et 6, qu’une faible condamnation de ces erreurs. Par contre elle met en relief la constance du Magistère et de la Tradition de l’Église, ce qui est tout à fait juste, mais cela constitue un argument trop facile à renverser de la part d’un Conciliaire. Voyons de quelle façon :

Le paragraphe 5 qualifie les nouveautés du Concile Vatican II comme « étant entachées d’erreurs », alors que le Magistère constant de l’Eglise est « ininterrompu » : « Par son acte d’enseignement, le Magistère transmet le dépôt révélé en parfaite harmonie avec tout ce que l’Eglise entière a toujours cru, en tout lieu ». Ce qui implique, bien sûr, que Rome devrait faire passer Vatican II à la blanchisserie, pour enlever les taches. Mais voyons ce qu’un Romain pourrait répliquer :—« La façon dont le Chapitre exprime la continuité du Magistère est en tout point admirable ! Mais ce Magistère, c’est nous autres Romains, et nous, nous déclarons que le Vatican II est en continuité avec le passé, sans taches ! ».

Il en est de même pour le paragraphe 6. La Déclaration dit : « La Tradition constante de l’Eglise transmet et transmettra jusqu’à la fin des temps l’ensemble des enseignements nécessaires au maintien de la Foi et au salut », et alors il faut viser à un retour des autorités de l’Église à la Tradition. Riposte d’un Romain : « La façon dont le Chapitre décrit la manière dont la Tradition maintient la Foi est tout à fait admirable ! Mais c’est nous, les Romains, qui sommes les gardiens de cette Tradition et nous, nous disons qu’en vertu de l’herméneutique de la continuité Vatican II n’interrompt pas la Tradition, mais la continue. Ce qui fait que le Chapitre se trompe complètement en prétendant que nous devons y revenir ».

Quel contraste entre la vulnérabilité de cette Déclaration et la force de l’attaque irréversible lancée par Mgr. Lefebvre contre les erreurs du Vatican II dans sa Déclaration célèbre de novembre, 1974. Il y déclare que la Rome Conciliaire n’est pas la Rome catholique parce que la réforme Conciliaire est « naturaliste, Teilhardienne, libérale et Protestante . . . toute entière empoisonnée . . . provenant de l’hérésie et conduisant à l’hérésie », etc., etc. Sa conclusion est un refus catégorique d’avoir quoi que ce soit à faire avec la nouvelle Rome, puisqu’elle n’est en rien la Rome véritable.

Lisez sur Internet les deux Déclarations et voyez laquelle des deux est, sans risque d’erreur, la trompette qui appelle à la bataille nécessaire (I Cor.XIV,8) ! On est amené à se demander combien des capitulants de 2012 ont jamais étudié les paroles et les raisonnements du grand Archévêque.

Kyrie eleison.